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Le Courrier | Deux immeubles de containers pour 230 mineurs non accompagnés

Un nouveau centre, dédié aux jeunes migrants sans famille, a été inauguré à Carouge. D’autres structures de ce type sont à l’étude pour faire face à l’afflux de réfugiés mineurs.

Article de Philippe Bach, publié dans Le Courrier, le 25 janvier 2016. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Deux immeubles représentant quelque 230 places! Les autorités ont inauguré vendredi le tout nouveau centre d’hébergement Etoile-Praille, situé le long de la route des Jeunes, sur la commune de Carouge. Une structure dédiée à l’accueil de requérants mineurs non accompagnés (RMNA). Mais qui permet aussi de loger actuellement, de manière provisoire, des familles avec enfants. Au fur et à mesure de l’arrivée de nouveaux RMNA, celles-ci quitteront les lieux pour d’autres structures d’hébergement. A terme, le site Etoile-Praille devrait uniquement accueillir des jeunes âgés de 15 ans à 18 ans.

Les deux bâtiments (plus un petit pavillon administratif) présentés vendredi sont des structures modulaires, constituées de containers assemblés. Le tout forme deux barres d’immeubles de quatre niveaux. Si l’intérieur des chambres est spartiate, les équipements collectifs – cuisines, buanderies – sont solides et fonctionnels.
Genève accueille actuellement 184 RMNA (30 filles et 154 garçons), sur quelque 6531 réfugiés recensés fin 2015. Soit une hausse de 235% par rapport à l’année précédente. La plupart d’entre eux (131 personnes) ont fait le déménagement et résident déjà dans ces lieux.

Un terrain loué pour sept ans

Ils étaient auparavant logés dans un foyer au Grand Saconnex. En termes de confort, le nouveau centre est mieux adapté que les anciens locaux, initialement prévus pour des activités administratives, qui les abritaient jusqu’alors. Et il permet un encadrement social et pédagogique plus cohérent. A terme, environ 25 travailleurs sociaux et éducateurs seront actifs sur ce site. Avec un accent mis sur le travail d’intégration, comme l’a relevé le conseiller d’Etat Mauro Poggia: «Environ 50% des migrants resteront en Suisse, c’est ce que nous disent les statistiques; nous devons veiller à ce que cela se fasse de manière harmonieuse, ces jeunes sont en train de devenir nos jeunes.»

Le chantier a pu être mené de manière relativement rapide. Le projet a été conduit à son terme en huit mois. Le tout pour un coût d’environ 10 millions de francs, à charge de l’Hospice général. Il s’agit d’un emplacement provisoire, le terrain est loué pour une durée de sept ans. Ensuite? «Soit nous pouvons rester ici encore quelques années, soit les containeurs peuvent être déplacés», affirme Christophe Girod, directeur général de l’Hospice général. Tout dépend de l’état d’avancement du projet d’urbanisation du projet Praille-Acacias-Vernets (PAV), «dont nous avons tout intérêt à ce qu’il aille de l’avant le plus vite possible».

«Dépasser les égoïsmes»

Il faut dire que les besoins explosent. Sur un an, l’augmentation du nombre de réfugiés a été de 25%, soit 1300 personnes de plus à accueillir. «Et nous nous attendons à un chiffre similaire pour 2016», pronostique M. Girod.

Un peu plus de la moitié de ces migrants sont logés dans des structures d’hébergement collectives, dont les fameux abris PC qui ont fait couler beaucoup d’encre l’été passé. Neuf abris sont actuellement ouverts dans le canton. Ils accueillent environ 600 personnes. Et pour l’autre moitié des solutions de logements individuels ont pu être trouvées.

Le directeur de l’Hospice général a donc plaidé pour que de nouvelles structures du type de celle inaugurée vendredi puissent être mises sur pied. Douze terrains ont été identifiés où un tel projet ferait sens. «Il faut maintenant dépasser les égoïsmes et construire rapidement de nouveaux centres d’hébergement pour les migrants», selon les mots de Mauro Poggia.

Ariane Daniel Merkelbach: «Le plus important est bien sûr de leur construire un avenir»

Directrice de l’aide aux migrants à l’Hospice général.

Pourquoi affecter ce centre à des requérants migrants non accompagnés (RMNA), ce qui n’avait pas été prévu au départ?
Nous avions dévolu une aile d’un bâtiment au Grand Saxonnex pour loger ces jeunes. Mais sa capacité était de 50 places. Or le nombre de ces jeunes réfugiés a beaucoup augmenté, nous en comptons 184 actuellement. La situation n’était plus tenable. D’où la décision de leur réserver le site de l’Etoile-La Praille. Celui du Grand-Saconnex est entièrement réaffecté aux familles.

Comment des jeunes de 15 ans à 18 ans se retrouvent-ils tout seuls à Genève?
Les parcours sont très divers. Dans les cas des jeunes Erythréens, il s’agit de fuir l’enrôlement dans l’armée. Les familles se cotisent, se saignent à blanc pour leur trouver une filière et les faire échapper à ce sort. Depuis quelque temps, nous avons aussi beaucoup de jeunes en provenance de l’Afghanistan, où la situation redevient très conflictuelle, ce qui n’est pas encore bien intégré. Et, évidemment, ces jeunes fuient aussi la guerre en Syrie. Après, dans certains cas, ces mineurs ont perdu leur famille durant leur exode ou ils ont accompagné des voisins qui ne sont pas leurs référents parentaux.

En termes d’intégration, quels sont les besoins les plus urgents?
Dans un premier temps, il s’agit de leur apprendre les règles de la vie en communauté. Ce n’est pas la même chose de vivre dans un collectif ou dans un appartement. Ensuite, nous les sensibilisons à leur environnement immédiat en leur expliquant les règles de voisinage, relatives au bruit par exemple. Enfin, le plus important est bien sûr de leur construire un avenir. Cela passe par la formation. Et la question de la langue est primordiale. Il faut rapidement maîtriser le français. Le Département de l’instruction publique intervient via les classes d’accueil. Et nous avons nos propres structures pour des cas atypiques, lorsque des problèmes d’alphabétisation se posent, par exemple.

Propos recueillis par Philippe Bach

Voir aussi l’article de Laure Gabus « Où loger plus de migrants à Genève?« , paru dans la Tribune de Genève, le 21 janvier 2016.