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Documentation

Foraus | Prisonnier du dilemme de Dublin

Comment peut-on réformer la coopération européenne en matière d’asile?

Working Paper Nr. 32 , publié en décembre 2016 par foraus, le think tank suisse de politique étrangère. Auteurs: Philipp Lutz, David Kaufmann, Anna Stünzi et Stefan Egli. Cliquez ici ou sur l’image ci-dessous pour télécharger le Working Paper (en allemand, avec résumé en français et anglais)

foraus_infografik_dublinL’Europe est dépassée par les défis du traitement des demandes d’asile. Les crises aux frontières extérieures et intérieures de l’Europe, tout comme la suspension partielle du système de Dublin, nécessitent des réponses politiques. La tentative de répartir les demandeurs d’asile parmi les pays européens a globalement échoué et les réactions politiques divergentes qu’elle a suscitées démontre la profonde division qui règne sur le continent.

Dans cette étude, les auteurs du think tank foraus analysent les causes de la crise actuelle et formulent des propositions concrètes pour une réforme complète du système de Dublin. Ces mesures illustrent comment l’Europe pourrait mieux coordonner le traitement des demandeurs d’asile et transformer les différents intérêts nationaux en un dénominateur commun. Grâce à une analyse inspirée de la théorie des jeux, les auteurs démontrent que les règles actuelles de Dublin mettent en place des incitatifs profondément tronqués. Tous les acteurs impliqués, notamment les pays de destination et les demandeurs d’asile, sortent perdants. Les règles de Dublin dissuadent les nouveaux arrivants de s’enregistrer dans les Etats membres. En outre, les Etats sont aussi enclins à ne pas contrôler les procédures d’enregistrement. En effet, ces derniers veulent éviter de prendre en charge les coûts financiers et politiques liés à la protection des demandeurs d’asile. Les réfugiés préfèrent quant à eux déposer une demande d’asile dans le pays européen qui leur offre les meilleures perspectives de protection et ils évitent donc d’être enregistrés dans le premier pays d’entrée.

La politique européenne d’asile est, par conséquent, confrontée à un dilemme de coordination. Bien que les Etats et les demandeurs d’asile aient idéalement un fort intérêt à procéder à l’enregistrement de demandes d’asile régulières, les règles de Dublin sont telles que cet objectif est compromis par les parties prenantes elles-mêmes.

La proposition de réforme des auteurs du foraus se définit par trois innovations principale:

  • Dans un premier temps, l’obligation de s’enregistrer doit être distinguée de la compétence de traiter la procédure d’asile. Les Etats redonnent ainsi un incitatif à toutes les personnes entrantes de s’enregistrer correctement.
  • Dans un deuxième temps, les demandeurs d’asile ne peuvent déposer qu’une seule demande d’asile, comme cela était le cas auparavant, toutefois dans l’Etat du système Dublin de leur choix. Cela donnera aux demandeurs d’asile non seulement l’incitation de s’enregistrer dans le premier pays d’entrée, mais aussi une plus grande autonomie et de meilleures perspectives d’intégration.
  • Dans un troisième temps, les dépenses financières liées à la procédure d’asile doivent être supportées de manière collective et sur la base d’une clé de répartition européenne. Ainsi, la répartition de la facture finale devrait tenir compte des circonstances particulières de chaque Etat, telle la capacité d’accueil et d’intégration des demandeurs d’asile. Grâce à cette mutualisation, les pays de destination recevront de l’aide pour l’accueil des demandeurs d’asile.

Ces propositions se démarquent des idées et propositions de réforme actuellement discutées. En effet, elles tiennent compte tant des stratégies rationnelles des Etats que de celles des demandeurs d’asile. En outre, cette réforme peut espérer un certain soutien politique puisqu’aussi bien les premiers pays d’entrée situés aux frontières extérieures que les pays de destination du Nord de l’Europe seront soutenus. Enfin, il est dans l’intérêt de la Suisse de s’investir de manière active et constructive dans les efforts de réforme du système Dublin. Si cette réforme était mise en place, le système d’asile européen pourrait enfin s’établir sur une base durable et la crise actuelle pourrait ainsi largement être surmontée.