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Notre regard

Le Courrier | Requérants: «L’abus de discipline ne paie pas»

Un centre fédéral pour requérants bâlois géré par ORS est épinglé pour sa sévérité.

Article de Pierre-André Sieber, publié dans Le Courrier, le 17 février 2017. Cliquez ici pour lire l’article sur le site du Courrier.

Privation collective d’un jour de sortie pour un lit mal fait, reconduite d’un service de nettoyage en cas de retard et rationnement de nourriture: les requérants d’asile hébergés au centre fédéral d’Aesch (BL) ont-ils été victimes d’abus d’autorité de la part du personnel d’ORS chargé de sa gestion? Cette société privée gère également des centres cantonaux, comme dans le canton de Fribourg. Selon des protocoles internes d’ORS cités par la Basler Zeitung, des punitions collectives ont été pratiquées dans cet abri PC bâlois où ont séjourné entre 70 et 100 requérants durant plusieurs semaines depuis novembre 2015.
Une directive portant l’en-tête d’ORS – reproduite le 15 février dans le journal bâlois – stipule que si tout n’est pas tip-top au contrôle de 8 h 30 au centre d’Aesch, tous les «requérants sont consignés hors de la chambre». En cas de retard de plus de 5 minutes pour le nettoyage, le requérant est repiqué pour le jour suivant.

Mal pris, le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM), qui a attribué le mandat à ORS, a réagi. «Dans un cas, les requérants logés dans une chambre du centre d’Aesch n’ont pu la quitter qu’une fois celle-ci mise en ordre», concède Martin Reichlin, porte-parole. «Mais il n’y a pas eu d’interdiction de sortie d’un jour. Lors de retards dans le service de nettoyage, il arrive que les mêmes requérants soient obligés de refaire ce service le jour d’après.»

Manque de lait

Les reproches de rationnement de nourriture sont aussi contestés par le SEM. Ni le pain ni le beurre et encore moins la confiture n’ont été rationnés. «Mais il n’est pas permis d’emporter en une fois plusieurs tranches de pain», précise le porte-parole. Quant au manque de lait pour les enfants en bas âge, il a été bref, en janvier 2016.

Tout de même, les méthodes punitives sont-elles courantes dans les structures pour requérants? «Une punition collective pour un type qui ne fait pas son lit? L’abus de discipline ne paie pas», répond Francis Charmillot, directeur de l’Accueil des migrants dans le canton du Jura (AJAM). «Cela ne sert qu’à attiser le feu.» Pas de ça non plus à l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), jure sa porte-parole Evi Kassimidis, où les sanctions sont du ressort d’un des 5 chefs de secteur du canton de Vaud et non pas des gens qui travaillent dans les centres.

Aide de la police

Un certain ordre est cependant nécessaire. «Depuis le Printemps arabe, une entreprise de sécurité contrôle les entrées et sorties des centres du Jura», précise Francis Charmillot. «Nous évitons de loger au même endroit les plus récalcitrants, et n’hésitons pas à les déplacer. Nous avons aussi une très bonne collaboration avec la police cantonale qui passe régulièrement dans les centres pour assurer une présence.»

Le nombre de requérants est aussi un paramètre. «Les centres fédéraux hébergent beaucoup de monde, c’est donc d’autant plus difficile d’y faire régner l’ordre», poursuit-il. «Se pose aussi la question de la compétence du personnel. L’AJAM emploie des assistants sociaux et des éducateurs de niveau HES, des assistants sociaux avec CFC, et nous avons aussi un poste d’infirmier spécialisé en psychiatrie.» A l’EVAM, les nouveaux chefs de secteur sont tous universitaires. Du côté d’ORS, l’exigence principale pour un responsable de centre est d’avoir une expérience d’au moins 2 ans dans l’encadrement. Le SEM ne dit pas quelles étaient les qualifications des responsables du centre d’Aesch.

Vivre Ensemble a consacré son numéro 144 (septembre 2013) à la problématique de la privatisation dans le domaine de l’asile.

Le contenu du numéro est disponible en ligne à cette adresse ou en cliquant sur l’image de couverture ci-contre.