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Notre regard

Editorial | C’est le printemps

Faut-il se réjouir de la venue du printemps? Le 20 mars, en plein équinoxe, le Conseil national a largement rejeté la dernière initiative anti-asile de l’Union démocratique du centre (UDC), avant de soutenir deux jours plus tard la Fondation Suisse solidaire. Le jour même, le rapport final de la «Commission Bergier» rappelait la lourde responsabilité de nos autorités dans le refoulement de nombreux réfugiés à nos frontières au temps du nazisme, et la nécessité de méditer ce passé pour élaborer l’avenir.

Hélas. Il faut beaucoup de naïveté pour titrer, comme l’a fait un grand quotidien lémanique le 21 mars, «l’UDC échoue à durcir la loi sur l’asile». Car c’est exactement le contraire qui est vrai. Une fois de plus en effet, le contenu des propositions de la droite la plus dure a bien vite inspiré ceux qui mènent notre politique d’asile. Et si l’initiative UDC elle-même a été rejetée, ce n’est que pour mieux en concrétiser les idées à travers la prochaine révision de la loi sur l’asile. Reculer pour mieux sauter.

Cette sixième révision, lancée publiquement le 20 juin 2001 par la mise en consultation de l’avant-projet, reprend en effet toutes les propositions formulées par l’UDC, comme la désignation d’Etat tiers «sûrs» et le renvoi systématique de ceux qui ont transité par ces pays (à commencer par nos pays voisins), ou une assistance encore réduite à l’égard des réfugiés déboutés. La limitation du choix du médecin sera également inscrite dans la future loi, quant aux sanctions à l’égard des compagnies aériennes qui laisseraient passer des réfugiés, c’est la prochaine révision de la loi sur les étrangers qui se chargera de la concrétiser.

Seule différence entre le projet officiel et l’initiative UDC, celui-là sera suffisamment bien ficelé pour être réalisable, alors que celle-ci aurait été inapplicable sur certains points. Rarement une initiative fédérale aura eu tant de succès avant même d’être discutée devant le Parlement. Et le projet de révision ne s’en tient même pas là, puisqu’il en profite pour rajouter quelques tours de vis sur d’autres aspects, comme les mesures de contrainte.

Cette analyse, pourtant, les médias l’ont complètement manquée, et peu d’éditorialistes ont su faire le lien entre les fameuses «leçons à tirer du passé» et la prochaine révision de la loi sur l’asile. Ce printemps-là ne nous annonce hélas rien de bon.