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Notre regard

Editorial | Prise d’otages

Sera-t-il un jour possible de débattre sereinement de l’asile? De rappeler qu’aux quatre coins de la planète, des femmes et des hommes subissent les pires violations des droits humains et qu’il y a urgence à leur offrir un refuge? Paradoxalement, cette réalité première n’est pratiquement jamais mentionnée lorsque le droit d’asile est abordé. Un peu comme si le droit d’asile n’était plus qu’une coquille vide destinée à servir de hochet dans les jeux politiciens.

2003 est une année électorale sur le plan fédéral, et pas une semaine ne se passe sans que l’on assiste à une surenchère de propositions et de prises de positions visant les réfugiés. Bien que ceux-ci ne puissent voter, les voilà devenus les otages des discours partisans, qui tous calculent la meilleure façon de s’assurer les faveurs d’un électorat dressé à ne voir sur le terrain de l’asile que les problèmes, les coûts et les abus.

A l’exception notable du récent « Appel de la Ville de Zurich », qui dénonce l’interdiction de travailler comme une incitation à la délinquance, on nous promet constamment de nouveaux tours de vis. De leur côté, les médias ne cessent d’amplifier cette psychose collective sans se rendre compte qu’à force d’être serrée c’est une vis sans fin tournant à vide que l’on nous décrit. Un journal comme Le Temps n’a-t-il pas réussi à nous annoncer comme une grande nouveauté, sur cinq colonnes à la une, le 15 janvier dernier, «L’Office fédéral des réfugiés cherche à mieux sévir contre les abus de l’asile»?

On a fait couler des torrents d’encre sur l’accord signé à Dakar par Mme Metzler, avant de glisser, au détour d’une interview, qu’il ne concernerait que quelques dizaines de cas par ans, à peine quelques pour mille des renvois décidés chaque année. Et personne ne remarque que les discussions incessantes sur ceux qui cachent leur origine n’ont porté en fait que sur 237 cas en 2002, soit un pour cent des dossiers traités dans l’année.

Contrairement à ce qu’on nous affirme constamment, l’enjeu est donc dérisoire. Et c’est bien à une théâtralisation du débat public que nous assistons. Mais ce jeu est payant pour ceux qui misent sur la xénophobie latente du citoyen touché par une conjoncture économique morose et sur le goût du lecteur pour ce qui vient nourrir ses idées toutes faites. Parce qu’ils n’ont guère le droit à la parole, les réfugiés sont ici de parfaits boucs émissaires.

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