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Notre regard

Législation | Démantèlement du droit d’asile (suite). Un arrêté urgent pour septembre?

Il y avait déjà deux importants projets de loi en chantier, la révision totale de la législation sur les étrangers (dont certains aspects touchent de près à l’asile – voir pages précédentes), et la «6ème» révision de la loi sur l’asile (pour ne compter que les révisions majeures). Mais c’est un troisième projet qui risque de prendre les deux autres de vitesse dans le programme des Chambres fédérales. Le déficit des finances fédérales a en effet conduit le Conseil fédéral à exiger une réduction de 70 millions du budget de l’Office fédéral des réfugiés (ODR). Des mesures d’économies qui pourraient faire l’objet d’un arrêté urgent lors de la session parlementaire de septembre.

Profitant de l’appel aux économies, l’ODR n’a pas hésité à ressortir sa vieille idée d’une coupure de l’assistance pour les déboutés de l’asile, en visant cette fois-ci spécialement ceux qui viennent d’arriver et qui font l’objet d’une décision de non-entrée en matière dans les centres d’enregistrement. Techniquement, ceux qui ne pourraient être expulsés immédiatement pourraient à l’avenir être lâchés dans la nature sans même être attribués à un canton pour leur assistance (voir Vivre Ensemble, n°92, avril 2003, p. 3). Bien sûr, notre Constitution fédérale prévoit un doit constitutionnel à une assistance minimale, et celui-ci pourrait théoriquement être revendiqué par les intéressés. Mais l’ODR sait bien que ces derniers auront toutes les peines du monde à accomplir les démarches nécessaires, d’autant qu’ils n’auront même plus un canton précis comme interlocuteur et qu’ils seront susceptibles d’être arrêtés à tout moment.

Effets pervers programmés

Pratiquement, ce changement risque évidemment de développer de nombreux effets pervers sur le terrain: accroissement du nombre des «sans papiers», développement d’une délinquance de survie, problèmes de santé publique. L’association des villes suisses, qui s’attendent à subir les contrecoups de cette politique de marginalisation à outrance, s’est exprimée le 9 mai contre la proposition fédérale. De fait, les économies de la Confédération risquent bien de se reporter sur les villes et les cantons. Si l’on voulait vraiment économiser 70 millions, il serait très facile de le faire en favorisant le travail des requérants d’asile aujourd’hui voués à l’assistance. Mais tout indique que l’ODR, qui a gardé un effectif pléthorique de 600 collaborateurs depuis l’afflux des réfugiés kosovars en 1999, n’est pas vraiment intéressé par les économies. Il ne s’agit aujourd’hui que d’un prétexte pour poursuivre le démantèlement du droit d’asile, et le pourrissement qui résultera de la mise à la rue de milliers de déboutés servira évidemment à justifier de nouveaux durcissements.

Forcing de l’ODR

L’examen des propositions mises en avant dans ce projet montre d’ailleurs que loin de s’en tenir aux mesures financières, l’ODR cherche à faire passer dans cet arrêté urgent certaines des pires propositions des projets de loi sur l’asile et sur les étrangers. Voté en procédure accélérée, l’arrêté urgent échappe en effet à un débat parlementaire approfondi. Entrent ainsi dans cet arrêté «financier», la réduction de trente à cinq jours du délai de recours en cas de décision de non-entrée en matière et l’élargissement de la détention en vue du refoulement à tous ceux qui font l’objet d’une telle décision, indépendamment de leur comportement. Au prix d’une journée de prison, on se demande où seront les économies.