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Notre regard

Législation | Révision de la loi sur les étrangers. Usage accru de la détention

Présenté par le Conseil fédéral avant même que celui-ci ne propose une nouvelle révision de la loi sur l’asile, le message sur la révision totale de la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE), rebaptisée loi sur les étrangers (LEtr) vise essentiellement à consacrer dans la loi l’exclusion et la discrimination des non-européens. A cet égard, ce projet, qui s’inscrit dans le prolongement direct de la mythologie de l’emprise étrangère développée dans les années 30, requiert une opposition résolue. Mais cette révision de loi contient aussi plusieurs menaces directes pour les réfugiés qu’il ne faut pas perdre de vue. Tour d’horizon de ces mesures de durcissement, alors que la commission préparatoire du Conseil national poursuit ses travaux.

Moins de dix ans après l’introduction de mesures de détention administratives frappant les seuls étrangers en dehors de toute procédure pénale, et dont on sait qu’elles touchent quelques 6’000 personnes par an, dont une majorité de requérants d’asile déboutés, le nouveau projet de loi cherche à simplifier et à étendre la détention en vue du refoulement (art. 71-75 LEtr).

Augmentation de la répression

Il s’agit surtout d’accroître la répression à l’encontre de ceux qui font déjà l’objet d’une décision de non-entrée en matière en prévoyant une possibilité de détention quasi automatique dès la décision de l’Office fédéral des réfugiés (ODR), de façon à rendre encore plus difficile l’exercice du droit de recours. A l’avenir il n’y aurait ainsi plus besoin de mettre en évidence un «risque concret» de fuite pour ordonner l’emprisonnement. Le seul fait que l’ODR décide la non-entrée en matière suffirait dans tous les cas où cette décision invoque l’absence de documents de voyage et d’indices de persécution, la dissimulation d’identité (y compris lorsque l’origine est contestée sur la base d’un simple test linguistique) ou le défaut de collaboration.

En outre, la LEtr prévoit un nouveau motif de détention préparatoire, avant même toute décision de renvoi, lorsqu’une demande d’asile est déposée dans le prolongement d’une arrestation. La dernière révision de la loi sur l’asile en avait fait un motif de non-entrée en matière, en considérant a priori ce type de demandes comme tardives et abusives. Après la décision, ceux qui se trouveront dans ce cas de figure feront bien sûr l’objet d’une détention en vue du refoulement, au même titre que les autres cas de non-entrée en matière mentionnés ci-dessus.

Détention automatique

Le fait que la détention ne vise plus uniquement ceux qui sont concrètement suspectés de vouloir échapper au refoulement, mais qu’elle puisse s’appliquer automatiquement en fonction de la décision, souvent arbitraire, prise par l’ODR donne la mesure de l’aggravation potentielle des mesures de contrainte. La détention deviendrait ainsi purement répressive (comme si demander l’asile était un délit) puisqu’elle ne se fonde plus sur une justification pratique liée à un risque de disparition. Surtout, cette mesure entravera encore plus l’exercice du droit de recours contre les décisions de l’ODR, car on voit mal comment un débouté du droit d’asile sans assistance judiciaire se débrouillerait depuis sa cellule de prison.

Pressions au renvoi

Mais ce n’est pas tout. La LEtr crée aussi une nouvelle détention de vingt jours pour assurer le refoulement de ceux pour lesquels il a fallu se procurer des documents de voyage sans pouvoir compter sur la collaboration de l’intéressé. Dans ce cas de figure, la procédure de contrôle judiciaire se déroulerait en outre par écrit, sans comparution directe de l’intéressé. Cette procédure écrite serait aussi étendue aux autres situations si la police estime que le renvoi peut être réalisé dans les huit jours et que l’intéressé donne son accord. On voit d’ici les pressions auxquelles il sera exposé.

Verrouillage des arrivées par avion

Autre volet de la révision de la loi sur les étrangers qui touche de près à l’asile: le verrouillage des arrivées par avion. C’est en effet dans la loi sur les étrangers (art. 89 LEtr) qu’apparaît le principe d’une mise à l’amende des compagnies aériennes, de 5’000 francs au maximum par passager non autorisé à entrer en Suisse. Une amende qui s’ajoute aux frais de rapatriement auxquelles elles sont déjà soumises. Bref: les employés de ces compagnies seraient chargés de faire, à l’aéroport d’embarquement, le travail des garde-frontières et des collaborateurs de l’ODR pour filtrer les réfugiés de bonne foi des immigrants irréguliers. Une façon de faire qui aboutirait nécessairement, pour éviter des charges financières, à empêcher des réfugiés de fuir. La rétention à l’aéroport déjà prévue par la loi sur l’asile serait en outre étendue pour couvrir tous les cas de refoulement à l’aéroport.