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Notre regard

Procédure | Roms de Bosnie: Discriminations, allons bon!

Trois Rom de Bosnie, frère et sœurs, entrent en Suisse fin juin 2003 afin d’y déposer une demande d’asile. A l’appui de leur requête, ils mentionnent notamment les terribles conditions de vie dans lesquelles ils vivent dans ce pays. Impossibilité pour eux de vivre dans la dignité, ce à quoi tout être humain aspire et auquel il a le droit.

A cet égard, leur récit respectif s’avère particulièrement significatif. Ils sont obligés pour survivre de chercher leur nourriture dans les poubelles, faute de moyens financiers pour se les procurer, ils logent dans une baraque délabrée dans un terrain vague et récoltent quelques déchets divers (aluminium, ferrailles) pour gagner des «clopinettes» en les revendant. Impossible de trouver un emploi, essentiellement en raison de leur appartenance à la minorité rom. A cela s’ajoutent les atteintes répétées à leur intégrité physique, perpétrées par des individus que les requérants désignent sous le terme de «nationalistes».

Des jeunes gens marqués

Leur aspect physique démontre qu’ils n’ont jamais eu accès aux soins médicaux même les plus élémentaires et la dureté de leur existence les a profondément marqués; lors de notre entretien, nous avons l’impression d’être face à trois «vieillards» malgré le fait qu’ils se trouvent tous les trois «dans la fleur de la jeunesse», vingt, vingt-six et vingt-sept ans. Fait marquant: ils n’ont pas osé dire lors des auditions qu’ils appartenaient à la communauté rom, craignant que la simple évocation de cette appartenance ne les discrimine. Ce qui constitue à notre sens la confirmation de leur stigmatisation dans leur pays d’origine.

L’ODR rejette leur demande

L’Office fédéral des réfugiés (ODR) rejette leur demande d’asile. Nous interjetons recours en nous fondant notamment sur l’analyse «La situation des Rroma dans les pays des Balkans» publiée en avril 2003 par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR). Il y est en effet mentionné qu’en Bosnie «les Rom ne sont reconnus ni comme Croates, ni comme Serbes, ni comme des Bosniaques, ni même comme musulmans. Ils sont donc de facto apatrides dans leur propre pays et n’ont ainsi aucune chance de se refaire une existence dans ces conditions.» Il y est encore souligné que «Les derniers développements dans la région ne sont somme toute pas favorables au Rroma. Les problèmes principaux sont les tensions et l’épuration ethnique, le nationalisme, la discrimination, la pauvreté et le manque d’accès à l’éducation.»

Et la CRA confirme

Dans son rejet, la Commission suisse de recours en matière d’asile (CRA) admet implicitement les discriminations dont sont l’objet les Rom en Bosnie: «certes, les Rom souffrent du climat politique qui règne dans ce pays, lequel est encore imprégné par des tendances nationalistes; qu’à cela s’ajoute que les Rom n’appartiennent pas à l’une trois communautés majoritaires (bosniaque musulmane, croate et serbe) qui se partagent le pouvoir dans ce pays; que dans ces conditions, il arrive qu’ils fassent l’objet de discriminations de la part des autorités locales et de tiers, tout particulièrement en ce qui concerne l’accès au logement, à un poste de travail, à l’éducation ou à des prestations sociales;…» Malgré cela, lesdites mesures discriminatoires ne se révèlent, selon la CRA, pas d’une «intensité suffisante pour être déterminantes en matière d’asile.»

Pourtant, l’article 3 de la loi sur l’asile (LAsi) retient comme critères le fait d’être exposé à «de sérieux préjudices ou de craindre à juste titre de l’être en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social déterminé ou de ses opinions politiques.» Et comme sérieux préjudices l’on retient: «la mise en danger de l’intégrité corporelle ou de la liberté ainsi que les mesures qui entraînent une pression psychique insupportable.» Notre loi sur l’asile n’a plus sa raison d’être si les personnes répondant à ses critères essentiels ne bénéficient plus de sa protection.