Aller au contenu
Notre regard

Un acharnement législatif sans pareil | Vingt ans de démantèlement

C’est le 1er juin 1984 qu’a pris effet la première révision de la loi sur l’asile de 1979 entrée en vigueur en 1981. Depuis lors, l’application en Suisse du droit d’asile a fait l’objet d’un acharnement législatif sans pareil. On ne compte plus les révisions, souvent menées dans l’urgence ou selon des procédures accélérées limitant les débats parlementaires, parfois avec plusieurs projets législatifs entrecroisés. La révision en cours en est un bon exemple, qui a vu le projet de 2002 être doublé en 2003 par le fameux projet d’allègement budgétaire.

En pratique, et compte tenu des ordonnances d’application, on ne trouve sans doute pas une seule période de deux ans dans les vingt dernières années où la législation sur l’asile n’aurait pas été remise en question, souvent dans un véritable climat de panique propre à amplifier les courants xénophobes. Il y a vingt ans, le conseiller national Lüchinger, réussissait même l’exploit, avant même que la première révision ne soit entrée en vigueur, de demander une deuxième révision de la loi en déposant une motion appuyée par la majorité de ses collègues à la session de mars 1984 du Conseil national. Une motion votée en bonne et due forme le 20 juin 1984. C’était le début d’une opération de démantèlement permanent du droit d’asile.

Pour chauffer leurs collègues, certains parlementaires avaient alors fait état d’informations sûres selon lesquelles les filières s’apprêtaient à engloutir Berne sous un flot de requérants. Le 9 mars 1984, la Tribune de Genève restituait la nouvelle sur trois colonnes sous le titre «10’000 Tamouls en route vers Berne?». Il n’y avait alors que 8’000 demandes d’asile par ans, et on ne dénombrera en fin de compte, pour toute l’année et pour tout le pays, que 1236 arrivées de demandeurs d’asile tamouls. Mais l’intox s’était révélée payante, elle se poursuivra sous d’autres formes. Jamais plus il ne sera possible de discuter sereinement d’un problème aussi grave que celui de l’accueil de réfugiés.