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Notre regard

NEM | Recours au TF pour obtenir l’aide d’urgence: Soleure va faire jurisprudence

Au début octobre, le canton de Soleure décidait de supprimer progressivement toute aide d’urgence aux requérants d’asile victimes d’une non-entrée en matière, entrée en force. Grâce à une exceptionnelle mobilisation des membres de l’association IGA SOS Racisme, une des rares structures en Suisse alémanique à défendre les NEM tant sur le terrain que sur le plan juridique, la suppression de cette «aide à la survie», qui avait été confirmée le 16 novembre par le tribunal administratif soleurois, a été contestée auprès du Tribunal Fédéral (TF) le 17 décembre. Ce dernier ordonna immédiatement le rétablissement provisoire de l’aide. (réd.)

Ceci a amélioré quelque peu la situation des quinze personnes, dont la plainte est déposée au Tribunal Fédéral. On verra ce que sera la décision finale. Mais pour tous les autres, la galère continue: en dépit de la décision du TF, le canton continue de couper les vivres à tous les «NEMS» qui ont bénéficié pendant quelques semaines de l’aide d’urgence, ignorant superbement la décision du TF. Comme si l’égalité de traitement n’existait pas…

Et le pire est, que d’un point de vue formel, dans l’ordre juridique helvétique, chaque personne faisant l’objet d’une telle décision doit recourir individuellement pour obtenir gain de cause. C’est la seule possibilité d’enrayer le processus.

Travail à la chaîne

Hargneuse, se sentant désavouée, l’administration cantonale continue donc à produire ses décisions d’exclusion de l’aide d’urgence, qui tombent toutes les semaines à un rythme soutenu et touchent de plus en plus de personnes.

Nous nous effectuons donc un «travail à la chaîne»: la personne, munie d’une décision de «Nothilfestopp», nous l’amène; nous déposons un recours au Tribunal administratif (TA), suivant les voies de droit indiquées. Le Tribunal administratif ne juge plus, se bornant à rétablir, à contrecœur, l’effet suspensif aux mesures administratives en raison de la décision du TF. Et les personnes concernées «récupèrent» ainsi – provisoirement – leur aide d’urgence, car le Tribunal administratif ne perd pas l’espoir que dans sa décision finale, le TF lui donne raison.

Remise sur les rails

De notre côté, nous remettons sur les rails toutes les personnes victimes de cette stratégie et qui viennent à notre «réunion-brunch-consultation juridique» des mardis matin. Celles-ci sont de plus en plus nombreuses, en moyenne une quarantaine de personnes par semaine. Dont beaucoup de «nouveaux» arrivants et quelques «nouvelles» (les femmes sont également mises à la rue) qui s’étaient terrés jusque là et qui, contactés et informés par leurs compagnons d’infortune de l’existence de ces réunions et de notre action, ont repris un peu espoir…

Digne de Kafka

Parmi eux, beaucoup ont «raté le coche», le service social s’étant bien gardé de les informer des possibilités de recours existantes et des délais pour contester la décision de stopper l’aide d’urgence. Pour ceux-là, il faut tout recommencer: demande d’aide sociale pour obtenir un cas de refus formel, puis recours au tribunal administratif, etc. Une situation kafkaïenne, qui nous force: d’une part à recourir immédiatement contre les nouvelles décisions de suppression, afin que le tribunal administratif rétablisse le plus vite possible l’effet suspensif, et d’autre part à remettre sur les rails toutes les personnes frappées d’une NEM pour lesquelles aucune procédure n’avait pu être engagée…

Françoise Kopf


La traque aux «NEM»

Pendant que les voies de «droit» déploient lentement, trop lentement leurs effets, les gens désespèrent, ont froid, sont arrêtés puis relâchés pour «délit de présence» ou, amendés pour «resquille dans les transports publics» mais également pour «délit de séjour illégal».

A peine sortis du service social cantonal qui leur attribue chaque semaine leur pécule (21 francs par jour) les «NEM» qui ont eu la chance de le récupérer par voie judiciaire (TF + TA-SO), ou qui le touchent encore pour quelques semaines, se le font fréquemment confisquer par des policiers soleurois, bernois, bâlois, etc. Les montants touchés servant ainsi à payer l’amende pour délit de séjour illégal. Amende dont le montant varie au gré du preneur et du contenu du porte-monnaie de la personne amendée: de 400 francs à 50 francs, c’est selon…

Traqués à l’intérieur d’un pays qu’ils ne peuvent quitter sans papiers et sans argent, se déplaçant (souvent en resquillant, faute de moyens) dans le canton et dans les cantons avoisinants à la recherche d’un coin pour dormir, d’où ils sont chassés souvent brutalement par des policiers ou des «assistants sociaux» particulièrement zélés qui contrôlent les quelques foyers pour requérants encore ouverts, les exclus de l’asile ne peuvent se reposer nulle part et se trouvent pris dans une logique d’errance et de marginalité.

Drôle de jeu du chat et de la souris que nous jouons là. Mais ici, il ne s’agit pas d’un jeu: les» NEM» ne peuvent pas dire «pouce».

F. Kopf