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Notre regard

Editorial | Attention: Droits fondamentaux très fragiles!

Quel résumé saisissant de l’état actuel du débat sur l’asile nous a offert ce mois de mars!

Voici un Conseil des Etats qui ne s’émeut même pas d’être méprisé par un arrogant ministre milliardaire: il entrera en matière sur de nouvelles mesures concoctées à la hâte, sans les habituels message et consultation. Ces propositions législatives sapent-elles la Constitution fédérale, de l’avis d’éminents professeurs? Peu importe, la politique anti-réfugiés ne s’embarrasse pas de ce genre de détail. Au diable tous ces intellectuels et toutes les garanties de l’Etat de droit, c’est l’hallali sur les prétendus «abuseurs», concept tellement étendu qu’il comprend désormais la quasi-totalité des personnes venant chercher asile chez nous.

Voici ensuite un Tribunal fédéral dictant qu’il n’est pas possible pour un canton de supprimer l’aide d’urgence sans violer la Constitution. Les garanties minimales qu’elle contient à ce sujet ne peuvent être ni réduites ni supprimées au nom d’une obligation de collaborer étendue à l’excès pour les requérants d’asile. C’est pourtant ce genre de mesures que les conseillers aux Etats ont adopté la veille!

Dernier acte, voici ce même ministre qui déclare tranquillement que si sa politique n’est pas constitutionnelle, il modifiera… la Constitution!

C’est heureux qu’il existe un pouvoir judiciaire prêt à rappeler que les personnes réfugiées bénéficient aussi de droits fondamentaux. Mais que ces droits apparaissent fragiles ! Il s’en est fallu d’un juge fédéral que la décision ne soit contraire; une majorité de politiciens assume de s’asseoir sur la Constitution; les autorités cantonales se montrent déterminées à ne pas appliquer le droit… Sans compter qu’il a fallu beaucoup de ténacité à ces demandeurs d’asile pour arriver à la Haute Cour et la chance d’être en contact avec un groupe de soutien.

Mais tous les autres? Celles et ceux qui n’ont accès aux réseaux militants et juridiques? Des milliers de personnes restent sur le carreau aujourd’hui déjà, à cause d’une politique qui préfère les mettre à la rue et courir le risque qu’elles meurent de faim, plutôt que de leur offrir protection…

Face à un conseiller fédéral prêt à piétiner les droits les plus élémentaires, face à un Parlement prêt à lui donner docilement les pleins pouvoirs, la résistance est le plus noble des devoirs, comme le mouvement dans le canton de Vaud l’illustre. Il y a aussi la manifestation nationale du 18 juin 2005: qu’on se le dise et que la résistance vienne se montrer forte et déterminée ce jour-là!

Christophe Tafelmacher