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Notre regard

Loi sur l’asile | Nouvelle crise d’urticaire contre le TF. Christoph Blocher récidive

Notre ministre de la justice n’aime décidément pas les juges. La controverse née de l’arrêt «soleurois» du 18 mars 2005 fédéral l’a obligé à trouver un compromis avec la position du Tribunal fédéral (TF), qui impose l’octroi de l’aide d’urgence, même en cas de refus de collaborer à sa propre expulsion. Mais Christoph Blocher est têtu, et le voilà qui récidive sur un point passé jusqu’ici inaperçu. Il s’agit cette fois-ci d’annihiler un autre arrêt de notre Cour suprême, qui exige que celui qui obtient la suspension de l’exécution du renvoi par une demande de révision ou de réexamen bénéficie à nouveau de l’aide sociale ordinaire, même s’il avait fait l’objet d’une non-entrée en matière (NEM).

Appelé à statuer sur un cas vaudois, le TF avait constaté, en toute logique, qu’on ne pouvait pas continuer d’exclure de l’aide sociale ordinaire un requérant dont la demande de réexamen était jugée assez solide pour que la Commission de recours décide de suspendre toute mesure d’exécution. N’ayant plus à quitter la Suisse sans délai, ce requérant n’avait en effet plus à être mis sous pression avec une aide d’urgence minimaliste destinée à le pousser à disparaître.

C’était sans compter sur l’obstination de Christoph Blocher. La commission du Conseil national, qui en discutera les 23 et 24 juin, avant que le plénum ne tranche à la session de septembre, se trouve donc invitée à annuler cette jurisprudence qui ne date que du 9 février 2005. Un nouvel article 82 al. 1 bis viendrait tout simplement préciser que celui qui ouvre une procédure extraordinaire n’aura plus droit qu’à une aide d’urgence, même si l’autorité compétente juge ses arguments suffisamment solides pour suspendre l’exécution du renvoi.

Décourager les requérants

Où est la lutte contre les abus dont on nous rebat les oreilles pour justifier le durcissement du droit d’asile ? Certainement pas ici, puisque le renvoi est bloqué par les autorités elles-mêmes, et que la demande de réexamen ou de révision pourrait bien déboucher sur une décision positive. En fait, ce que vise Christoph Blocher, c’est à empêcher l’aboutissement de ces procédures, dites «extraordinaires», qui montrent régulièrement que la décision initiale était erronée. Rester des mois, voire des années à l’aide d’urgence est en effet une perspective peu engageante. Il y a donc fort à parier que beaucoup craqueront avant d’obtenir gain de cause, et disparaîtront purement et simplement. Affaire classée.

Les priver de leurs droits

Ce nouvel empêchement à une procédure équitable va de pair avec l’idée d’imposer une avance de frais prohibitive de 1’200 fr. pour les demandes de réexamen. Mal informés, certains oublieront d’en demander la dispense pour indigence. Cette mesure s’ajoute également à la réduction du délai de recours à cinq jours ouvrables en cas de non-entrée en matière. A chaque fois, il s’agit d’empêcher des requérants ayant des motifs valables de faire valoir leurs droits. C’est à dire de commettre de nouveaux abus. Car le pire des abus, semble-t-il, c’est de demander l’asile à un pays qui ne veut pas vous l’accorder.

Yves Brutsch