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Notre regard

Editorial | Jusqu’où iront-ils?

Y-a-t-il encore une logique dans la révision en cours de la loi sur l’asile? Le bon sens et la raison semblent en tout cas avoir disparu de ce dossier.

Les mises en garde se sont multipliées contre l’idée d’appliquer à tous les déboutés le régime d’exclusion de l’aide sociale qui est imposé depuis plus d’un an à ceux qui reçoivent une décision de non-entrée en matière (NEM). Une évaluation sur trois ans était prévue par les autorités fédérales pour éviter les retombées de ce basculement dans la clandestinité imposé à des milliers de personnes. Mais le Conseil des Etats, poussé par Christoph Blocher, a décidé de généraliser la mesure à tout le monde, soit trois fois plus de personnes, sans attendre de savoir à quoi cela pouvait bien mener.

Au chapitre des mesures de contrainte, on a fait encore plus fort. Ici, un rapport officiel venait de démontrer que la détention en vue du refoulement, introduite il y a dix ans, n’avait aucune efficacité. Il n’y a pas plus de renvois à Zurich, qui met chaque année des milliers de déboutés en détention, qu’à Genève, où l’on se limite à quelques dizaines de cas par an. Qu’à cela ne tienne. Les Etats ont allègrement décidé de multiplier les motifs de détention et d’en doubler la durée maximale. On pourra désormais faire deux ans de prison pour n’avoir pas eu de chance à la loterie de l’asile.

Mais il y a plus. Derrière la lutte contre les abus, plusieurs modifications, voulues par Christoph Blocher, viennent maintenant nier l’idée même du droit d’asile pour les personnes menacées. Si elles sont acceptées par le National, après les Etats, les personnes en situation de détresse personnelle ne pourront plus obtenir une admission provisoire; de même que les personnes menacées d’un danger concret mais non mortel. Par ailleurs, les réfugiés dont les persécutions ne sont pas d’emblée manifestes se heurteront à une NEM s’ils ne possèdent pas de documents d’identité.

Bref: dans bon nombre de cas où les autorités accordent aujourd’hui le droit de rester en Suisse, la nouvelle loi ne prévoit que le renvoi. Partant de la volonté de protection qui fonde le droit d’asile, on aboutira ainsi à une loi organisant la mise en danger des personnes… en danger.

Un tel délire devrait inquiéter profondément l’opinion publique. Mais n’est-ce pas sur les peurs et les préjugés de cette même opinion, que les politiques ont élaboré cette révision paranoïaque? Derrière la mise en cause du droit d’asile, dont la vice-présidente de la Commission fédérale contre le racisme souligne dans ce numéro (voir l’article de Boël Sambuc) les ressorts xénophobes, c’est tout l’édifice des droits humains qui se fissure. Il serait temps d’en prendre conscience.

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