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Notre regard

Editorial | Halte à l’angélisme

Le référendum est lancé et les débats vont s’intensifier. Beaucoup de commentaires opposent le réalisme du durcissement face aux abus à l’angélisme des défenseurs des réfugiés. Réalisme? Angélisme? Si les mots ont encore un sens, c’est bien le manque de réalisme des partisans de la révision qui doit être dénoncé.

Est-ce réaliste de penser que la Suisse respecte la Convention de Genève lorsqu’elle prévoit de refuser l’entrée en matière aux personnes qui demandent l’asile sans déposer de papiers d’identité? Toute l’histoire montre que les réfugiés qui fuient des persécutions ne disposent souvent pas de tels documents.

Est-ce de l’angélisme de dire que seul un examen effectif des motifs d’asile permet de savoir si un requérant doit être protégé?

Est-ce réaliste de croire qu’il suffit de couper les vivres à tous les déboutés pour faire partir des demandeurs d’asile qui ont quitté une situation sans issue et qui ont bravé mille dangers pour arriver en Suisse?

Est-ce de l’angélisme de dire que cette suppression de l’aide sociale qui va viser des milliers de personnes par an, ne va pas engendrer une dégradation majeure de notre vie sociale, accroître la petite délinquance, les problèmes de santé publique, la mendicité, le travail au noir?

Est-ce réaliste de multiplier les possibilités de détention administrative, jusqu’à deux ans de prison, comme si cela apportait une réponse aux difficultés d’exécution des renvois, alors qu’une étude fédérale toute récente montre que le taux de renvoi effectif est le même à Zurich qu’à Genève, où la détention est utilisée cent fois moins fréquemment?

On pourrait multiplier les exemples. En fait, depuis l’origine, la politique officielle a rarement reposé sur une analyse sereine de la problématique. Les idées toutes faites, les a priori et les calculs politiques (il est plus simple de dénigrer les requérants que d’apporter des solutions à des problèmes complexes) n’ont cessé d’empêcher un débat objectif.

La réalité, la vraie, celle qui pousse des hommes, des femmes et des enfants à nous demander asile, intéresse au fond très peu les décideurs. Il est plus simple de déclarer arbitrairement qu’un pays est «sûr» et de refuser d’entrer en matière.

Battre en brèche l’angélisme avec laquelle une très large part de l’opinion publique continue de croire que notre politique d’asile, malgré tous les durcissements, reste guidée par le souci d’accueillir les «vrais réfugiés» représente bien le plus grand défi de la campagne référendaire.

Yves Brutsch