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Notre regard

Racisme | Requérants d’asile et NEM: il ne fait pas bon être Noir en Suisse

Au terme d’une visite de cinq jours effectuée mi-janvier en Suisse, M. Doudou Diène, rapporteur spécial pour l’ONU sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l’intolérance a rencontré les dirigeants politiques, mais aussi les organisations non gouvernementales lors d’une rencontre organisée à Berne par la Commission fédéral contre le racisme. En marge du programme officiel M. Doudou Diène, a également effectué quelques visites, «in situ», pour rencontrer des personnes victimes de racisme elles-mêmes et prendre la mesure de ce qui se passait sur le terrain. Nous reproduisons ici un des témoignages qui lui a été présenté à Soleure lors d’une rencontre organisée par IGA SOS Racisme.

En Argovie, les choses ne se passent pas mieux, comme en témoignent un journaliste, dont la demande d’asile est en examen, et sa mandataire bénévole: «Tout semble organisé ici pour préparer les esprits qu’il n’y a pas de place pour les étrangers en général et pour les Africains en général. Les dispositions prises pour l’accueil des requérants en sont révélatrices. Qu’il s’agisse de traitement de la police ou encore de logement.»

Dans le canton de Soleure par exemple, tout Noir trouvé en train de déambuler aux alentours de la gare est arrêté et sérieusement bastonné. A la gare d’Argau (canton d’Argovie), la police cantonale ridiculisait en été 2003 un Africain de trente-huit ans, en plein après-midi, en le contraignant à se mettre à poil, les jambes écartées et entouré d’un grand cercle de spectateurs, dont aucun n’a osé dénoncer un traitement inhumain.

Considérés comme des parias

Il faut souligner que l’image du requérant d’asile véhiculée dans les cantons de la Suisse alémanique est celle d’un homme dangereux, d’un paria. Soulignons que, hormis l’isolement, l’état de dégradation des logements (souvent situés dans le voisinage des déchetteries) des requérants est très poussé.

«Au Schäferwiese, à Aarau, l’état de délabrement laisse croire qu’actuellement vivraient là des animaux et non des humains, même situation à Villnachern, centre pour les hommes NEM ou dans les anciennes baraques de saisonniers à Oftringen, maintenant « offertes » à des familles avec des bébés.» Toilettes et installations sanitaires insalubres. Six à douze personnes partageant une chambre. A Oftringen, deux à trois logent dans un réduit en planches de six mètres carrés, exposées au froid. Le système de chauffage est souvent défaillant en ces temps de grands froids. Beaucoup de vieux abris sont infestés de rats, souris et cafards.»

Traités comme des cafards

A ce propos, la mandataire du journaliste qui l’accompagne, relate la dernière opération d’élimination de «cafards» effectuée dans un foyer du canton d’Argovie. «L’équipe de nettoyage a mené l’opération en omettant d’avertir les occupants, qui n’ont pas été logés ailleurs pendant l’action. Les cafards tombaient du plafond dans les lits, dans la nourriture, sur les gens, l’insecticide se déposait partout, imprégnait tout. Comme si c’était les requérants qui étaient des insectes à éliminer. Beaucoup on eut des problèmes respiratoires après.»

«Le canton d’Argovie est en train d’enraciner une politique xénophobe vis à vis des étrangers», enchaîne le journaliste. «Et pourtant, la Suisse stipule dans sa constitution fédérale que la dignité humaine doit être protégée et est garantie à chacun la prise en considération de sa qualité d’être humain. Malheureusement, ce qui est vécu aujourd’hui en Argovie est le résultat d’une politique en matière d’asile voulue par la Confédération à contre-courant des conventions internationales ratifiées par la Suisse en rapport avec les droits de l’Homme.»

Françoise Kopf