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Notre regard

Assistance | Quand l’accueil humanitaire devient un business: ORS Service AG

«L’ère de Caritas touche à sa fin» relatait la Solothurner Zeitung en automne 2006. Après vingt-cinq ans, le contrat de prestation entre Caritas, chargée de la gestion de l’accueil des requérants et le canton de Soleure, a en effet été résilié. Pour Caritas, il n’était plus possible de poursuivre normalement cette activité, en raison des pertes financières liées au recul imprévisible du nombre de requérants et à des coûts fixes trop élevés. C’est une entreprise privée qui prendra le relai dès le 1er juillet 2007, certaine de pouvoir accueillir les demandeurs d’asile à moindre frais.

On sait qu’un système de forfaits détermine le remboursement par la Confédération des frais liés à l’accueil des requérants dans les cantons. Des forfaits extrêmement bas, qui poussent à des modalités d’assistance particulièrement modestes. ORS Service AG (en allemand: organisation pour mandats spéciaux et en régie), qui a repris le mandat d’accueil dans le canton de Soleure, a pu présenter une offre plus avantageuse, notamment grâce aux salaires plus bas du personnel. On peut s’interroger sur ce que cela signifie, compte tenu du travail social très pointu que nécessite l’accueil de réfugiés.

Personnel peu qualifié

A vrai dire, cette firme n’en est pas à ses débuts dans le domaine de l’asile. Depuis 1992, l’ORS gère sur mandat de l’Office fédéral des migrations (ODM), l’accueil dans les centres d’enregistrement. Depuis 1997, l’OSP AG (Organisation pour prestation de personnel spécialisé), une filiale de l’ORS, gère également, pour l’ODM, les comptes de sûreté où sont accumulées les retenues de 10% prélevées sur les salaires de tous les demandeurs d’asile. Dans la plaquette publicitaire de son jubilé 1992-2002, le chef de secteur déclarait que «les deux raisons de cette attribution ont sans doute été le prix intéressant et le savoir-faire généré par la reprise du personnel» (des chômeurs, engagés par l’ORS).

Flexibilité

Encarté dans la plaquette, le portrait souriant de l’ancien directeur de l’Officie fédéral, Jean Daniel Gerber faisant l’éloge de l’ORS: «Dans le cadre de la crise du Kosovo, nous n’avons eu que de bonnes expériences en confiant nos tâches à ORS service AG. Cette flexibilité et cette compétence dans l’aménagement et le déménagement d’abris d’urgence, personne d’autre ne pouvait nous l’offrir».

Et rentabilité

A l’origine affiliée à l’agence de placement temporaire ADIA, l’ORS s’est entre-temps recyclée et concentre ses activités exclusivement dans le domaine de l’asile. Elle s’est spécialisée dans la gestion de l’accueil des requérants, largement privatisé depuis quelques années. L’entreprise est en pleine expansion. Elle a obtenu de nombreux mandats cantonaux dans les cantons de Zurich, Bâle Campagne et Berne où elle gère des centres de transit et des «centres d’accueil minimaux». C’est également l’ORS qui avait reçu le mandat de gestion des centres d’urgence bernois pour les victimes de non entrée en matière (NEM) du col du Jaun et de la Stafelalp. L’entreprise a aussi obtenu des mandats de communes des cantons de Bâle campagne, de Soleure et de Zurich, qui lui ont confié la gestion de leurs requérants.

Faut-il rappeler que, ce que le directeur du groupe considérait en 2002 comme «une niche attrayante, dans laquelle il était possible de devenir l’un des leaders», était considéré il n’y a pas si longtemps comme une activité humanitaire

Françoise Kopf