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Notre regard

Procédure | Ecarter les preuves pour mieux rejeter un recours. TAF: premiers dérapages?

Les praticiens qui attendaient les débuts du Tribunal administratif fédéral (TAF), dans lequel s’est désormais fondu la Commission de recours en matière d’asile (CRA) en ont été pour leurs frais. Un problème informatique a bloqué l’activité du TAF en janvier, et la publication des arrêts sur internet de mi-février à mi-mars ne se fait qu’au rythme d’un arrêt par jour (dont un seul concernant l’asile), alors que le Tribunal fédéral met en ligne tous ses arrêts depuis belle lurette. Le TAF trouve-t-il que la majorité de ses arrêts ne sont pas présentables? Celui dont nous publions des extraits, et qui nous a été communiqué par le Service d’aide juridique aux exilés (SAJE) de Lausanne, ne mérite effectivement pas d’être cité en exemple.

L’affaire porte sur un Albanais de Kosove qui dit être considéré comme un traître et menacé de mort parce qu’il avait dénoncé à la police serbe un habitant de son village. Tout repose, comme souvent, sur l’appréciation de la vraisemblance du récit. Dans le cas présent, le mandataire dépose cependant à titre de moyen de preuve le rapport d’une enquête menée sur place grâce aux contacts de l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR). Tous les témoins, dont d’anciens membres de l’UCK, qui ne doivent pas porter le requérant dans leur cœur, confirment que celui-ci est en danger s’il revient. Appréciation du TAF*:

«Que le résumé d’enquête produit à l’appui du recours, concluant à l’existence d’un danger sérieux pour la vie de l’intéressé en cas de retour au Kosovo, n’est pas propre à rendre crédible les motifs d’asile allégués, qu’en effet ce document a été établi sur la base des déclarations de membres de la famille du recourant et de personnes connaissant bien cette famille, si bien que la valeur probante doit en être relativisée, un risque de collusion entre l’intéressé et les personnes interrogées ne pouvant être exclu (…)».

A force de douter a priori de la bonne foi de tous ceux qui connaissent l’histoire de près, on va finir par croire qu’il vaut mieux chercher des informations auprès de ceux qui ne connaissent rien…

Mais il y a plus. Car dans le même arrêt, un autre moyen de preuve est descendu en flèche. Dans un certificat médical, le médecin traitant du requérant fait en effet état de divers problèmes de santé (saignements internes, hypoglycémie) qui ont entraîné plusieurs hospitalisations. Malgré cela, un diagnostic n’est toujours pas possible, et les investigations doivent se poursuivre. Pour le TAF, il faut en retenir:

«Qu’il a certes produit un certificat médical daté du 7 janvier 2007 indiquant qu’il souffre de différents problèmes de santé qui restent non élucidés, (…)

qu’en l’occurrence, les affections médicales constatées, mais non diagnostiquées, n’apparaissent pas d’une gravité telle qu’un retour du requérant dans son pays d’origine aurait des conséquences (…) dramatiques (…)».

Si l’on comprend bien, là où les médecins ne parviennent pas à poser un diagnostic, le TAF, lui, considère qu’il s’agit d’une affection sans gravité. Travaille-t-on avec le marc de café dans la nouvelle juridiction?

Rédaction

[*arrêt du TAF rendu le 12 février 2007]