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Notre regard

Procédure | Comparaison entre la Suisse et la France. Le pire et le moins pire

Invitée à Strasbourg par l’ONG française CASAS (collectif d’Accueil pour les Solliciteurs d’asile à Strasbourg) pour une conférence-débat sur les nouveaux développements du droit d’asile en Suisse, Françoise Kopf, responsable de IGA-SOS Racisme à Soleure, a eu l’occasion de comparer la pratique de l’asile entre les deux pays. La «non-entrée en matière» sur une demande d’asile n’existe pas chez nos voisins, la France examine toutes les demandes d’asile sur le fond et sa «procédure prioritaire» diffère sensiblement de notre non-entrée en matière.

Après son entrée sur le territoire français toute personne désirant obtenir protection doit se présenter à la Préfecture du département où elle se trouve, et y solliciter l’asile le plus vite possible. Si elle fait l’objet d’un contrôle avant d’avoir effectué cette démarche, elle risque d’être mise en rétention en vue de son expulsion. Si la France est reconnue comme étant responsable de la demande (selon les accords de Dublin), la préfecture lui délivrera deux documents: une carte APS (autorisation provisoire de séjour), lui donnant droit à un hébergement et à une aide financière et un questionnaire standardisé de plusieurs pages sur ses motifs d’asile: «le dossier OFPRA» [Office de protection des réfugiés et des apatrides, l’équivalent de notre Office fédéral des migrations (ODM)].

Constitution d’un dossier

Le demandeur dispose de vingt et un jours pour constituer son dossier de demande et le renvoyer à l’OFPRA. Pour ce faire, il peut demander l’assistance d’une ONG spécialisée, telle CASAS qui va l’aider à rédiger sa demande. En général, ceci nécessite trois entrevues avec des traducteurs et au final le dossier est retraduit dans la langue du demandeur d’asile, qui en garde une copie. C’est sur la base de ce document que le requérant sera auditionné ultérieurement par l’OFPRA.

Procédure prioritaire

Il existe trois motifs pour placer les solliciteurs en procédure prioritaire: la demande est tardive ou dilatoire, c’est à dire tombe plus d’un mois après l’entrée sur le territoire français; la demande émane d’une personne venant d’un pays réputé «sûr» (la France en compte environ 14, la Suisse 38 !); la demande est considérée comme frauduleuse (soupçon de fausses déclarations, présentation de documents estimés pas authentiques).

Les demandeurs placés en procédure prioritaire sont soumis à la même procédure que les autres et ils reçoivent le même formulaire à remplir. La différence réside dans l’accueil: ils ne reçoivent pas la carte APS leur donnant droit à l’assistance financière et à un logement. Néanmoins, ils peuvent appeler le numéro 115, qui leur cherche un lieu d’hébergement d’urgence. En principe les familles sont logées, ce n’est pas toujours le cas pour les célibataires qui doivent se débrouiller s’il y a pénurie de places. Mais du 1er décembre au 30 mars, une circulaire de «mise à l’abri» contraint les autorités à loger tout le monde.

Motif du pays «sûr»

Néanmoins selon un rapport d’activité de CASAS, le Tribunal Administratif a sanctionné la décision préfectorale de ne pas admettre en procédure normale les demandes dites frauduleuses. Ainsi depuis 2005, la majorité des personnes placés en procédure prioritaire, le sont au seul motif qu’elles viennent de pays dits «sûrs» (une invention de la Suisse, rappelons-le!). Environ un à deux mois après réception du dossier par l’OFPRA, le demandeur (en procédure normale ou prioritaire) est convoqué par cet Office à Paris pour être entendu sur ses motifs d’asile. Pendant tout le temps que dure l’examen de la demande, les demandeurs ne peuvent être renvoyés et se déplacent librement.

Recours gratuit

En cas de refus de l’OFPRA, un recours motivé peut être déposé auprès de la Commission de recours indépendante (CRR) dans un délai de trente jours. Le recours est gratuit. S’ensuit après trois à six mois une deuxième audition à Paris. La réponse de la CRR doit être rendue vingt et un jours après la convocation. Cependant pour les personnes placées en procédure prioritaire, le recours n’a pas d’effet suspensif et elles peuvent donc être mises en rétention en vue de leur renvoi. Sur l’ensemble des cas traités, la CRR a un taux d’acceptation annuel d’environ 15%, le double de celui de l’OFPRA, qui est de 7 à 8%, selon les permanents de CASAS.

Voies de droits extraordinaires

En cas de réponse négative, le demandeur est débouté de l’asile. Il existe cependant des voies de droit extraordinaires. En cas d’éléments nouveaux, une demande de réexamen peut être adressée à l’OFPRA. En cas de graves problèmes de santé, il y a la possibilité de demander un titre de séjour provisoire pour la durée des soins. S’il existe des risques avérés en cas de retour dans le pays d’origine, mais non reconnus dans le cadre de la Convention de Genève, ou une capacité d’insertion avérée (par exemple un travail), ou des liens familiaux en France, une demande de régularisation peut être déposée auprès de la Préfecture. Et, au bout de cinq ans, selon la jurisprudence française, les familles déboutées de l’asile sont régularisées.

Françoise Kopf