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Notre regard

Procédure | Au cœur même du CEP, une touche d’humanité

A l’intérieur du Centre d’enregistrement et de procédure (CEP), attenant au réfectoire, se trouve un local. Sur la porte, une pancarte indique qu’il s’agit de l’aumônerie. Cette pièce, de dimensions modestes, contient un bureau, une table, quelques chaises. Des étagères supportent des piles de livres et des boîtes de jeux de société. Il y règne un léger désordre. C’est une touche de vie et de gaieté bienvenue! Partout ailleurs, bien que parfaitement nettoyé, organisé et rangé, le CEP semble dépourvu de chaleur humaine. Cet espace a été créé par les Eglises protestante et catholique du canton de Vaud. Jean-Marie Cattin, aumônier catholique, partage ce lieu avec trois autres collègues.

Jean-Marie, en quoi consiste votre travail ? Quel est le rôle d’une aumônerie au CEP de Vallorbe?

C’est tout d’abord un travail d’accompagnement humain et spirituel auprès des requérants. Ces personnes ont vécu des événements terribles dans leur pays, ainsi que pendant le voyage qui les a conduits jusqu’ici. Particulièrement les femmes. Arrivés au CEP, la première chose qu’on leur demande c’est de justifier leur demande d’asile, prouver qu’ils n’abusent pas. C’est pourquoi, leur offrir du temps et un lieu où poser un moment leur fardeau est essentiel pour leur permettre d’affronter les difficultés futures. Nous partageons aussi des moments de prière. Au-delà des mots et des événements, prier ensemble permet de maintenir un lien de solidarité entre les êtres humains.

Un autre aspect de notre travail est d’informer les requérants sur leurs droits et la procédure d’asile en les dirigeant vers les locaux de l’ARAVOH (Association auprès des requérants d’asile de Vallorbe œcuménique et humanitaire), où ils pourront contacter le Service d’aide juridique aux exilé-e-s (SAJE).

Nous donnons également des informations générales sur la Suisse concernant la géographie, l’histoire, la politique. Nous expliquons aux requérants notre mode vie, comment il faut se comporter ici. C’est important car Vallorbe n’est pas une ville internationale! La population du CEP représente environ le 10% de la population totale (il y a 3100 habitants à Vallorbe).

Comment se déroule la vie à l’intérieur du centre?

Donner un sens à la vie quotidienne fait aussi partie de nos préoccupations. Avec le durcissement de la loi, le temps de séjour peut se prolonger jusqu’à huit semaines et rien n’a été envisagé comme encadrement. La seule distraction proposée: la télévision. A la cafétéria, il y a deux postes, l’un propose MTV et l’autre Eurosport. Les journées sont longues lorsque le temps est mauvais. Il faut aussi occuper les soirées car après le souper (18h30) plus personne ne peut sortir. Nous proposons des jeux de société: cartes, échecs, dominos… Pour les enfants, il y en a quinze, en ce moment, entre quatre ans et quatorze ans, c’est particulièrement pénible. La plupart étaient scolarisés dans leur pays. Ici, à part une place de jeux rien n’est prévu. Nous leur donnons de quoi dessiner, ainsi que des puzzles. L’aumônerie dispose également d’une petite bibliothèque.

Comment les conditions de vie ont évolué depuis votre arrivée dans le centre?

J’ai commencé ce ministère en septembre 2002. Le temps de séjour était alors de deux semaines. Il s’est ensuite prolongé jusqu’à un mois, puis à deux. En même temps la situation n’a fait qu’empirer. Les gens s’ennuient, s’angoissent, ils se posent toujours davantage de questions. Plus le temps de séjour s’allonge et plus le cadre de vie prend de l’importance. Des personnes de cinq à six nationalités et de religions différentes partagent le même dortoir. Devoir vivre ensemble dans l’incertitude, plusieurs semaines, dans un espace restreint, exacerbe les tensions. Ce centre n’est pas conçu pour un si long séjour.

Propos recueillis par Nicole Andreetta