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Notre regard

Procédure | Situation au CEP de Vallorbe: Les conditions se détériorent

Petite cité entourée de verdure et qui promet un éventail de visites passionnantes à ses visiteurs, Vallorbe abrite également une ancienne caserne militaire aménagée en un centre entouré de barbelés et gardé 24 heures sur 24 par des Securitas. Ce lieu de «semi-détention» accueille un autre type de visiteurs: les personnes qui viennent déposer une demande d’asile en Suisse.

Le centre d’enregistrement et de procédure (CEP) héberge actuellement 270 personnes de toutes ethnies et âges confondus. Elles peuvent sortir selon un horaire très strict: de 08h30 à 12h00 et de 13h00 à 17h30. Les dortoirs peuvent accueillir jusqu’à seize personnes. Les enfants dorment dans les dortoirs des femmes. Les couples et les familles sont séparés. A chaque retour au centre, les requérants d’asile sont fouillés. Pour tout achat effectué, les tickets de caisse doivent être présentés à l’entrée. Les denrées alimentaires sont interdites dans les chambres et les repas sont servis à heures fixes. Les agendas, téléphones portables et ordinateurs portables sont saisis et ne sont restitués qu’à la fin du séjour. Il n’y a pas de personnel médical dans le centre et les requérants d’asile malades sont aiguillés sur l’hôpital de Saint-Loup par le personnel de l’assistance.

Accélération des procédures

La durée moyenne du séjour au centre était de quinze jours en 2000. Avec la nouvelle loi sur l’asile (LAsi), elle peut atteindre soixante jours. Le centre a donc été construit et pensé pour une durée de séjour beaucoup plus courte. L’accélération des procédures, objectif majeur de la nouvelle LAsi, va de pair avec cette augmentation du séjour. L’Office fédéral des migrations (ODM) prévoit depuis le 1er janvier 2008, que toutes les auditions fédérales soient menées directement au centre et non plus dans le canton d’attribution, et que la grande partie des décisions soient également rendues au centre. Le CEP de Vallorbe a déjà engagé le personnel supplémentaire permettant d’œuvrer à cet objectif.

Augmentation des consultations

Le Service d’aide juridique aux exilé-e-s (SAJE) est présent près du Centre d’enregistrement, depuis que ce dernier a déménagé de Genève à Vallorbe en 2000. Il est le seul lieu où les requérants d’asile ont accès à une défense juridique dans le cadre de leur procédure. L’augmentation de la durée du séjour, du nombre d’auditions et des décisions au CEP a pour conséquences que le nombre des consultations au SAJE a considérablement augmenté. Le SAJE a absorbé 1’410 entretiens individuels en 2005, 2165 en 2006 et 2278 en 2007.

Des tensions palpables

A côté de l’augmentation du volume de travail, les conditions de vie au CEP ont également des répercussions importantes sur le SAJE. Les tensions sont palpables et tournent ponctuellement en événements violents. Violences verbales, bagarres, etc. deviennent des éléments courants dans et autour du Centre. Plusieurs bagarres ont déjà éclaté sur la place de la gare et dans le local de l’ARAVOH, l’association de bénévoles qui offre un lieu d’accueil pour les requérants d’asile, où le SAJE tient ses permanences. Pour être toujours deux personnes présentes lors de ces dernières, le SAJE a dû réduire ses heures d’ouvertures. Les conditions de travail actuelles liées au manque de moyens financiers mettent en péril l’accès à une aide juridique, pourtant inscrit dans les nouvelles lois pour tous les requérants qui se présentent chaque année en Suisse.

De la rentabilité

L’augmentation de la violence au centre découle de plusieurs facteurs. Le centre est partagé en deux. La partie administrative dans laquelle se déroulent les actes de procédures (auditions, notifications des décisions,…) est gérée par l’ODM. La partie hébergement est gérée par la Société ORS Service AG. Cette entreprise privée est spécialisée dans l’encadrement des requérants d’asile. Elle se caractérise par une grande flexibilité de son personnel et un objectif de rentabilité. En effet, l’ORS gère cette mission dans une logique de marché. Nous sommes loin de la gestion des requérants d’asile par des organisations à but non lucratif et non-compétitives qui ont comme mission l’accueil d’êtres humains. Les acteurs principaux des CEP sont donc l’ORS et la société Securitas. Cette volonté d’encadrement basée sur des règlements restrictifs et la sécurité occulte la dimension sociale.

Une situation explosive

Vu le temps de séjour, le manque d’encadrement psychosocial et de prise en compte des besoins des requérants est un des facteurs de tensions dans le centre. D’autant plus que les personnes qui arrivent à Vallorbe sont souvent traumatisées par ce qu’elles ont vécu dans leur pays d’origine et, que le durcissement de la loi sur l’asile les confronte rapidement à leur manque de perspectives en Suisse. Le fort mélange ethnique de ces personnes traumatisées ajouté aux conditions de vie extrêmement difficiles dans le centre produisent des situations explosives.

Un isolement dangereux

Avec l’accélération des procédures, le séjour à Vallorbe est un moment primordial dans la procédure d’asile. Durant cette période, il faut acheminer une pièce d’identité en 48 heures et des preuves pour appuyer sa demande d’asile. Tout ceci en sachant que la personne requérante se trouve isolée à Vallorbe. Le centre, lui, n’offre aucun moyen technologique pour que la personne puisse amener des documents. Il y a deux cabines téléphoniques payantes (pour 270 personnes), mais aucun accès internet, ni aucun fax. A un cadre légal extrêmement restrictif et des conditions de vie difficiles s’ajoutent la difficulté pour les requérants de collaborer à leur procédure dans de telles conditions.

Elise Shubs et Chantal Varrin, SAJE