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Notre regard

Coup de chapeau | Requérants spoliés: le TAF condamne le Valais, Sœur Marie-Rose avait raison

Il aura fallu douze ans d’engagement au service des requérants d’asile pour que sœur Marie-Rose, engagée dans un ministère de visite auprès des candidats à l’asile obtienne enfin la confirmation officielle qu’elle attendait. Le canton du Valais a triché avec la législation pour spolier les requérants d’une part de leurs revenus. A côté du remboursement fédéral qui prélève 10% du salaire pour couvrir les frais d’assistance, le canton se servait une deuxième fois sans aucune base légale. Vivre Ensemble avait dénoncé ce système en décembre 2003 (voir Vivre Ensemble, n°95), alors que Sœur Marie-Rose s’attaquait toujours plus directement, et avec un courage sans faille, aux magouilles cantonales. Il aura fallu encore cinq ans pour que justice soit rendue.

C’est le 13 mars 2008 que le Tribunal administratif fédéral (TAF) a statué sur le cas d’un requérant qui avait réussi à surmonter la course d’obstacle administrative qui se dressait devant lui et à fournir les preuves des prélèvements abusifs dont il avait été l’objet. Beaucoup d’autres, avant lui, s’étaient perdus dans un système fait pour embrouiller les pistes à coup de décomptes financiers incompréhensibles, et le canton du Valais se refuse toujours à faire toute la lumière sur ces pratiques, qui ont sans doute spolié les requérants d’asile qui travaillaient, de plusieurs centaines de milliers de francs.

Un arrêt retentissant

Nous publions ici certains passages particulièrement éclairants du dossier de presse établi par le comité de soutien qui appuie Sœur Marie-Rose, pour présenter cet arrêt retentissant. L’arrêt du Tribunal administratif fédéral statue clairement sur le fait que le canton du Valais n’est pas autorisé à procéder à certaines retenues financières, dénoncées depuis plusieurs années et réfutées tant par l’autorité politique que par l’administration cantonales. Ainsi, selon le TAF: «la législation sur l’asile ne renferme aucune disposition autorisant les cantons à procéder […] à des retenues supplémentaires sur le revenu à titre de remboursement des frais d’assistance ou à exiger de la part de la personne concernée qu’elle contribue, par un versement financier unique ou par des prestations financières régulières, à la réduction de sa dette d’assistance en sus de son obligation de verser des sûretés».

Une faute grave

Face à ce constat juridique clair, il est particulièrement consternant de voir que les services officiels valaisans, Inspectorat cantonal des finances et Commission de gestion du Grand Conseil ont établi au fil des ans pas moins de neuf rapports,… qui n’ont fait que noyer le poisson et couvrir des pratiques abusives. Comme le dit le communiqué de presse du comité de défense des requérants spoliés, qui entoure Sœur Marie-Rose dans ses démarches, le Service de l’action sociale a commis une faute grave et récurrente en procédant à des prélèvements de contributions financières sans fondement légal, refusant par ailleurs sans concession et parfois de manière violente et mensongère toute remise en cause de sa pratique. Les organes de contrôle ont aussi fait preuve de leur côté d’une légèreté coupable, produisant des rapports approximatifs et bâclés, passant à côté des questions fondamentales auxquelles elle devait pourtant répondre.

Aveuglement et arrogance

Quand au Conseil d’Etat et au Chef du département concerné, ils n’ont manifesté qu’aveuglement, arrogance et mépris envers tous ceux qui tentaient d’obtenir des explications, et surtout envers tous les requérants d’asile qui ont été et sont encore aujourd’hui lésés par un système illégal et opaque. Le Conseiller d’Etat Thomas Burgener lui-même se répandait dans la presse en reprochant à Sœur Marie-Rose de véhiculer des affirmations «sans vérification, ni pondération». Celle-ci a pourtant tenu bon, et sa victoire aujourd’hui est un peu celle de David contre Goliath.

Affaire à suivre

Pour la suite, le comité de défense des requérants spoliés exige: une expertise globale et indépendante permettant de mettre en lumière toutes les irrégularités commises; la réouverture de tous les dossiers de requérants d’asile ayant exercé une activité lucrative et traités par le Service de l’Action sociale du canton du Valais sous le régime des sûretés, soit de 1992 à 2007; le remboursement intégral de tous les montants perçus de manière indue; et des sanctions à l’égard des organes ayant de toute évidence agi en violation des bases légales en vigueur. Sœur Marie-Rose a encore du pain sur la planche.

Yves Brutsch