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Notre regard

Editorial | Notre liberté, profitons-en!

Rêvons un peu. La crise des valeurs, exhumée par la tourmente financière, induira-t-elle une prise de conscience des dérives de notre société? Incitera-t-elle les citoyens à contester un système dont la survie repose sur le rejet de l’autre, à l’instar de la politique d’asile actuelle?

Etymologiquement, le mot «crise» signifie décision et désigne la phase décisive d’une maladie. Or dans toute décision il y a des acteurs. Si l’objectif, aujourd’hui, est d’inverser la vapeur en matière de droit d’asile, la mobilisation de chacun-e est incontournable.

Car nous sommes bien dans une crise des valeurs. Sous couvert d’économies, notre société s’est salie au point de traiter les demandeurs d’asile qu’elle rejette par une aide infamante, qui n’a d’ «urgence» que le nom lorsqu’elle se prolonge sur des années (page 13).

L’exclusion prévaut également dans les deux mesures brandies par les autorités fédérales pour réduire le nombre de demandes d’asile: une nouvelle révision de la loi sur l’asile et l’entrée de la Suisse dans l’ «espace Dublin».

Habile manœuvre de communication. Outre que la révision est prévue par le DFJP depuis 2007 – les demandes étaient alors au plus bas -, les problèmes actuels d’hébergement ne viennent pas de la hausse, somme toute relative, des requêtes. Mais de la politique de l’ex-chef du DFJP, Christoph Blocher, qui a calibré le dispositif suisse sur le chiffre utopique de 10’000 demandes par an (notre dernière édition).

Le tour de vis législatif du DFJP ne vise ainsi qu’à exclure (page 11). Une logique que l’on retrouve dans l’appréciation suisse du système Dublin. Les déclarations montrent combien son entrée en vigueur est porteuse d’espoir pour la Suisse… de refouler à tout va: «Après une semaine d’utilisation, nous avons obtenu plus de 50% de résultats positifs», se réjouit le directeur de l’ODM (pages 4 et 6).

La mobilisation de toutes et de tous est plus que jamais nécessaire à faire entendre une autre voix. Encore insuffisante en Suisse romande, celle-ci est à peine audible outre-Sarine. On l’a vu avec l’action des sans-papiers à Zurich. La défense du droit d’asile se heurte à une profonde méconnaissance, au sein de l’opinion, de la réalité vécue en Suisse par les personnes en exil. Informer, sensibiliser, fait partie de la mission de Vivre Ensemble, qui relaie le travail des associations actives sur le terrain. Mais chacun-e, individuellement, peut contribuer à faire connaître cette autre réalité.

Contrairement à ceux et celles dont nous cherchons à défendre la dignité, nous sommes libres d’exprimer notre opinion. Et de redonner au droit d’asile sa juste définition. Celle d’un «droit qui vise à protéger des personnes luttant pour la liberté et la démocratie, [pas] une action charitable pour des victimes de systèmes qui les écrasent» (page 9).

Sophie Malka