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Notre regard

Nouvelle révision de la loi sur l’asile | Des personnes sauvées via l’ambassade

L’observatoire du droit d’asile et des étrangers consacre une série spéciale au projet «Widmer-Schlumpf» de durcissement du droit d’asile. S’attachant d’ordinaire à mettre en exergue les  applications problématiques ou arbitraires de la loi en vigueur, l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers présente ici les conséquences probables des modifications législatives en consultation depuis le 14 janvier. La révision prévoit, entre autres, une remise en cause de la procédure d’ambassade (lire également notre dernière édition). (réd.)

«Enrique», colombien, est persécuté, arrêté et torturé par l’armée de son pays. Il obtient l’asile dans notre pays via l’ambassade suisse de Bogota. Cela lui permet d’échapper, lui et sa famille, à un sort tragique. Or aujourd’hui, le DFJP propose de supprimer la possibilité de demander l’asile dans une ambassade suisse à l’étranger.

Depuis 1976, «Enrique», originaire de Colombie, est très engagé politiquement. Durant ses études et ultérieurement, il assume des responsabilités dans divers partis ou organisations opposés au régime. Victime à plusieurs reprises de graves persécutions – arrestations, emprisonnements, menaces – il cherche en vain à fuir à l’intérieur de son pays.

En 2000, après une relative accalmie, les persécutions reprennent et plusieurs de ses compagnons de lutte politique sont assassinés. En 2002, «Enrique» échappe de peu à des tireurs (à deux reprises) et des menaces commencent à peser sur ses enfants. C’est pourquoi il adresse à l’ambassade suisse de Bogota une lettre dans laquelle il demande l’asile. Sa démarche est appuyée par des lettres d’organisations colombiennes et suisses qui attestent des dangers encourus. À la demande de l’ambassade, «Enrique» fournit également son passeport et ceux des membres de sa famille. La demande formelle est transmise aux autorités suisses le 12 décembre 2002. Quelques semaines plus tard, «Enrique» et sa famille sont autorisés à gagner la Suisse (les billets d’avion sont pris en charge par une œuvre d’entraide).

En juillet 2003, l’ODM octroie l’asile à «Enrique» et sa famille. Depuis, «Enrique», sa compagne et leurs enfants vivent en paix dans le canton de Neuchâtel où ils s’attachent à s’intégrer dans notre pays et à construire leur nouvelle vie. Les propositions de révision de la loi lancées par le DFJP en 2008 auront pour conséquence de rendre ce genre de cas impossible.

Les questions que posent cette mesure:

  • Supprimer la possibilité de demander l’asile en Suisse à travers une ambassade ne revient-il pas à refuser d’accueillir de «vrais» réfugiés qui, jusque- là, avaient la vie sauve grâce à cette procédure?
  • Les autorités critiquent souvent les filières criminelles qui profitent de la détresse des réfugiés cherchant à gagner un pays d’asile. Supprimer la possibilité d’entrer légalement en Suisse après une demande à l’ambassade jugée sérieuse ne revient- il pas à encourager les arrivées illégales?

Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers