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Notre regard

Résistance | Sanctionner pénalement les activités politiques des demandeurs d’asile

Persécuté en Algérie en raison de son homosexualité, «Djallil» (prénom d’emprunt) 
gagne la Suisse pour y demander l’asile. Devenu militant actif de la cause homosexuelle, 
il est reconnu comme réfugié du fait de cet engagement. Un renvoi dans son pays l’aurait 
exposé à de graves persécutions. Le projet de révision de la loi sur l’asile mis en consultation par le DFJP projette de sanctionner pénalement certaines activités politiques des requérants d’asile en Suisse. Sous l’angle du durcissement législatif proposé, l’ODAE romand examine le cas de «Djallil». Celui-ci peut-il être qualifié de criminel? Qui jugera de sa bonne foi?

«Djallil» est originaire d’Algérie, où il a vécu toute son enfance. Très tôt, il se rend compte qu’il est attiré par les 
personnes de même sexe que lui. C’est à partir de l’adolescence, lorsque ce penchant pour 
les hommes se fait plus visible, que la famille de «Djallil» commence à le battre dans le but de lui faire changer de comportement.

Des méthodes qui se révèlent évidemment sans succès, mais que certains de ses proches n’hésitent pas à réitérer souvent. Si bien qu’en 1998, «Djallil» est envoyé d’urgence à l’hôpital suite aux blessures provoquées par un proche.

Crainte de dénonciation pénale

Après son hospitalisation, «Djallil» craint d’être dénoncé et condamné pénalement en raison de son homosexualité et redoute toujours plus les sévices de sa famille. Il quitte donc l’Algérie et gagne la Suisse, où il dépose une demande d’asile en janvier 2001. «Djallil» fournit de nombreux documents attestant son récit.

Les faits ne sont pas contestés : les motifs à l’origine du départ de «Djallil» se fondent sur des pressions incessantes dont il a été victime de la part de sa famille afin qu’il renie son homosexualité. Sur cette base, l’ODR refuse la demande d’asile de «Djallil»: pour l’instance fédérale, les pressions subies sont imputables à la seule famille de «Djallil», et rien ne prouve que ce dernier ne pourrait y échapper en partant vivre dans une autre ville d’Algérie. Arguant que ces motifs revêtent un caractère purement privé, l’ODR conclut que «Djallil» ne répond pas aux conditions de reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l’art. 3 LAsi.

Or il se trouve que dès son entrée en Suisse, «Djallil» participe à la création d’une association de soutien aux homosexuels de confession musulmane. Touché par ce qu’il a subi en Algérie, il milite pour le droit des homosexuels, s’engage activement auprès de la communauté gay de Suisse, et participe à des manifestations destinées à promouvoir les droits de personnes persécutées du fait de leur orientation sexuelle.

Motifs subjectifs après la fuite

Ces engagements sont perçus par l’ODR comme des motifs subjectifs intervenus après la fuite qui lui valent d’être reconnu comme réfugié (art. 54 LAsi). En effet, pour l’Office fédéral, ses activités en Suisse peuvent potentiellement l’exposer à des mesures de persécutions de la part des autorités algériennes en cas de retour.

Place à l’arbitraire

Parmi diverses propositions de révision de la loi, émises le 14 janvier 2009, le DFJP projette de sanctionner pénalement les activités politiques que les requérants d’asile auraient menées en Suisse dans le seul but de motiver leur qualité de réfugié.

La manière d’interpréter et d’appliquer une telle norme serait laissée en grande partie à l’appréciation de l’autorité, et il existe un risque que des personnes comme «Djallil» soient dans un avenir proche condamnées pénalement pour avoir fait usage de leurs droits fondamentaux. La liberté d’expression, de réunion et d’association, s’en trouverait singulièrement réduite pour toute une partie de la population vivant sur notre territoire.

Observatoire romand 
du droit d’asile et des étrangers

Cas 069, publié le 3 mars 2009, dans le cadre d’une série spéciale consacrée par l’ODAE au projet de durcissement du droit d’asile.

Questions ouvertes:

  • «Djallil» s’est engagé en toute sincérité pour une cause qui le touche personnellement. Mais comment le prouver si, comme le propose le projet de révision de la loi, les autorités estiment qu’il n’a agi que pour obtenir la qualité de réfugié et décident de le sanctionner pénalement?
  • Quelles garanties a-t-on que les autorités interpréteront et appliqueront cette nouvelle clause de manière raisonnable, dans un contexte où l’objectif avoué est de faire baisser à n’importe quel prix le nombre de demandeurs d’asile?