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Notre regard

Témoignage | «Le règlement n’admet aucun sentiment!»

Lucile Picault Bouaouda a effectué 5 mois de stage à l’AGORA, aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile. Pendant cette période, elle a écouté les récits de voyages des exilés et témoignage Lucile Picault Bouaouda a effectué 5 mois de stage à l’AGORA, aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile. Pendant cette période, elle a écouté les récits de voyages des exilés et découvert le parcours du combattant que représente l’attente d’une autorisation de séjour. A la fin de son stage, elle a souhaité visiter le centre d’enregistrement et de procédure (CEP) de Vallorbe. Elle nous livre ici son témoignage.

«C’est en discutant tout au long de mon stage avec des requérants, en écoutant leurs témoignages que j’ai pris conscience du parcours qu’ils ont dû effectuer pour arriver jusque-là. Voyages interminables à travers le désert, à pied ou entassés dans des véhicules. Traversées de la mer dans des embarcations de fortune. Compagnons de voyage noyés… J’ai appris aussi que pour ces personnes, une fois arrivées en Suisse, de nouveaux problèmes surgissent. La procédure d’asile est longue et difficile. Elles attendent, dans des conditions de vie pénibles, plusieurs années, sans savoir si leur demande sera acceptée. J’ai voulu voir de mes propres yeux comment on demande l’asile et ce qui se passe au moment où l’on entre dans la procédure. Déjà, depuis la gare de Renens, au fur et à mesure du voyage, moi qui suis une vraie citadine, j’avais l’impression de m’enfoncer dans une Suisse inconnue, montagneuse, belle mais tellement isolée.

Alors que j’attendais, à l’entrée du CEP, l’aumônier du CEP qui s’était proposé pour me faire faire une visite de l’établissement, j’ai pu observer comment les choses se déroulent. J’ai vu arriver un requérant complètement démuni. Il s’est présenté au guichet et a demandé dans un français très hésitant: «Je voudrais des papiers suisses». Le Securitas lui a répondu: «Qu’est-ce que vous voulez exactement?» Cinq fois il lui a posé cette question, jusqu’à ce que l’homme prononce le mot «asile». Alors, il a reçu un questionnaire à remplir et est entré dans la procédure. Pas un mot d’accueil n’a été prononcé. J’ai été choquée aussi de constater que les requérants, même les enfants, sont fouillés à chaque entrée au centre. Une personne s’est fait confisquer deux pommes car elle n’avait pas sur elle le ticket de caisse prouvant qu’elle les avait payées et non volées. C’était un homme d’environ 55 ans, il se déplaçait difficilement, avec des béquilles. De colère, il a jeté les pommes dans une poubelle. Le règlement n’admet aucun sentiment!»

Lucile Bouaouda