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Notre regard

Décryptage | Projet de révision de la loi sur l’asile: le diable se cache dans les détails

La procédure de consultation sur les projets de révision de la loi sur l’asile initiés par Madame Widmer-Schlumpf est close depuis le mi-avril, de sorte qu’un message du Conseil fédéral demandant aux Chambres de modifier cette loi peut être publié à tout moment. L’attention se portera sur les points phares: suppression ou non de la procédure aux ambassades, exclusion de l’asile pour les déserteurs, sanction pour les activités politiques en Suisse, exigences accrues pour admettre l’inexigibilité du renvoi (Vivre Ensemble, n°120, décembre 2008). Mais certains points de détail, plus techniques, méritent aussi de retenir l’attention pour leurs conséquences négatives.

Parmi les «petites» modifications envisagées dans l’avant-projet figurent plusieurs durcissements à l’encontre de ceux qui demandent une deuxième fois l’asile en invoquant de nouveaux motifs, moins de deux ans après un premier rejet. Revenir à la charge en cas de nouveaux éléments n’a en soit rien de critiquable, en particulier pour ceux qui ont dû fuir une seconde fois après être rentrés dans leur pays. Mais rien n’est plus énervant pour l’ODM que de devoir rouvrir un dossier qu’il croyait clos.

Freins au droit de demander l’asile

Aujourd’hui déjà, celui dont les nouveaux motifs ne sont pas admis s’expose à une non-entrée en matière. Si les idées de l’avant-projet sont retenues, l’ODM pourra exiger le paiement d’une avance de 1’200 frs s’il estime la demande vouée à l’échec. En outre, pendant la procédure, le requérant sera privé de l’autorisation de travailler et exclu de l’aide sociale, même si l’examen de sa deuxième demande d’asile prend des années et qu’il séjourne légalement en Suisse dans l’intervalle. Pour tenter de justifier son opposition à des nouvelles demandes qui peuvent être parfaitement justifiées, et jeter le dénigrement sur ces cas, le Département de justice et police utilise constamment l’intitulé «demandes multiples». Comme s’il y en avait toujours un nombre extravagant. Parler de nouvelle demande d’asile permettrait sans doute moins facilement de suggérer que ces cas sont abusifs…

Changer la langue de procédure

Autre proposition de l’avant-projet qui va affaiblir la position du requérant: une modification de l’article qui détermine la langue de procédure. La règle, imposée il y a 5 ans, veut que ce soit la langue du lieu de résidence du demandeur d’asile. Mais à l’avenir, la modification de loi proposée rendrait possible de s’en écarter en invoquant des critères d’organisation internes à l’ODM liés au nombre de requêtes et à la situation sur le plan du personnel. En clair, un requérant basé dans le canton de Vaud pourrait recevoir sa décision en allemand, comme cela se produisait déjà parfois au début des années 2000. A lui de se débrouiller pour trouver quelqu’un qui lui expliquera de quoi il s’agit. Et tant pis si les mandataires, déjà surchargés, se retrouvent face à des dossiers en allemand qui compliqueront leur travail.

Quid de la protection?

On le voit une fois de plus : ce n’est pas le souci de protéger les personnes en danger qui a guidé le Département fédéral de justice et police (DFJP) dans l’élaboration de ces propositions de modification de la loi.

Yves Brutch

Non-entrées en matière: L’ODM dresse un constat d’échec

La procédure de non-entrée an matière (NEM) engendre un volume de travail équivalent à celui de la procédure matérielle ordinaire. Et dans de nombreux cas, l’effet dissuasif escompté n’a pas été obtenu. Cet aveu sonne peut-être la fin du recours à la NEM pour éliminer bon nombre de demandes d’asile. Il émane d’un communiqué de l’ODM qui annonce la création d’une commission d’experts pour réfléchir à un système de procédure ordinaire accélérée, comme le demandent depuis des années l’OSAR et le HCR. Il serait cependant illusoire d’attendre des miracles d’un tel changement. Le rejet accéléré des demandes peut très bien continuer avec des décisions matérielles, plutôt qu’avec des décisions de NEM. La Suisse étant la seule en Europe à user et à abuser ainsi de la NEM, son système est de toutes façons condamné à disparaître dans le cadre de l’harmonisation en cours.