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Notre regard

L’Europe de Dublin en question | Règlementation Dublin: des progrès en vue à Bruxelles?

Le Règlement Dublin II contient de telles imperfections que toutes les instances de Bruxelles sont à son chevet. Le 7 mai dernier, le Parlement européen a adopté plusieurs mesures afin d’améliorer son fonctionnement.

La tâche qui s’annonce n’est pas mince.

  • Le système Dublin est fondé sur le renvoi vers le premier pays européen de transit. Débordés, ces derniers bâclent le traitement des demandes et les conditions d’accueil y sont parfois catastrophiques. Certains n’enregistrent que partiellement les empreintes digitales.
  • Il manque à Dublin un droit de recours suspensif digne d’un Etat de droit.
  • Il arrive que, pour des raisons de procédure, des demandes ne soient jamais examinées sur le fond. Exemple: un Etat, qui a classé un dossier par une non-entrée en matière suite à une disparition, refuse de le rouvrir lorsque le demandeur lui est renvoyé.
  • Les procédures de reprise sont lourdes: seul un tiers des transferts est réellement effectué.
  • La rétention administrative est utilisée abusivement.
  • Les liens familiaux des demandeurs d’asile sont trop peu pris en compte.

Ne soyons pas trop optimistes. Tous ces problèmes ne seront pas résolus avec la refonte en cours. L’expérience montre que les propositions de la Commission et du Parlement sont revues à la baisse par le Conseil, où siègent les représentants des gouvernements. Il devrait néanmoins apparaître un mécanisme de solidarité déchargeant les pays-frontière les plus sollicités et veillant à ce que les normes minimum y soient respectées. Des améliorations touchant les droits des demandeurs d’asile viendront peut-être en prime.

Restent deux questions: Comment les Etats européens ont-ils pu mettre en route cette machine infernale avant d’avoir sérieusement réfléchi à son fonctionnement? Et comment la Suisse, qui vient d’y adhérer, peut-elle se permettre d’appliquer de façon si rigide des mécanismes aussi imparfaits?

Droit de recours bafoué en Suisse

Après l’entrée en vigueur, le 12 décembre, des accords de Schengen et de Dublin, les renvois vers les pays européens où une première demande a été enregistrée se multiplient. En janvier il n’y a eu que 2 décisions de non-entrée en matière basées sur l’accord de Dublin (NEM Dublin). En février 114, et en mars 450. Des renvois quasi-automatiques, même si de nombreux problèmes peuvent se poser. Surchargés de cas, les pays du Sud de l’Europe n’assument plus leurs obligations en regard du droit d’asile. La Cour européenne des droits de l’homme a condamné l’Italie à dix reprises pour des décisions de renvoi en Tunisie malgré un risque avéré de torture. En théorie, même si l’effet suspensif en cas de recours n’est pas accordé pour les décisions NEM Dublin, la loi suisse sur l’asile prévoit à son article 107a que l’autorité peut suspendre l’exécution lorsque des indices laissent présumer une violation de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Mais l’ODM a plus d’un tour dans son sac. Une directive adressée aux cantons leur demande de ne notifier la décision NEM basée sur la règlementation Dublin qu’au moment où l’exécution du renvoi est enclenchée. De cette façon, il devient totalement impossible de saisir à temps l’autorité de recours, même si le renvoi viole la CEDH.

Yves Brutsch