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Notre regard

Mobilisation | Non aux avions de la honte et au business de l’expulsion

Face à la recrudescence des vols spéciaux pour le renvoi d’étranger-ères, le collectif Augenauf a lancé une campagne de dénonciation et de boycott contre Hello, compagnie d’aviation privée qui exécute de telles tâches pour les gouvernements suisses et allemands. Ci-dessous, l’adaptation libre publiée par Droit de rester sur son site Internet à partir desarticles publiés par Augenauf Zurich le 8 décembre 2009. (réd.)

La compagnie d’aviation bâloise Hello est fière d’afficher sur son site qu’elle vole pour les supporters et les joueurs du club Bâlois FCB. Elle explique aussi qu’elle organise des vols dans toute l’Europe pour les équipes de football allemandes. Hello transporte souvent un autre type de passagers. Ceux-ci sont noirs, menottés et accompagnés par deux ou trois gardes du corps. Hello est en effet spécialisée dans les charters de renvois forcés.

Des voyages bien accompagnés…

Le 5 octobre 2009, un vol spécial Hello décolle de Kloten. Destination: la République démocratique du Congo, un pays déchiré par la guerre civile depuis de nombreuses années. L’avion […] emmène à son bord 8 passagers menottés aux pieds et aux mains. Leurs accompagnateurs (environ 20 policiers) feront les 5h30 de trajet armés, en compagnie d’un médecin. C’est SwissREPAT, la charmante agence de voyage de l’Office des Migrations (ODM) qui a affrété ce vol. Parmi les 8 réfugiés expulsés, 5 seront déposés à Kinshasa, 3 à Luanda, capitale de l’Angola.

Nous avons pu recueillir le témoignage de certaines personnes qui étaient à bord de cet avion. A Kinshasa, les 5 déportés ont reçu 90 dollars des autorités suisses. Cet argent leur aura permis de traverser les contrôles de la direction générale de la migration à l’aéroport et de ne pas finir directement dans les prisons de la police politique (ANR) venue les accueillir.

J. 39 ans vient de passer 50 jours en grève de la faim dans sa prison suisse. Amené d’abord dans une clinique psychiatrique, il a été expulsé de force, sans que sa compagne n’en ait été avertie. Arrivé très faible à Kinshasa, c’est à l’hôpital qu’il commencera son séjour.

S. est expulsé avec un bras en écharpe. Bras qu’il a luxé lors d’un programme d’occupation. Les autorités ont préféré le renvoyer avant qu’il n’ait pu se faire opérer. Il arrive donc en mauvaise santé, sans famille directe, sa famille proche vivant en Suisse depuis plus de 20 ans (permis C ou naturalisés).

Une escale en RDC avant l’angola

Le vol continue sa route pour Luanda, capitale de l’Angola, frère ennemi de la RDC. C’est là qu’est débarqué K.

Malade chronique, il se retrouve sans argent et donc sans traitement. Et sans sa fille. Il s’est battu tout l’été avec sa compagne pour faire reconnaître sa fillette de trois ans. La petite restera en Suisse, loin de son père.

Même situation pour L., expulsé de Suisse après 27 ans de séjour!! Il y laisse deux enfants en bas âge et une grande fille. Comme les autorités angolaises ont refusé de lui établir un document de voyage, les autorités suisses ont «bricolé» elles-mêmes un laisser-passer, avec des photocopies d’un passeport! Suite à cette arrivée catastrophique, il est arrêté et se trouve aujourd’hui dans une prison militaire près de Luanda. Personne ne sait pour quelles raisons il a été arrêté, ni pour quelle durée. Par contre, tout le monde sait que les prisons angolaises sont des lieux mal entretenus et dangereux, où les personnes désargentées ont peu de chance de survivre.

C’est Moritz Suter, fondateur de Crossair, qui a fondé Hello en 2004. L’entrepreneur modèle dit avoir choisi ce nom en référence à la chanson des Beatles, «You say Hello, I say good bye». (1) C’est avec des vols ad hoc que la compagnie devait se faire de l’argent.

Hello, compagnie peu transparente

Hello est toujours resté discret quant à ses clients les plus importants de ces vols spéciaux: les gouvernements suisse et allemand. Ses passagers: des policiers, des requérants d’asile ligotés et renvoyés de force dans les dictatures du Togo, de la Guinée, de la RDC, du Niger ou de l’Angola. Le journal allemand Zeit Magazine a sorti en janvier 2008 un reportage dramatique qui montre une expulsion en septembre 2006 et les destins des personnes expulsées.

Ces vols spéciaux sont devenus la cible de protestations à Hambourg, en 2007 et 2008. La spécialité de «transport forcé» pratiquée par Hello est pourtant restée inconnue en Suisse. Au début de l’année 2009, la compagnie avait besoin de liquidités et c’est l’industriel Michael Pieper (cuisines Franke) qui a investi 5 millions de francs pour augmenter le capital. Pourtant, ces derniers mois, des avions sont restés au sol et du personnel a été mis au chômage partiel. Peut-être n’ont-ils pas su être suffisamment concurrentiels face à Swiss et aux 8 autres compagnies aériennes qui pratiquent ce business de l’expulsion.

En effet, selon l’ODM, les vols spéciaux (43 vols en 2009) coûtent entre 20’000 et 100’000 francs le vol et sont attribués selon les règles de la concurrence au meilleur prestataire. On comprend qu’il y a là de l’argent à se faire…

Sauf si le public refuse d’utiliser les mêmes avions.

Droit de rester

Plus d’infos sur www.augenauf.ch

(1) Selon un interview donné au magazine Bilan.