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Notre regard

Santé | Troubles psychiques: pas de soins pour les sous-hommes

Vivre Ensemble l’a souvent affirmé. Une enquête de l’Université de Zurich le démontre 
clairement: le suivi médical pour les demandeurs d’asile est insuffisant. La presse en a rendu compte le 14 décembre 2010. Il vaut la peine d’y revenir pour en évidence certains aspects qui n’ont pas été relevés par les médias et souligner l’ampleur du problème.

La recherche menée à Zurich met en évidence que 41% des 78 requérants interrogés souffrent de troubles psychiques, mais que seul un tiers a reçu un traitement approprié, malgré de fréquentes consultations médicales. En clair, les demandeurs d’asile ne sont pas soignés correctement. Mais le problème est encore plus grave que cela. En effet, cette enquête ne porte que sur des requérants en séjour régulier, et dont la procédure se prolonge depuis un an au moins, ainsi que quelques réfugiés ayant obtenu un statut (humanitaire ou autre). Elle néglige par contre totalement les cas de non-entrée en matière et autres déboutés qui se retrouvent «illégalisés», avec une aide d’urgence minimaliste dans laquelle l’accès aux soins est encore plus problématique (Vivre Ensemble, n°116).

Le problème réel de l’abandon des personnes venues demander l’asile en Suisse à leurs souffrances psychiques est donc beaucoup plus grave que ne le montre cette étude, même si certains cantons, comme Genève, s’efforcent de faire mieux (l’étude ne porte que sur des cas attribués au canton de Zurich, connu pour sa dureté à l’égard des NEM et des cas humanitaires).

Autre lacune, cette étude subventionnée omet de rappeler la longue 
chaîne des décisions administratives et politiques qui ont conduit à cette situation. Elle évoque le manque d’interprètes qualifiés – obstacle majeur pour des soins hypnothérapeutiques – mais se garde de rappeler que de nombreuses revendications dans ce sens se sont heurtées à une fin de non recevoir (Vivre Ensemble, n°124). Elle ne mentionne pas la modification de la loi sur l’asile, adoptée en 2006, qui prive les requérants de la liberté de choisir leur médecin, ni la dégradation de leurs conditions de vie organisée depuis vingt ans par nos autorités (« L’éradication des requérants déboutés« , Vivre Ensemble, n°129), pour ne pas parler du refus d’appliquer la LAMAL aux personnes à l’aide d’urgence.

En bref: cette étude démontre qu’il y a carence dans les soins, mais sans voir que celle-ci est délibérée. Notre pays a voulu faire vivre les personnes du domaine de l’asile comme des sous-hommes, pourquoi donc chercherait-il à les soigner correctement ? Les carences relevées par l’étude zurichoise ne se corrigeront hélas pas sans une remise en question fondamentale de toute notre politique d’accueil, volontairement dissuasive à l’égard de celles et ceux qui viennent nous demander protection.

Yves Brutsch

« Mental Health and healthcare utilisation in adult asylum seekers« , UNZH, Maier, Schmid, Mueller, Swiss medical Weekly, 19.11.10. L’étude porte sur 78 requérants d’asile attribués au canton de Zurich durant leur première année de procédure. Elle conclut à un coût plus élevé en terme de soins des requérants d’asile que la population résidente et constate que sur le plan de la santé mentale, les requérants d’asile malades sont sous-diagnostiqués et souvent mal soignés.