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Notre regard

Kadhafi et l’Union européenne | Une histoire d’amour qui finit mal

Quelle que soit l’issue de la guerre qui se mène en Libye, toute la stratégie mise en place par l’Union européenne (UE) depuis deux ans est aujourd’hui à l’eau. Une stratégie consistant à faire de la Libye son checkpoint africain, afin d’empêcher le départ de migrants vers l’Europe. L’idée flottait dans l’air depuis plusieurs années. L’Italie l’a concrétisée.

Août 2008, Berlusconi donne l’accolade au colonel paria, s’excusant du lourd passé colonial et négociant à coups d’arguments sonnants et trébuchants contrats de pétrole et surtout, la possibilité de refouler vers la Libye les migrants et réfugiés interceptés par des patrouilles conjointes en Méditerranée.  Des centres de détention allaient notamment être créés pour les y parquer.

Mai 2009, la première embarcation est reconduite par un navire italien en Libye. Le HCR tire la sonnette d’alarme. L’UE entre dans la danse diplomatique. (1)  Qu’importe le traitement que réserve Kadhafi aux réfugiés et candidats vers l’Europe qui se retrouvent sur son territoire. La pression migratoire sur l’Italie diminue drastiquement et c’est ce qui compte pour l’UE.

Juin 2010, le gouvernement libyen déclare le HCR - décidément trop critique - persona non grata et ferme ses bureaux. Qu’importe encore, l’UE négocie.

Août 2010, Kadhafi promet à l’UE de « stopper les vagues d’Africains morts de faim et ignorants» contre 5 milliards d’euros. Il en obtiendra 50 millions sur trois ans le mois suivant, contre la promesse de devenir le gardien des flux migratoires de l’UE. (2)

Un pacte avec le diable. Pour mater la révolution, Kadhafi a enrôlé de gré ou de forces des migrants prisonniers sur son sol. Et suite à la résolution votée au Conseil de sécurité, il a annoncé l’envoi de hordes de migrants vers les côtes européennes. Une menace qui fait trembler l’UE et la Suisse. Avec qui vont-ils négocier après Kadhafi?

Sophie Malka


Notes:

(1) « Vous avez dit décomplexé?« , Vivre Ensemble, n°123, juin 2009.

(2) Seeking safety, finding fear – Refugees, asylum seekers and migrants in Libya and Malta, Amnesty International, déc. 2010.