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Notre regard

Le TAF change enfin de discours!

On a été heureux de lire, dans un récent arrêt du Tribunal administratif fédéral (TAF) relatif à un jeune Erythréen que l’Office fédéral des migrations (ODM) voulait renvoyer à Malte, que conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des Droits de l’Homme, la seule référence à des textes internes et à l’acceptation de traités internationaux garantissant, en principe, le respect des droits fondamentaux, ne suffit pas à assurer une protection adéquate contre un risque de mauvais traitements au sens de l’article 3 CEDH. Quoi de plus logique, en effet. Ce n’est pas parce qu’un Etat a signé une convention qu’il en respecte forcément toutes les dispositions. Les violations répétées des droits de l’homme par moult Etats parties à tous les traités en la matière sont malheureusement là pour en témoigner.

Il convient donc de saluer la clairvoyance du TAF sur ce point, ce d’autant qu’il n’a pas toujours eu le même discours. S’agissant de renvois de requérants d’asile dans les autres Etats Parties à la règlementation Dublin, l’instance suisse de recours avait jusqu’ici au contraire soutenu que tous les Etats liés par l’Accord d’association à Dublin sont signataires de la Convention sur les réfugiés, et au Protocole additionnel du 31 janvier 1967, de même qu’à la CEDH et à la Convention sur la torture, et, à ce titre, en appliquent les dispositions.  Il ajoutait que lorsqu’elles renvoient un requérant d’asile dans un tel Etat, les autorités suisses peuvent donc partir de la présomption que les règles imposées par les conventions précitées (…) seront respectées (arrêt D-2002/2010 du 24 juin 2010). Refusant systématiquement de prendre en considération les informations pourtant fiables révélant le non-respect des droits fondamentaux des requérants dans plusieurs de ces Etats, le TAF a donc rejeté d’innombrables recours et confirmé sans états d’âme le renvoi des requérants concernés dans ces pays (1).

Il ne reste donc plus qu’à espérer que l’ODM, comme il y est tenu, respecte cette évolution jurisprudentielle. Et qu’il reconnaisse que le renvoi de requérants particulièrement vulnérables vers certains pays européens les expose à des traitements inhumains et dégradants (article 3 CEDH), ce qui interdit son exécution.

François Mieville


Note:

(1) Seule exception, la Grèce, pour laquelle le TAF a laissé les recours en suspens en attendant que le jugement de la Cour européenne des droits de l’Homme susmentionné sanctionne la politique d’asile de ce pays