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Notre regard

Mauritanie | Nouvelle frontière de l’Europe

La Mauritanie et la politique migratoire européenne: quelques dates clés

2002 – Conseil européen de Séville: «Le Conseil européen demande que, dans tout futur accord de coopération, accord d’association ou accord équivalent que l’Union européenne ou la Communauté européenne conclura avec quelque pays que ce soit, soit insérée une clause sur la gestion conjointe des flux migratoires ainsi que sur la réadmission obligatoire en cas d’immigration illégale.»

2004 – création de FRONTEX: Les objectifs de l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures des États membres de l’UE (FRONTEX) est de renforcer la sécurité aux frontières extérieures de l’UE en assurant la coordination des actions des États membres.

2006 – Opération HERA de FRONTEX dans les eaux territoriales mauritaniennes: Au cours des opérations HERA I et II, près de 5000 immigrants clandestins ont été interceptés et détournés à bord de cayucos (petits bateaux de pêche) à proximité des côtes africaines. Le rapport de FRONTEX n’indique par le lieu vers lesquels ces migrants ont été amenés.

2010 – Entrée en vigueur de l’accord régissant l’entrée de la Suisse dans Frontex: Financement et participation au conseil d’administration de FRONTEX, envoi en renfort d’agents suisse à Lampedusa, renvois massifs selon les accords de Dublin : la Suisse prend indu- bitablement part et profite de cette politique d’externalisation des frontières.

« L’agence Frontex est devenue complice de l’exposition de migrants à des traitements qu’elle sait être absolument interdits selon le droit relatif aux droits humains. Pour mettre fin à cette complicité dans des traitements inhumains, l’UE doit renforcer les règles régissant les opérations de Frontex et s’assurer que cette agence soit tenue de rendre des comptes si elle enfreint les règles en Grèce ou partout ailleurs. » (Bill Frelick, directeur du programme Réfugiés de HRW, 21 septembre 2011)

Statistiques suisses de l’asile 2010

  • 15’567 > Nouvelles demandes d’asile de personnes provenant de Mauritanie
  • 4796 > Nombre d’admissions provisoires délivrées
  • 3449 > Nombre de statut de réfugiés délivrés
  • 8059 > Nombre de renvois, dont 2722 selon Dublin

Mauritanie: nouvelle frontière de l’Europe

Pour continuer à toucher des aides financières européennes, plusieurs pays extérieurs à l’espace Schengen ont accepté de se plier aux exigences de l’Europe et de jouer le rôle de gardes-frontières. En Europe de l’Est, en Afrique subsaharienne, et dans les Etats du Sahel, des personnes soupçonnées de vouloir immigrer clandestinement vers l’Europe sont arrêtées, détenues et refoulées arbitrairement. C’est ce qu’on appelle «l’externalisation des frontières». La Mauritanie, en bon élève, a ouvert en avril 2006 le centre de détention de Nouadhibou, connu sous le sobriquet de «Guantanamito».

Co-financé par l’Espagne, il a été aménagé dans une ancienne école, transformée avec l’aide de l’armée espagnole et est géré par le Croissant rouge mauritanien et la Croix Rouge espagnole. Cette prison a deux buts majeurs. Nouadhibou étant le lieu de départ privilégié pour les Canaries, il s’agit d’intercepter et d’incarcérer les personnes soupçonnées de vouloir migrer vers l’Europe ou interceptées en mer. Mais aussi de détenir les migrants expulsés par l’Espagne.

Ainsi, des citoyens mauritaniens mais également des ressortissants de pays tiers dont il est «vérifié» ou «présumé» qu’ils ont tenté de rejoindre l’Espagne à partir des côtes mauritaniennes sont incarcérées dans l’attente de leur refoulement aux frontières du Sénégal ou du Mali.

Le Sénégal refusant de réadmettre sur son territoire des ressortissants non-sénégalais, les autorités mauritaniennes font souvent traverser le fleuve qui fait office de frontière aux expulsés de nuit, sur des pirogues de fortune.

La route vers la frontière malienne est elle de plus de 1200 km et le trajet dure de 2 à 4 jours. Encadrés par la police mauritanienne, les migrants subissent ce voyage dans des conditions dégradantes. Quelles que soient les circonstances de ces arrestations, la détention de migrants uniquement accusés de vouloir rejoindre de manière illé- gale l’Europe n’a pas de fondement légal. L’UE, l’agence FRONTEX et la Mauritanie se félicitaient en 2010 de cette politique de dissuasion : alors qu’en 2006, 31’678 personnes sont arrivées aux Canaries, en 2009, grâce à ces arrestations en amont, seules 2246 y sont arrivées.

En Mauritanie, rêver d’Europe est déjà un crime…

«Il n’existe aucune base juridique pour arrêter quelqu’un qui souhaite migrer. […] L’intention vaut délit. […] Un homme a été arrêté parce qu’il portait un maillot de l’équipe de foot barcelonaise!», explique Amnesty International en Mauritanie. Et voilà comment, loin des pays de l’Union européenne, des agents locaux agissant en serviteurs zélés des volontés de ces derniers ont fini par appliquer des peines d’emprisonnement à des personnes coupables de penser au voyage, même en rêve.» (Rapport Migreurop 2009 – 2010)

ELISE SHUBS
ANALYSTE-PAYS, COUNTRY INFORMATION RESEARCH CENTER (CIREC)

 

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