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Notre regard

« J’errais dans la rue avec mon bébé »

Extrait d’un témoignage recueilli  par le SAJE en janvier 2012 auprès d’une femme passée par l’Italie avec son nourrisson, à laquelle l’ODM, puis le TAF, ont rendu une NEM Dublin. Si le renvoi vers l’Italie n’a finalement pas été exécuté, c’est que le délai de reprise par l’Italie de 6 mois était échu.

Image: TSR1

Complément à l’article « Accords de réadmission | La banalisation d’une tragédie »

Comment était le centre en Sicile?
Il y avait 20 lits superposés dans le dortoir. Il n’y avait pas assez à manger. On ne nous donnait pas de vêtements, ni pour moi, ni pour ma fille, et il n’y avait pas de lait ni de couches.

Y avait-il un responsable ou une personne de référence?
Il y avait un responsable mais c’était impossible de lui parler. On ne pouvait pas l’approcher parce que c’était fermé, son bureau était inaccessible, il y avait un grillage autour.

On vous donnait de l’argent?
Il n’y avait pas d’argent et je ne mangeais que des macaronis et quelques fois du riz, une fois par jour. Il n’y avait pas de café ni de lait et pas de petit déjeuner. J’ai souffert de la faim. Je n’ai pas pu allaiter ma fille plus de trois semaines, parce que je n’avais pas assez à manger moi-même. Le bébé pleurait tout le temps. Elle n’avait pas de couches et elle avait les fesses toutes brûlées. Pour la nourrir, quand elle a eu trois semaines, j’ai dû lui donner une préparation à base d’eau où j’écrasais des macaronis dedans, et c’est ce que je lui donnais à manger.

Les femmes et les hommes étaient-ils séparés?
Non, nous étions tous ensemble, aussi dans le dortoir.

Avez-vous eu des problèmes de sécurité?
Oui, il y avait tout le temps la police, aussi dans le centre.

Comment avez-vous quitté ce centre?
Quand la situation est devenue trop grave, comme je n’avais pas à manger pour ma fille, j’ai décidé de quitter le centre. Je suis partie avec des gens qui ont quitté eux aussi. Nous sommes partis en train. J’ai demandé de l’argent autour de moi et j’ai pu rassembler la somme pour partir.

Qu’avez-vous fait après?
Je suis arrivée à Rome et je n’avais nulle part où aller. J’étais seule à la rue et j’ai pleuré. Une femme érythréenne est venue vers moi et m’a demandé ce que j’avais. Je lui ai expliqué et la dame m’a dit de venir avec elle. Cette femme était mariée et elle vivait dans une seule chambre. Je dormais sur le balcon et le matin je devais quitter le lieu. J’errais dans la rue avec mon bébé et je rentrais le soir. Après quelques temps j’avais un peu d’argent. Ma fille est tombée malade. Elle avait du pus et du sang sur la tête et je suis partie en Suisse, grâce à un homme que j’ai connu et qui m’a aidée.

Comment avez-vous trouvé à manger?
Il y avait des églises qui donnaient à manger une fois par jour et deux fois par semaine, mais si je n’arrivais pas à l’heure, je mendiais.

On vous donnait des couches dans ces églises?
Non, il n’y en avait pas. On me donnait des biscuits et du lait pour mon bébé, 150 gr dans un biberon, deux fois par semaine, c’est-à-dire deux repas par semaine pour ma fille.