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Analyse | Principales propositions de l’UDC en cours d’examen au Conseil national

Principales propositions de l’UDC en cours d’examen au Conseil national: modification de la loi sur l’asile (LAsi) et de la loi sur les étrangers (LEtr)

Complément de l’article Décryptage paru dans VE 137, avril 2012

Document réalisé par Marie-Claire Kunz. Cliquez ici ou sur l’image ci-dessous pour télécharger le document.


Renforcement du système Dublin

Accord avec l’Italie dans le cadre des renvois en vertu du Règlement de Dublin II

Signature d’un accord particulier entre la Suisse et l’Italie, qui permettrait la reprise en charge des requérants d’asile en une semaine. Dans le cas où les transferts Dublin vers l’Italie ne seraient pas exécutés dans les six mois prévus par le Règlement Dublin II, les contrôles aux frontières sont réintroduits.

Renforcement des contrôles aux frontières

Renforcement des contrôles aux frontières des Etats qui n’appliquent pas les accords de manière satisfaisante, notamment à la frontière italienne. Cette réintroduction est justifiée par l’article 23 du Règlement (CE) 562/2006 (code frontières Schengen).

L’art. 23 en question autorise cette réintroduction en cas de mise en danger grave de l’ordre public. L’UDC estime que les ressortissants maghrébins venant en Suisse en transitant par l’Italie, suite au printemps arabe, constituent une telle mise en danger.

Forfait sécuritaire

Dédommagement de la Confédération aux communes abritant des centres d’accueil pour les frais liés à la sécurité.

Cette mesure est justifiée par l’arrivée des jeunes maghrébins en Suisse, auxquels l’UDC impute des problèmes sécuritaires majeurs dans les villes abritant des centres d’accueil et en particulier à Chiasso.

Diminution des forfaits financiers pour les personnes déboutées

Les forfaits versés par la Confédération aux cantons pour chaque personne déboutée, actuellement de 6000 CHF par personne, doivent être diminués pour augmenter la pression sur les cantons dans le cadre de l’exécution des renvois.

Cette mesure est présentée parmi d’autres mesures destinées à inciter le départ des demandeurs d’asile déboutés ou en procédure extraordinaire. Les 6000 CHF mentionnés sont ceux actuellement versés en compensation aux cantons, qui financent l’aide d’urgence versée aux personnes déboutées jusqu’à leur départ de Suisse. La proposition de l’UDC ne fera donc que renforcer la précarité des personnes déboutées, en poussant les cantons à diminuer les montants alloués à l’aide d’urgence. A son introduction, l’aide d’urgence visait déjà à contraindre ces personnes à quitter le territoire suisse. En plaçant les personnes déboutées dans une situation de précarité à la limite de la dignité humaine, on s’assurait qu’elles ne s’installeraient pas dans un confort les incitant à rester en Suisse et à s’opposer à leur renvoi. Si le nombre de départ a effectivement augmenté depuis son introduction, selon les statistiques de l’ODM, il faut préciser que cette augmentation englobe départs contrôlés et départs non contrôlés, cette dernière catégorie représentant à elle seule 57 % des départs [1]. Selon le Conseil fédéral[2], seulement 12 à 17% des bénéficiaires de l’aide d’urgence ont quitté la Suisse par un départ contrôlé. Ainsi, à moins de pouvoir dénombrer, parmi les « départs non contrôlés », combien relèvent d’une disparition vers la clandestinité ou d’un retour effectif vers le pays d’origine, l’efficacité de cette mesure ne peut ni être prouvée ou ni infirmée.

Augmentation des places de détention liées au domaine de l’asile

L’UDC demande un financement de la Confédération pour créer de nouvelles places de détention, celles-ci étant jugées indispensables pour que les décisions de renvoi soient exécutées. Cette mesure doit se décider sur la base d’un droit d’urgence.

Seconde mesure liée à l’exécution des renvois par le canton, l’UDC veut renforcer la détention administrative. Or, des études comparatives ont démontré que le nombre de renvois dans les cantons pratiquant la détention administrative n’était pas plus élevé que dans les cantons réticents à prononcer une telle mesure. En outre, les coûts de la détention administrative sont très élevés. Enfin, comme elle s’applique à des personnes qui n’ont pas commis de délits ou qui ont fini de purger une peine, l’usage de la détention administrative devrait être évité au maximum


Qualité de réfugié et modification de l’article 3 LAsi (désertion): nouvel art. 3 al. 3

Mesure proposée dès le début de la révision en cours, la formulation retenue dans le projet du DFJP prévoit que:

« Ne sont pas des réfugiés les personnes qui sont exposées à de sérieux préjudices ou qui craignent à juste titre de l’être au seul motif qu’elles ont refusé de servir ou déserté« .

L’UDC demande une formulation plus stricte, enlevant le mot «seul»:

« Ne sont pas des réfugiés les personnes qui sont exposées à de sérieux préjudices ou qui craignant à juste titre de l’être au motif qu’elles ont refusé de servir ou déserté« .

Cette proposition, qui émane de Christoph Blocher alors qu’il était à la tête du DFJP, est également consécutive à une jurisprudence de l’ancienne Commission de recours en matière d’asile, qui avait admis un risque au sens de l’art. 3 LAsi dans le cas des déserteurs érythréens. Dans sa décision, la CRA estimait que la désertion pouvait être considérée comme un délit d’opinion politique par les autorités érythréennes, sanctionné par des traitements inhumains et dégradants. Afin d’éviter que cette proposition contrevienne à la convention relative au statut des réfugiés de 1951 (Convention), la formulation proposée par le Conseil fédéral permet une certaine marge de manœuvre, puisque la désertion, liée à un autre motif, tel que l’opinion politique, pourrait toujours conduire à la reconnaissance de la qualité de réfugié. La formulation proposée aujourd’hui par l’UDC conduirait en revanche à une automaticité en cas d’invocation de la désertion comme motif d’asile et contreviendrait clairement à la convention de 1951, en particulier aux art. A2 et 2 respectivement de la Convention et de son protocole de 1967.

Qualité de réfugié et modification de l’article 3 lasi (suppression des motifs subjectifs postérieurs à la fuite): nouvel art. 3 al. 4

L’UDC propose un nouvel art. 3, al. 4 LAsi, dont la teneur permettrait d’exclure de la qualité de réfugié les personnes invoquant des motifs d’asile survenus après leur départ du pays:

« Ne sont pas des réfugiés les personnes qui ne font état d’une persécution qu’après leur départ de leur patrie ou de leur pays d’origine ou qui font état d’une persécution en raison de leur comportement après leur départ. »

A l’heure actuelle, un certain nombre de personnes se voient reconnaître la qualité de réfugiés en raison de motifs postérieurs à la fuite, soit par exemple des activités politiques déployées à l’étranger ou encore, la sanction à postériori d’un départ illégal du pays d’origine. Ce dernier cas concerne notamment les réfugiés érythréens, qui désertent et quittent le pays sans autorisation de l’armée, s’exposant en cas de retour à des traitements inhumains ou dégradants pour ce motif. Ces personnes ne pourraient plus recevoir la qualité de réfugié et seraient uniquement protégées d’un renvoi en raison du fait que la Suisse ne peut renvoyer une personne dans un pays où elle serait exposée à la torture, en vertu des articles 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et de la Convention des Nations Unies contre la torture (CCT). Ce sont les art. 83 al. 3 LEtr et 44, al. 2 LAsi, qui régiraient dorénavant leur statut en Suisse, leur renvoi étant illicite. Il s’agit là d’une nouvelle atteinte à la Convention et son protocole, qui prévoit qu’une personne soumise à un risque de torture, pour un des cinq motifs énoncés à l’art. A2, doit être reconnue réfugiée, indépendamment du fait que l’existence de ce motif survienne avant ou après le départ du pays.

Pays sûrs et modification de l’article 6a al. 2 let. a LAsi

L’art. 6a al. 2 let. a LAsi, inscrit dans le droit en vigueur, prévoit que « le Conseil fédéral désigne les Etats d’origine ou de provenance sûrs, à savoir ceux dans lesquels il estime que le requérant est à l’abri de toute persécution. »

Proposition UDC:

« Le Conseil fédéral désigne les Etats d’origine ou de provenance sûrs, à savoir ceux dans lesquels il estime que le requérant est à l’abri de toute persécution, sont considérés comme tels de droit les Etats membres de l’UE/AELE. »

L’art. 6 al. 2 let. a est complété par l’art. 34 al. 1 LAsi, qui prévoit qu’il n’est pas entré en matière sur la demande d’asile d’une personne provenant d’un pays désigné comme sûr. Un demandeur originaire d’un des pays figurants sur la liste des pays sûrs doit dès lors amener la preuve qu’il existe des indices de persécution spécifiques à sa situation, propre à renverser la présomption d’absence de persécution dans l’Etat d’origine, pour qu’il soit entré en matière sur sa demande d’asile. Les Etats membre de l’UE et de l’AELE figurent déjà sur la liste en question[3] et cet ajout est par conséquent inutile.

Obligation de collaborer et modification de l’art. 8: nouvel art. 8 al. 3bis lasi

L’UDC demande l’ajout de l’art. 8 al. 3bis LAsi:

« Les personnes qui, sans motif valable, ne se tiennent pas à la disposition des autorités pendant plus de 20 jours, renoncent à la poursuite de leur procédure. Leur demande est radiée d’office. Une nouvelle demande ne peut être déposée dans un délai de 3 ans. »

Il est déjà prévu, dans le droit en vigueur, qu’une disparition engendre la radiation de la demande d’asile. Cette pratique découle de l’art. 8 al. 3 LAsi, qui prévoit, parmi les devoirs liés à l’obligation de collaborer du requérant, celui de se tenir à disposition des autorités fédérales et cantonales. On considère ainsi que la personne qui viole cette obligation par sa disparition n’a plus d’intérêt à la poursuite de sa procédure et faute de pouvoir statuer sur ses motifs d’asile, la demande est radiée. Le délai pour constater la disparition n’est pas stipulé, celle-ci étant la plupart du temps constatée en raison du fait que la personne ne se présente pas aux autorités cantonales à l’échéance de renouvellement de son permis ou en raison de son absence prolongée de son lieu d’hébergement. La nouveauté de l’art. 8 al. 3bis réside donc dans le fait qu’il stipule un délai de 20 jours pour constater la disparition et qu’il prévoit l’interdiction de déposer une nouvelle demande d’asile pendant 3 ans. S’agissant des 20 jours, cette disposition nécessiterait la mise en place d’un système de contrôle de présence régulier pour être appliquée. Un tel contrôle demanderait des moyens disproportionnés aux autorités cantonales de police des étrangers et aux responsables des structures d’hébergement, au vu du peu de cas concernés et des procédures de contrôles déjà existantes. La nouveauté de la proposition consistant à empêcher le dépôt d’une nouvelle demande d’asile serait contraire à la Convention et son préambule, mais également à d’autres instruments de droit de l’homme. Le droit de demander asile est prévu par l’art. 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (DUDH), partie intégrante de la charte des Nations Unies des droits de l’homme. Son application mécanique pourrait conduire également à la violation du principe de non refoulement et de l’interdiction de renvoyer une personne vers un pays où elle serait exposée à la torture (art. 33 de la Convention, art. 3 CEDH et art. 3 CCT). Rien ne permet en effet d’affirmer a priori qu’une personne qui disparait durant moins de trois ans n’a pas, dans l’intervalle, été exposée à des traitements justifiant la reconnaissance de la qualité de réfugié et l’application du principe de non-refoulement.

Suppression des cas de rigueur et de l’exception au principe d’exclusivité de la procédure d’asile: suppression de l’article 14 al. 2 à 4 LAsi et de l’article 84 al. 5 LEtr.

Proposition principale:

L’UDC souhaite supprimer la possibilité laissée aux cantons de régulariser des requérants d’asile déboutés, conformément à l’art. 14 al. 2 à 4 qui prévoit que: « sous réserve de l’approbation de l’office, le canton peut octroyer une autorisation de séjour à toute personne qui lui a été attribuée conformément à la présente loi, aux conditions suivantes: la personne concernée séjourne en Suisse depuis au moins cinq ans à compter du dépôt de la demande d’asile; le lieu de séjour de la personne concernée a toujours été connu des autorités ; il s’agit d’un cas de rigueur grave en raison de l’intégration poussée de la personne concernée (al. 2 let. a, b et c). Lorsqu’il entend faire usage de cette possibilité, le canton le signale immédiatement à l’office (al. 3). La personne concernée n’a qualité de partie que lors de la procédure d’approbation de l’office (al. 4). »

Parallèlement, l’UDC souhaite supprimer la possibilité donnée aux personnes admises provisoirement en Suisse (permis F) de stabiliser leur statut après 5 ans de séjour et à condition de remplir les critères d’intégration prévus par la loi. Dans la loi actuelle, l’article 83 al. 5 prévoit que: « les demandes d’autorisation de séjour déposées par un étranger admis provisoirement et résidant en Suisse depuis plus de cinq ans sont examinées de manière approfondie en fonction de son niveau d’intégration, de sa situation familiale et de l’exigibilité d’un retour dans son pays de provenance. »

Proposition subsidiaire:

Si cette première proposition n’est pas acceptée, l’UDC souhaite introduire un durcissement des conditions de régularisation, en augmentant de 5 à 7 ans la durée minimale de séjour prévue par l’art. 14 al. 2 let. a LAsi et 84 al. 5 LEtr.

Art. 14 al. 2 à 4 LAsi: L’art. 14. 2 LAsi, introduit lors de la dernière révision, est une disposition minimale en la matière, puisqu’elle ne prévoit pas un droit, pour les personnes, de demander une régularisation après 5 ans de séjour, mais bien une simple possibilité, laissée aux cantons, de proposer une telle régularisation. Cette disposition était demandée par les cantons qui, en raison du principe d’exclusivité de la procédure d’asile, ne pouvait régler le séjour de requérants déboutés bien intégrés et séjournant depuis plusieurs années en Suisse, sans pouvoir être renvoyés dans leur pays. La situation était devenue ingérable pour les cantons depuis la suppression, par Christophe Blocher, de la directive Metzler, qui ouvrait une telle possibilité. La suppression de cet article aujourd’hui va provoquer une situation parfaitement identique à celle qui prévalait dans les années 2000, et une nouvelle solution devra inévitablement être trouvée dans quelques années. Art. 84 al. 5 LEtr Pour les personnes admises provisoirement en Suisse, la suppression de cet article, corrélée au fait qu’elles risquent de se voir supprimer également la possibilité de demander la naturalisation[4], revient à les maintenir à vie dans la précarité administrative. Il semble particulièrement inapproprié de priver toute une population, aujourd’hui plus de 24’000 personnes, de toute perspective d’intégration dans notre société, alors qu’elles sont amenées par la force des choses à y vivre durablement. En effet, il a été reconnu, même lorsque Christoph Blocher était à la tête du DFJP, que ces personnes séjournaient en Suisse sur le long terme. On peut citer par exemple la situation de la communauté somalienne, dont la majorité des ressortissants débutent leur séjour en Suisse avec une admission provisoire, car leur renvoi en Somalie est contraire au droit international et en particulier à l’art. 3 CEDH et 3 CCT. Le conflit qui les empêche de retourner dans leur pays dure depuis 20 ans et n’est pas près de se terminer. Au vu de cette situation, il est de l’intérêt public d’intégrer ces personnes et de leur permettre de séjourner en Suisse avec un statut qui reflète la pérennité de leur séjour, lorsque ces personnes ont démontré leur volonté d’intégration. La suppression de cette possibilité va clairement à l’encontre de cette intégration et le coût social qu’elle engendrera doit être pris en compte. S’agissant finalement de l’augmentation de la durée du séjour, en cas de rejet de cette première proposition, il convient de rappeler que la durée de 5 ans stipulée dans les deux articles est une durée minimale. L’autorité compétente apprécie ensuite si l’intégration est suffisante et dans la plupart des cas, excepté ceux impliquant des enfants adolescents, les exigences en matière de durée du séjour sont nettement plus élevées. La pratique actuelle permet donc une souplesse suffisante pour que les cas qui méritent une régularisation rapide, notamment parce que des enfants sont présents et doivent pouvoir construire un avenir professionnel en Suisse, en bénéficient. Une durée de séjour plus longue peut toujours être exigée dans les autres cas. Cette seconde modification est par conséquent parfaitement inutile.

Classement des procédures jugées infondées: nouvel art. 25a LAsi

L’UDC souhaite « qu’avant l’ouverture d’une procédure d’asile, l’autorité compétente détermine avec le concours du requérant si la demande d’asile déposée en vue de l’obtention de l’asile est légale et motivée. Si ces deux conditions ne sont pas remplies, la demande est classée sans autre forme de procès et la procédure de renvoi est engagée. L’office peut faire appel à des tiers lors des entretiens d’évaluation. »

Dans le droit actuel et dans les propositions contenues dans le projet 1, une clause de non-entrée en matière existe déjà pour les demandes qui ne seraient pas constitutives d’une demande de protection au sens de la LAsi. Ces procédures sont rapides et prévoient un examen sommaire de la demande, identique à celui prévu par le nouvel art. 25a. Cette nouvelle disposition ne vient donc combler aucune lacune, la législation actuelle étant amplement suffisante pour permettre le traitement rapide de telles demandes. La délégation de cet examen à des tiers est par ailleurs problématique, puisqu’elle suppose que certaines demandes seront a priori considérées comme telles, pour être confiée à des prestataires externes à l’administration. De tels prestataires ne rempliront en outre pas, selon toute vraisemblance, les critères de professionnalisme et confidentialité requis pour traiter de données extrêmement sensibles.

Examen médical à l’arrivée en Suisse: nouvel art. 26a

Le projet 1 introduisait un article visant à limiter l’invocation de motifs médicaux. Il prévoyait que : »immédiatement après le dépôt de leur demande d’asile, mais au plus tard lors de l’audition sur les motifs d’asile visée à l’art. 36, al. 2, ou de l’octroi du droit d’être entendu visé à l’art. 36, al. 1, les requérants sont tenus de faire valoir toute atteinte à leur santé dont ils avaient connaissance au moment du dépôt de leur demande et qui pourrait s’avérer déterminante pour la procédure d’asile et de renvoi (al. 1). L’ODM désigne le professionnel de la santé chargé d’effectuer l’examen médical en lien avec l’atteinte à la santé visée l’al. 1. L’art. 82a s’applique par analogie. L’ODM peut confier à des tiers les tâches médicales nécessaires (al. 2). Les atteintes à la santé invoquées ultérieurement ou constatées par un autre professionnel de la santé peuvent être prises en compte dans la procédure d’asile et de renvoi si elles sont prouvées. A des fins de vérification, l’ODM peut faire appel à un médecin de confiance (al. 3). »

Le Conseil des Etats a proposé une modification de cet article, en ajoutant une clause permettant de justifier l’invocation tardive de motifs médicaux, à l’al. 3 et formulé comme suit: « les atteintes à la santé invoquées ultérieurement ou constatées par un autre professionnel de la santé peuvent être prises en compte dans la procédure d’asile et de renvoi si elles sont prouvées. Il peut exceptionnellement suffire qu’elles soient rendues vraisemblables si des motifs excusables expliquent le retard ou si, dans un cas particulier, une preuve ne peut être apportée pour des raisons médicales. L’ODM peut faire appel à un médecin de confiance. »

Cet ajout vise en particulier les personnes gravement traumatisées par les violences subies dans leur pays d’origine, qui ne parviennent que très rarement à parler de ces violences et des séquelles psychiques qui s’ensuivent dès leur arrivée. L’UDC propose non seulement de supprimer cet ajout, mais aussi de verrouiller toute possibilité d’invocation ultérieure d’un motif médical quel qu’il soit, par le biais de deux nouvelles propositions.

Proposition principale:

L’UDC propose principalement la suppression de l’art. 26a

Première proposition subsidiaire

En cas de refus de supprimer l’art. 26a, l’UDC souhaite une modification de l’art. 26a al. 3, en stipulant que: « les atteintes à la santé invoquées ultérieurement ou constatées par un autre professionnel de la santé ne seront plus prises en considération dans le cadre de la procédure d’asile et de renvoi. »

Seconde proposition subsidiaire

En dernier recours, l’UDC propose l’adoption de la première version de l’art. 26a, avant modification par le Conseil des Etats.

Ces différentes propositions visent clairement à empêcher la prise en compte de motifs médicaux dans le cadre des procédures d’asile et de renvoi. Ces motifs conduisent, lorsqu’ils sont d’une sévérité suffisante et qu’il peut être démontré que les soins ne seraient pas accessibles ou disponibles dans le pays d’origine, à l’octroi d’un permis F (admission provisoire). Outre le fait que l’instrumentalisation de l’examen médical à l’arrivée en Suisse proposée par le projet 1 soulève déjà de sérieuses questions déontologiques, les propositions additionnelles de l’UDC conduiraient à mettre en danger, parfois de mort, des personnes venues chercher protection en Suisse. Certaines maladies, faute de soins, conduisent immanquablement au décès des personnes concernées. En outre, le fait que seul le personnel médical agréé par l’ODM pourrait se prononcer sur l’état de santé des demandeurs d’asile pose un problème évident d’indépendance dans l’exercice de la pratique médicale.

Suppression de l’effet suspensif dans les procédures de recours contre des décisions de non entrée en matière (y compris Dublin): nouvel art. 31b

L’effet suspensif est celui par lequel l’exécution d’un renvoi est suspendue durant la procédure de recours engagée par un demandeur d’asile auprès du Tribunal administratif fédéral.

L’UDC souhaite supprimer l’automaticité de cet effet suspensif pour les décisions de non-entrée en matière, et autoriser sa restitution par le Tribunal dans des cas extrêmement limités, par l’introduction du nouvel article 31b:

« Les recours déposés contre des décisions prises en vertu de l’art. 31a n’ont pas d’effet suspensif. Si le demandeur fait valoir de façon vraisemblable que la procédure d’asile et les conditions d’admission des requérants appliquées par le pays responsable de la procédure présentent des défauts systémiques qui laissent supposer, sur la base de faits sérieux et dûment justifiés, qu’il risque d’être exposé à un traitement inhumain ou dégradant, le tribunal suspend le renvoi si le demandeur le réclame. »

L’effet suspensif est une des garanties permettant aux personnes d’exercer leur droit à un recours effectif (art. 13 CEDH). Si l’on analyse cette proposition en lien avec les recours contre des décisions de non-entrée en matière rendues en application du règlement de Dublin, la Suisse aurait violé à de multiples reprises ses obligations liées à la Convention européenne des droits de l’homme si elle avait fait usage de cet article. En effet, depuis l’entrée en vigueur des accords en question et jusqu’à la décision de la Cour européenne prohibant les renvois à destination de la Grèce en février 2011, des centaines de personnes ont pu attendre en Suisse l’issue de leur recours, alors que l’exécution de leur renvoi durant la procédure de recours aurait clairement contrevenu à la Convention en question, au vu de l’arrêt rendu en février 2011. Durant cette période, il n’était pas encore admis que les procédures d’asile et l’accueil des demandeurs dans ce pays souffraient de carences systémiques. Ce n’est que depuis l’arrêt de la Cour que cette présomption est jugée vraisemblable par nos autorités. D’autres pays, tels que Malte, la Hongrie ou l’Italie, font l’objet de plainte auprès de la Cour et des questions identiques se posent aujourd’hui s’agissant des recours dirigés contre des renvois vers ces Etats.

Admission provisoire et exigibilité du renvoi: modification de l’art. 84 al. 3 LEtr

L’UDC propose la modification de l’art. 84 al. 3 LEtr, qui régit l’admission provisoire lorsque l’exécution du renvoi est inexigible. A l’heure actuelle, cette disposition prévoit qu’un renvoi n’est pas exigible « si le renvoi ou l’expulsion de l’étranger dans son pays d’origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale« . L’UDC souhaite limiter les motifs d’inexigibilité du renvoi aux situation de guerre, de guerre civile et de violence généralisée, à l’exclusion de tout autre motif, notamment médical.

Cette modification est à mettre en relation avec les propositions de modification de l’art. 26a quant à l’examen médical prévu à l’arrivée en Suisse. Elle confirme la volonté de l’UDC d’empêcher que des motifs médicaux permettent l’octroi d’un statut en Suisse, avec les conséquences déjà énoncées plus haut.

Admission provisoire et désignation de pays sûrs en matière de renvoi: nouvel art. 83 al. 5 LEtr

Proposition principale de l’UDC:

Le Conseil fédéral désigne des pays d’origine ou des régions au sein de ces pays, vers lesquels le renvoi est exigible. Le renvoi ou l’expulsion d’un étranger provenant de ces pays ou régions vers ces pays ou vers un Etat membre de l’UE/AELE est dans tous les cas exigible.

Proposition subsidiaire

Le Conseil fédéral désigne des pays d’origine ou des régions au sein de ces pays vers lesquels le renvoi est exigible. Le renvoi d’étrangers provenant de ces pays ou régions vers ces pays ou région est dans tous les cas exigible.

La proposition principale de l’UDC est déjà contenue dans le projet 1 qui a été soumis au parlement. L’effet de cette disposition consiste à renverser le fardeau de la preuve en matière d’obstacle au renvoi, les demandeurs d’asile devant renverser la présomption selon laquelle il n’existerait pas, dans certains pays ou région de pays, d’obstacles à leur renvoi. Si en cas de conflits, il peut s’avérer relativement aisé de démontrer qu’une région ou un pays est en proie à une situation de violence empêchant le renvoi, cette démonstration devient autrement plus complexe en cas de motifs humanitaires, qui doivent être appréciés selon un ensemble de paramètres individuels: état de santé, situation familiale, socioprofessionnelle, etc. Pour un demandeur d’asile, il peut s’avérer tout simplement impossible d’amener la preuve qu’il ne dispose pas d’un réseau familial dans son pays d’origine ou encore que les infrastructures médicales de son pays sont, partout, incapables d’assurer un suivi médical nécessaire. Cette disposition vise donc également à rendre impossible la prise en compte de tels motifs pour la délivrance d’une admission provisoire.

Suppression du droit au regroupement familial pour les admis provisoires: art. 85 al 7 LEtr

Proposition principale

L’UDC propose la suppression du droit de demander le regroupement familial pour les admis provisoire, prévu à l’art. 85 al. 7 LEtr. Dans sa version actuelle, cet article autorise les admis provisoires à demander le regroupement familial après trois ans à dater de l’obtention de l’admission provisoire et sous conditions de revenus et d’un logement suffisants.

Proposition subsidiaire

En cas de refus de cette suppression, il est demandé que le délai d’attente pour demander le regroupement familial passe de 3 à 5 ans à dater de l’obtention de l’admission provisoire.

Le droit au regroupement familial pour les détenteurs de permis F est récent, puisqu’entré en vigueur avec la nouvelle loi sur les étrangers en 2008. Le nombre de regroupement effectivement accepté depuis lors reste inconnu, aucune statistique n’étant disponible sur ce point. De l’expérience des bureaux de consultation juridique, on peut néanmoins estimer que les cas sont peu fréquents. Avant cette modification, les admis provisoires devaient attendre l’obtention d’un permis B pour demander le regroupement familial. Au vu de la durée moyenne de telles procédures, il arrivait fréquemment que les enfants soient devenus majeurs entre temps, rendant définitivement impossible toute demande de regroupement familial en leur faveur. Avec la conjonction de la suppression du regroupement familial pour les permis F et la suppression de la possibilité d’obtenir un permis B, toute perspective d’obtenir un tel regroupement s’évanouit pour les permis F. Des efforts considérables ont été mis en œuvre ces dernières années par les autorités pour favoriser l’intégration des permis F dans notre société. Les personnes qui ont encore de la famille proche dans des pays très instables voire carrément en guerre sont dans une situation psychologique très difficile et ne sont de ce fait que rarement en mesure de produire les efforts nécessaires à leur intégration. Le regroupement familial, indéniablement, facilite l’intégration. S’agissant de l’alternative, qui rallongerait les délais d’attente à 5 après l’obtention du permis F, le risque est grand que, compte tenu de la durée de la procédure d’obtention du permis F, additionnée à ces 5 ans, les enfants ne puissent être inclus dans une telle demande, car devenus majeurs entretemps.

Suppression du principe d’unité de la famille: modification de l’art. al. 1 44 LAsi

L’actuel art. 44 al. 1 LAsi prévoit que: « lorsqu’il rejette la demande d’asile ou qu’il refuse d’entrer en matière, l’office prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l’exécution; il tient compte du principe de l’unité de la famille. »

L’UDC souhaite supprimer la mention du principe d’unité de la famille. L’article deviendrait: « lorsqu’il rejette la demande d’asile ou qu’il refuse d’entrer en matière, l’office prononce, en règle générale, le renvoi de Suisse et en ordonne l’exécution. »

Le principe d’unité de la famille prévoit qu’en cas de renvoi de Suisse, les membres d’une même famille ne soient pas renvoyés de manière désordonnée, afin de préserver la vie familiale. Il en découle qu’en cas de mesure de substitution à l’exécution du renvoi, telle que l’admission provisoire, les membres de la famille séjournent ensemble en Suisse sous un statut commun, soit le permis F. En supprimant ce principe, on autorisera dorénavant l’autorité à octroyer l’admission provisoire à un membre de la famille, tout en renvoyant les autres membres vers le pays d’origine. Corrélée à la suppression du droit au regroupement familial, à la suppression de demander une autorisation de séjour ou la nationalité suisse, cette mesure signifie concrètement que les personnes admises provisoirement en Suisse ne pourront plus avoir de vie familiale, et ce aussi longtemps qu’elles séjourneront en Suisse. L’art. 8 CEDH, qui garantit le droit à la vie familiale ne s’applique pas, pour l’heure, aux admis provisoires, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral. Il est en effet admis que seules les personnes qui résident au bénéfice d’un permis stable en Suisse (permis B, C ou Suisses) tombent sous la protection de cette disposition. La conjonction des mesures proposées par l’UDC pourrait amener le TF à revoir sa jurisprudence, de même que la Cour européenne des droits de l’homme, dans la mesure où l’ingérence au droit à la vie familiale qui en découle est radicale et permanente. Néanmoins et parallèlement à la révision de la LAsi, une réforme de la Cour européenne des droits de l’homme est en cours à Strasbourg. Dans ce cadre, la Suisse et la Grande Bretagne ont demandé un assouplissement du caractère contraignant des jugements de la Cour, en particulier pour ceux qui concernent l’art. 8 CEDH en relation avec des personnes étrangères résidant sur leur territoire.

Prolongement des délais d’obtention d’une autorisation d’établissement pour les réfugiés reconnus

A l’heure actuelle, les réfugiés reconnus se voient délivrer une autorisation de séjour (permis B) durant les 5 premières années de leur séjour en Suisse à compter de l’entrée en Suisse et une autorisation d’établissement (permis C) après 5 ans.

La proposition de l’UDC vise à prolonger le délai d’obtention du permis C à 10 ans de séjour en Suisse, dont les 5 derniers doivent avoir été accomplis au bénéfice d’un permis B, alignant leur statut à celui des détenteurs d’un permis B dit « humanitaire ». Cette obtention est conditionnée au fait qu’il n’existe pas de motifs de révocation du permis B au sens de l’art. 62 LEtr (retour durable à l’assistance, dissimulation de faits essentiels durant la procédure d’obtention, condamnations pénales, atteintes à la sécurité et l’ordre public).

Le fait que l’on tienne actuellement compte des années de séjour dès l’entrée en Suisse pour les personnes reconnues réfugiées et titulaires d’un permis B, pour l’obtention d’un permis C, reflète un principe du droit des réfugiés, à savoir que la reconnaissance de la qualité de réfugié est déclarative. En d’autres termes, un réfugié ne devient pas réfugié le jour où une décision est rendue en sa faveur, mais le jour où il quitte son pays d’origine ou de dernière résidence, fuyant une persécution pour l’un des motifs énoncés dans la Convention et la LAsi. Le statut qui lui est reconnu prend effet dès son entrée en Suisse, contrairement au permis B dit « humanitaire », qui repose sur des critères d’intégration prévalant au moment de la décision d’octroi. Dans les deux cas, un délai de 10 ans prévaut pour l’obtention du permis C, dès l’obtention du permis B, mais celui-ci est considéré dans un cas comme obtenu dès l’entrée en Suisse, alors que dans l’autre, il est considéré comme obtenu au moment de la décision. Les critères d’obtention du permis B réfugié ne sont pas ceux qui prévalent pour l’obtention du permis B humanitaire. Un permis B réfugié est octroyé aux personnes qui ont subi des persécutions dans leur pays en raison de leur race, de leur nationalité, de leur religion, de leurs opinions politiques ou encore de leur appartenance à un groupe social particulier et indépendamment de leur intégration en Suisse. Ce permis consacre le principe de non-refoulement, puisque cette personne, en vertu du droit international, ne peut retourner chez elle. La qualité de réfugié peut être révoquée si les circonstances se sont sensiblement modifiées dans le pays d’origine. En revanche, le permis B humanitaire est accordé aux personnes dont on reconnaît qu’elles se sont intégrées de manière poussée dans notre pays, par leur travail, leur comportement et l’apprentissage d’une langue nationale. C’est dans ce second cas de figure que la LEtr prévoit une possibilité de retirer le permis B, selon les conditions énoncées à l’art. 62 LEtr, soit un retour durable à l’assistance, la dissimulation de faits essentiels ou un comportement contraire à la loi ou à la sécurité et l’ordre public. Dans sa proposition de l’UDC cherche à aligner le permis B réfugié sur le permis B humanitaire, alors que ces deux permis sont juridiquement bien distincts. Un réfugié reconnu auquel on déciderait de retirer son permis B parce qu’il ne travaille pas ne pourrait être expulsé de Suisse, car son renvoi serait constitutif d’une violation du principe de non-refoulement, et de l’art. 3 CEDH et CCT. Le statut octroyé à cette personne consacre également une disposition de la Convention de 1951, qui préconise d’aligner le statut des réfugiés sur le permis le plus favorable, afin que le réfugié bénéficie d’une égalité de droit avec les ressortissants nationaux du pays d’accueil.

Extinction de la qualité de réfugié: modification de l’art. 64 al. 1 let a et b LAsi

La proposition de l’UDC vise à mentionner parmi les motifs d’extinction de la qualité de réfugié le séjour durant plus d’un an dans un autre pays ou le dépôt, dans un autre pays, d’une demande d’asile ou d’autorisation de séjour. Actuellement, la disposition prévoit l’extinction en cas d’obtention du statut sur la base de fausses déclarations ou informations ou en raison des motifs prévus à l’art. 1 section C, ch. 1 à 6, de la Convention (acquisition de nationalité, retour dans le pays où est survenue la persécution, modification de circonstances dans le pays, etc.).

Les conditions d’extinction de la qualité de réfugié sont régies par la Convention. Les conditions additionnelles voulues par l’UDC sont inapplicables, à moins de violer cette convention. Le principe de la protection internationale accordées aux réfugiés permet à un Etat de renoncer à accorder sa protection si et seulement si un autre Etat peut lui accorder cette protection, par exemple, par l’acquisition de la nationalité ou parce qu’il lui a reconnu le statut de réfugié. Dans les autres cas, le principe de non-refoulement oblige les Etats à vérifier que le réfugié ne soit pas exposé à un refoulement vers son pays d’origine dans cet autre Etat. C’est d’ailleurs très exactement ce que fait la Suisse, lorsqu’un réfugié reconnu dans un autre pays dépose une demande d’asile en Suisse. Elle rejette la demande pas décision de non-entrée en matière, et ordonne le renvoi vers le pays tiers de provenance, sous réserve d’une violation du principe de non-refoulement. Si un réfugié reconnu devait déposer une demande d’asile dans un autre pays ou y séjourner sans statut lui garantissant le non-refoulement, alors la Suisse se doit, de par ses obligations internationales, de vérifier la protection dont bénéficierait le réfugié dans cet Etat et si celle-ci ne lui est pas garantie, de le réadmettre en tant que réfugié.

Fin de l’admission provisoire: modification de l’art. 84 al. 4 LEtr

La disposition actuelle prévoit la fin de l’admission provisoire en cas de départ définitif de Suisse ou d’obtention d’une autorisation de séjour en Suisse. L’UDC propose que l’admission provisoire prenne fin si l’étranger séjourne plus deux mois dans un autre pays ou s’il demande l’asile dans un autre pays.

Cette disposition est inapplicable, notamment en raison du règlement de Dublin. Celui-ci prévoit en effet qu’une personne qui aurait déposé une demande d’asile en Suisse et obtenu l’admission provisoire, lorsqu’elle dépose une demande dans un autre pays lié par ces accords, est renvoyée en Suisse, qui demeure compétente. Par conséquent, en tel cas, la Suisse serait contrainte de réadmettre la personne sur son territoire et, si des obstacles à son renvoi vers son pays d’origine prévalent encore, de lui octroyer l’admission provisoire.

Aide d’urgence: nouvel art. 81 al. 2 LAsi et modification de l’art. 82 al. 4 LAsi

L’UDC propose l’exclusion de l’aide d’urgence des personnes dont l’identité n’est pas établie

Il souhaite que l’aide d’urgence ne soit fournie qu’en nature, à l’exclusion de toute mesure financière, et limitée à une durée de 4 mois.

L’aide d’urgence a été introduite dans le domaine de l’asile dès 2004, frappant tout d’abord les personnes ayant reçu une décision de non-entrée en matière, puis, dès 2008, toutes les personnes ayant reçu une décision négative. Elle concrétise l’art. 12 de la Constitution selon lequel quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé, assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. Par ce mécanisme, les personnes exclues de l’aide sociale – à l’instar des demandeurs d’asile déboutés – tombent dans l’aide d’urgence, sensée garantir qu’elles ne soient pas contraintes de recourir à la mendicité pour survivre. Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la nature indérrogeable de ce minimum vital, en soulignant notamment que le refus de collaborer à son identification en vue de son expulsion de Suisse ne pouvait justifier d’exclure une personne de cette protection constitutionnelle. C’est pourtant ce que l’UDC remet ici en cause, en excluant les personnes qui n’établissent pas leur identité et toutes celles dont le renvoi n’est pas exécuté dans les 4 mois suivant la décision d’expulsion, indépendamment de la raison pour laquelle ce renvoi n’a pu être exécuté. En l’état, cette disposition est inapplicable, car contraire à la Constitution.

Aide sociale: modification de l’article 82 al. 3 LAsi et de l’art. 83 al. 1

L’UDC souhaite premièrement limiter l’aide sociale à des prestations fournies en nature uniquement, à l’exclusion de tout moyen financier. Son octroi et sa durée doivent en outre être justifiés. Il prévoit ensuite de supprimer l’aide sociale aux personnes qui auront dissimulé leur identité, à celles qui auraient été condamnée à une peine privative de liberté, avec ou sans sursis, auraient manqué à leur devoir de collaborer, n’auraient pas respecté les injonctions des collaborateurs chargés de leur procédure ou de leur encadrement social.

L’aide sociale est l’aide « normale » octroyée aux personnes en procédure d’asile, bien que considérablement inférieure à celle fournie aux personnes bénéficiant d’un permis B, C ou suissesses. Ses montants sont financés par la Confédération sous forme de forfait versés aux cantons chargés de l’hébergement et de l’accueil de demandeurs d’asile. Les cantons doivent organiser cette aide sociale, mais peuvent choisir la forme qu’elle prendra. La loi sur l’asile incite déjà à fournir des prestations en nature plutôt que financières. L’actuel article 82 al. 3 LAsi souligne ainsi que:  » l’aide sociale accordée aux requérants et aux personnes à protéger qui ne bénéficient pas d’une autorisation de séjour doit être fournie, dans la mesure du possible, sous la forme de prestations en nature. Les cantons seraient dorénavant contraints d’organiser cette aide en nature. De manière plus générale, la durée des procédures reste pour l’heure aléatoire et placer durablement des personnes que la Suisse pourrait à terme accueillir et intégrer dans des conditions de précarité extrême aurait un coût social et humain démesuré. Il est impossible pour une personne de s’intégrer dans notre société si elle ne peut y participer réellement. L’aide en nature ne fait que garantir la survie d’une personne, elle ne préserve ni sa dignité morale ni ses ressources personnelles, pourtant nécessaires à son intégration en Suisse.

Rétablissement d’un service des recours rattaché au Département de justice et police: art. 104 et 105 LAsi

L’UDC souhaite le rétablissement du service des recours du DFJP, supprimé avec la création de la Commission suisse de recours en matière d’asile, puis le Tribunal administratif fédéral.

Sa compétence concernerait les recours contre les décisions rendues par l’ODM en matière de refus de l’asile et de non entrée en matière, de refus de la protection provisoire, d’extinction de l’asile ou de la protection provisoire ou de levée de l’admission provisoire.

Dans le processus de création de la Commission suisse de recours en matière d’asile, la question de l’indépendance du service des recours du DFJP avait été au cœur des discussions. Un service dépendant du département chargé de traiter les demandes d’asile en première instance ne peut en effet exercer un contrôle indépendant de ses décisions. Le projet présenté aujourd’hui par l’UDC constitue un retour à la case départ, soit vers une situation qui avait été jugée impropre à garantir l’accès à un tribunal indépendant dans le domaine de l’asile. Cette proposition est en outre déjà énoncée dans le projet 2 en cours d’élaboration au sein du DFJP et n’amène donc rien de nouveau, contrairement à ce que l’UDC souhaite faire croire.

Rejet de l’amélioration de l’assistance judiciaire dans le domaine de l’asile proposée par le Conseil fédéral

Le projet 1 du Conseil fédéral propose, au nouvel art. 110a, une extension de l’assistance judiciaire dans le cadre des recours auprès du Tribunal administratif fédéral, à certaines conditions. L’UDC propose la suppression de ce nouvel article.

Pour rappel, lorsque le projet de révision de la LAsi a été soumis pour la première fois à la commission des institutions politiques du Conseil des Etats, celle-ci avait chargé, en décembre 2010, le DFJP de revoir sa copie, afin d’imaginer un système d’assistance juridique, actuellement inexistant dans le domaine de l’asile. Cette requête était notamment liée aux vives critiques dont la Suisse a pu faire l’objet à cause de cette carence, de la part de certaines instances onusiennes. La proposition du Conseil fédéral, énoncée dans le projet 1, est encore bien en-deçà de ce que la Suisse est sensée mettre en œuvre sur ce plan. Cette proposition de l’UDC laisse craindre un blocage catégorique du système d’assistance juridique qui devrait voir le jour avec le projet 2 en cours d’élaboration.

Limitation des possibilités de demander le réexamen d’une décision ou de déposer une nouvelle demande d’asile: nouvel art. 111 al. 1, 1ère et 2ème phrase et nouvel art. 111c

A l’heure actuelle, une demande de réexamen peut être déposée en cas d’apparition d’un fait nouveau susceptible de modifier la décision initialement rendue, fait qui doit être invoqué au plus tard 90 jours après sa découverte. Une deuxième demande d’asile peut être déposée en tout temps, mais se heurte à une non-entrée en matière s’il n’y a pas de retour dans le pays d’origine et pas de nouveaux motifs susceptibles de motiver la reconnaissance de la qualité de réfugié.

L’UDC propose une limitation de cette possibilité, en interdisant le dépôt d’une demande de réexamen dans un délai d’un an suivant le délai de départ fixé par l’autorité dans le cadre de la décision initiale, la règle des 90 jours restant par ailleurs applicable. Une nouvelle demande d’asile ne pourra être introduite que trois ans au plus tôt après une décision entrée en force, les clauses de non-entrée en matière restant applicable.

Lorsqu’un motif nouveau survient, soit celui est susceptible de modifier la décision initialement rendue à l’encontre du demandeur, soit il ne l’est pas. La procédure de réexamen a précisément pour but de permettre cette détermination et elle est actuellement menée de manière rapide et dissuasive lorsque les motifs invoqués semblent abusifs. L’ODM peut en effet, sous le droit actuel, exiger une avance de frais et déclarer la demande irrecevable. Dans les autres cas, aucune justification ne légitime l’attente imposée par ce nouvel article. Empêcher sans autre motif l’invocation de ce motif équivaut à interdire aux demandeurs l’exercice d’un droit pourtant élémentaire. En effet, admettons qu’un demandeur d’asile puisse prouver, après avoir réussi à faire venir des preuves de son pays selon lesquelles il y serait effectivement en danger de mort, quel serait l’intérêt à l’obliger d’attendre un an, sans statut et alors que son renvoi demeure juridiquement prohibé, de déposer une demande visant à faire reconnaître sa situation. S’agissant des délais requis pour déposer une seconde demande d’asile, le problème est identique à celui soulevé par le nouvel art. 8 al. 3bis évoqué plus haut.

Enfermement des personnes délinquantes, récalcitrantes ou asociales: nouvel article 74a LEtr

Ce nouvel article prévoit que les autorités compétentes fédérales ou cantonales puissent ordonner l’enfermement d’une personne lorsqu’elle ne possède pas d’autorisation de séjour et qu’elle compromet ouvertement la sécurité et l’ordre ou les met en danger de manière répétée. Cette mesure s’applique également aux personnes faisant l’objet d’une décision de renvoi et d’expulsion, qui ne préparent pas leur départ sur une base volontaire ou qui font activement obstacle à leur renvoi. L’ordre de mise en détention est vérifié par un juge après 120 heures. L’enfermement peut être ordonné pour six mois et prolongé pour six mois supplémentaires, avec un maximum prévu à 3 ans de détention.

Cette disposition est parfaitement inapplicable dans son ensemble. La mise en détention doit être régie par des bases légales strictes et claires. Elle ne peut reposer sur des comportements jugés asociaux. Lorsqu’un comportement enfreint une norme pénale, le droit suisse est déjà suffisamment armé pour y répondre, quelque soit la nationalité et le statut de la personne ayant commis l’acte en cause. En cherchant à appliquer un traitement identique aux délinquants et aux personnes qui n’entreprennent pas de démarche pour organiser leur retour, l’UDC entretient volontairement une confusion entre détention pénale et détention administrative. Les personnes simplement déboutées de la procédure d’asile sont mises dans le même bain que les délinquants pénaux, l’objectif étant de criminaliser les migrants pour le simple fait d’avoir immigré en Suisse sans répondre à la définition stricte d’une personne à protéger. En matière de détention administrative, la Suisse est également tenue de respecter les normes internationales et européennes en la matière. Or celles-ci limitent la détention à 18 mois et ont déjà obligé la Suisse à réduire la durée maximale de la détention administrative de 2 ans à 18 mois.

Marie-Claire KUNZ

 


[1] Office fédéral des migrations, statistiques en matière d’asile 2011.

[2] Réponse à l’interpellation d’Anne Seydoux-Christe, 11.3792, 16 novembre 2011

[3] La liste des pays sûrs peut être consultée à l’adresse Internet: http://www.bfm.admin.ch/content/dam/data/migration/asyl_schutz_vor_verfolgung/asylverfahren/weitere_themen/safe-countries-f.pdf

[4] Le parlement est également entrain de réviser la loi sur la nationalité. Le projet prévoit que seuls les titulaires d’un permis C pourront dorénavant demander la nationalité suisse. Par conséquent, les admis provisoires, s’ils ne peuvent plus demander le permis B, ne pourront pas non plus accéder au permis C et resteront à vie avec un permis F.