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Humanrights.ch | La juridiction constitutionnelle à nouveau au tapis

Le 5 juin 2012, le Conseil des États a refusé la mise en place d’une juridiction constitutionnelle. Abroger l’article 190 de la Constitution, comme l’avait auparavant accepté le National en décembre 2011, aurait impliqué que toutes les autorités chargées d’appliquer le droit puissent, dans un cas concret, «examiner la conformité des lois fédérales avec la Constitution». Un renforcement de l’État de droit dont le Conseil des États ne veut pas.

Jusqu’ici, l’article 190 Cst. oblige le Tribunal fédéral (TF) et les autres autorités à appliquer les lois fédérales et le droit international, même s’ils sont contraires à la Constitution.

Le projet retourne désormais au National. Si les deux Chambres parviennent finalement à s’accorder pour une abrogation, le projet devra encore passer devant le peuple

Pas de Tribunal constitutionnel

Le projet prévoit une procédure semblable à celle qui s’applique pour les ordonnances fédérales, qui peuvent être attaquées devant les tribunaux mais uniquement sur la base d’une décision concrète découlant de ces textes. Le TF serait donc encore loin des compétences d’une Cour constitutionnelle, chargée comme en France de contrôler la conformité des lois avec la Constitution avant leur mise en vigueur.

C’est pourtant cet argument qui a entre autres effrayé les parlementaires. Les opposants craignent que la justice ne devienne plus forte que le politique et n’empêche le parlement d’adopter des lois contraires à la Constitution. Paul Rechtsteiner (PS/SG) en appelle ainsi à l’exemple étasunien, où il revient désormais à la Cour suprême américaine de trancher sur la conformité constitutionnelle de la réforme Obama pour l’assurance maladie. Un cas qui ne saurait s’avérer avec le projet helvétique.

La Constitution avant le droit international

Le projet d’abrogation de l’article 190 n’est par ailleurs en aucune façon lié à la problématique des initiatives parlementaires contraires au droit international ou aux droits fondamentaux garantis par la Constitution.

Comme le précise le projet, il s’agit de corriger un déséquilibre entre la Charte fondamentale suisse et la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Actuellement, on peut en effet invoquer l’incompatibilité d’une loi fédérale avec les droits consacrés par la CEDH, mais pas avec la Constitution fédérale. La pratique actuelle donne ainsi davantage de poids à la CEDH qu’à la Constitution.

Un débat houleux

L’abrogation de l’article 190 divise les partis. Ce n’est donc pas par hasard que celle-ci avait été adoptée au National après un débat houleux avec 94 voix contre 86 et 3 abstentions. Soutenu sans faille par les Verts, les Verts libéraux et le Parti bourgeois démocratique suisse (PBD), le projet a divisé les rangs des autres partis. Ainsi, même parmi les socialistes, quelques députés ont voté contre le projet. Ils craignent en effet que le changement ne donne au Tribunal fédéral l’occasion de déclarer inapplicable les droits des travailleurs ou l’obligation de contracter une assurance maladie, en port à faux avec la liberté économique garantie par la Constitution.

Le 17 avril, la Commission des affaires juridiques du Conseil des États avait annoncé accepter de justesse l’extension de la juridiction constitutionnelle aux lois fédérales grâce au votre prépondérant de sa présidente. Après le net rejet du 5 juin, reste à voir ce qu’en dira encore le Conseil national.

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