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Documentation

Révision de la loi sur l’asile | Descriptif et documentation

Article mis à jour en mars 2016

La Loi sur l’asile est en chantier depuis 2010 et doit prochainement faire l’objet d’une votation. Après bien des rebondissements au Parlement, cette révision législative a été saucissonnée en trois projets, dont vous trouvez un descriptif ci-dessous.

Deux « paquets » législatifs ont déjà été adoptés: les mesures urgentes du 28 septembre 2012 -attaquées par référendum et acceptées en scrutin populaire le 9 juin 2013-; et la révision « ordinaire » votée par l’Assemblée fédérale le 14 décembre 2012, et entrée en vigueur en janvier et février 2014.

Un troisième volet, appelé restructuration du domaine de l’asile, vise à la création de grands centres fédéraux dans lesquels seraient retenus 60% des demandeurs d’asile et affiche l’ambition d' »accélérer » les procédures d’asile. La restructuration a été adoptée par le Parlement le 25 septembre 2015. Il a été attaqué par référendum par l’UDC, principalement sur l’accès des requérants d’asile a une procédure juridique et sur la possibilité pour la Confédération de réquisitionner des lieux pour créer des centres d’hébergement. La population suisse se prononcera sur le projet en votation, soit l’ensemble de la loi sur l’asile, le 5 juin 2016.

Ci-dessous, vous trouverez de la documentation relative aux différentes étapes:


Les mesures urgentes – Le projet 3

Dépôt du référendum - photo: asyl.ch
Dépôt du référendum – photo: asyl.ch

Le Parlement a extrait cinq mesures du projet de révision «ordinaire» pour leur conférer un caractère « urgent ». Adoptées le 28 septembre 2012, elles sont entrées en vigueur le lendemain du vote par l’Assemblée fédérale pour trois ans et ont été prolongées jusqu’en 2019 par le Parlement sur proposition du DFJP. Elles devraient ensuite être intégrées au projet ordinaire après un vote au Parlement. Le référendum lancé par les Jeunes Verts et soutenu par diverses organisations a été rejeté à une large majorité des votants le 9 juin 2013.

Les mesures urgentes concernent:

  • La suppression des demandes d’asile aux ambassades (art. 19)
  • La suppression de la désertion comme motif d’asile (art.3 al3)
  • La création de «centres spéciaux» pour «récalcitrants» (art.26 al.1)
  • Une «carte blanche» au Conseil fédéral pour mener des expériences-pilotes (comprenant la réduction des délais de recours de 30 à 10 jours) (art.112b)
  • Possibilité donnée au Conseil fédéral de réquisitionner les structures militaires ou de protection civile pour l’hébergement des demandeurs d’asile sans l’avis des communes. (art. 26a)

Lien vers le texte de loi

La révision «ordinaire» – le projet 1

Le 14 décembre 2012, l’Assemblée fédérale a mis un point final à la révision  « ordinaire »  de la Loi sur l’asile, mettant fin aux divergences entre le Conseil national et le Conseil des Etats. La loi est en vigueur depuis janvier et février 2014 selon les dispositions.

Les mesures principales, (extrait du site de stopexclusion.ch):

  • suppression des motifs postérieurs à la fuite comme motif de reconnaissance du statut de réfugié
  • instauration d’un entretien précédant le dépôt de la demande d’asile. Cet entretien peut être délégué à des tiers et il peut aboutir au classement de la demande « sans autre forme de procès« .
  • tous les problèmes médicaux doivent être signalés dans les premiers jours de la procédure, même les traumatismes psychologiques, sinon ils ne sont plus pris en compte dans la suite de la procédure
  • introduction d’une phase préparatoire avant le début de la procédure d’asile (pont vers le projet 2)
  • allongement du délai de 5 à 10 ans minimum pour demander le permis C pour un-e réfugié-e reconnu-e
  • exclusion de l’aide sociale (=extension de l’aide d’urgence) des personnes qui demandent une deuxième fois l’asile (par exemple si la situation a évolué dans leur pays d’origine)
  • possibilité d’exclure de l’aide sociale (=extension de l’aide d’urgence) les personnes qui – entre autres motifs – refusent de collaborer ou de décliner leur identité
  • introduction d’une protection juridique gratuite excluant toutefois les procédures Dublin, les demandes de réexamen ainsi que les demandes multiples
  • établissement d’une liste de pays sûrs vers lesquels les renvois sont en principe exigibles – il revient au demandeur d’asile désormais de prouver le contraire.
  • consécration légale de l’aide sociale réduite pour les demandeurs d’asile par rapport aux indigènes
  • restriction de l’asile familial aux enfants et conjoint-e
  • pénalisation des activités politiques menées par les demandeurs d’asile en Suisse
  • si disparition pendant 20 jours du demandeur d’asile, la demande est classée et aucune autre nouvelle demande ne peut être déposée avant trois ans

Lien vers le texte de loi

Les grands centres fédéraux – projet 2

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La création de grands centres fédéraux dans lesquels serait menée l’ensemble d’une procédure dite « accélérée » jusqu’au renvoi est le grand projet de Simonetta Sommaruga. Il dit s’inspirer d’un modèle hollandais dont il ne reprend que ce qui l’arrange, tout en promettant une amélioration de l’assistance judiciaire.  Ce projet a été présenté par le DFJP au Conseil fédéral puis au Parlement en 2011, juste après l’accession de Simonetta Sommaruga aux commandes du Département. Sur demande du Parlement, alors saisi du projet de révision Widmer-Schlumpf/Blocher, le SEM a réalisé un «rapport sur les mesures d’accélération des procédures dans le domaine de l’asile» se présentant comme une cartographie de la situation et proposant diverses mesures.  Une partie de ces mesures ont déjà été intégrées au projet ordinaire (projet 1) ou mesures urgentes (projet 3). La loi votée le 25 septembre 2015 vise à concrétiser les grands centres fédéraux alors que la phase-test de Zurich n’a pas encore évaluée. Département fédéral de justice et police, Confédération et cantons se sont d’ores et déjà mis d’accord sur un grand nombre d’orientations. Certains centres ont déjà ouverts. La Suisse des « centres » devrait voir le jour prochainement: centres de procédure, centres d’attente, centres d’expulsion, centres pour récalcitrants…

La restructuration en bref (extraits de « Loi sur l’asile | Quels changements après l’adoption de la restructuration?« , article publié dans Vivre Ensemble, n°156, avril 2015)

  • Transfert de compétences des cantons à la Confédération (plus de centres fédéraux)
  • Système à deux vitesses: une «procédure étendue» avec attribution à un canton comme aujourd’hui (40% des cas) selon les projections du Conseil fédéral) et une «procédure accélérée» menée dans les centres fédéraux (60% des cas)
  • Délais de recours réduits de 30 à 7 jours en procédure accélérée
  • Protection juridique gratuite en procédure accélérée / limitée en procédure étendue
  • Séjour maximal en centre fédéral prolongé de 90 à 140 jours, prolongeables
  • Regroupement de tous les acteurs dans les centres fédéraux (demandeurs d’asile, fonctionnaires du SEM, représentants juridiques, etc.)
  • Nouveaux durcissements: sanctions financières si les cantons n’exécutent pas assez de renvois; aide au retour dégressive pour dissuader les demandeurs d’asile d’aller au bout de la procédure; nivellement par le bas de l’aide d’urgence, etc.

Phase-test à Zurich: analyse et rapports d’évaluation

En avril 2015, Vivre Ensemble a publié un article (n°152, avril 2015) qui propose une analyse des rapports intermédiaires de la phase test de Zurich: « Centre-test de Zurich: beaucoup de bruit pour rien? ».

Liens vers les rapports finaux de la phase-test (mars 2016):

Liens vers les rapports intermédiaires de la phase-test (février 2015):

Documents publiés par le Conseil fédéral le 14 juin 2013 sur la restructuration:

Rétrospective
La loi sur l’asile – un chantier perpétuel

Depuis son introduction de la législation suisse en 1981, la Loi sur l’asile n’a cessé d’être révisée, toujours dans le sens d’un durcissement. Avant même de mesurer les effets de l’application de la loi, de nouveaux tours de vis étaient en préparation, encouragés par le déferlement d’initiatives parlementaires de l’extrême-droite, talonnée par la droite conservatrice.

  • Le processus actuel a démarré sous Christoph Blocher, en 2007, avant même l’entrée en vigueur d’une Loi sur l’asile entièrement remaniée (2008). Le Conseiller fédéral annonçait alors déjà un projet d’arrêté fédéral urgent visant les déserteurs et objecteurs érythréens:
    « Concernant les déserteurs et les objecteurs de conscience, le Département fédéral de justice et police (DFJP) est en train d’élaborer un projet d’arrêté fédéral urgent modifiant la loi sur l’asile (art. 3) pour que les déserteurs et les objecteurs de conscience, d’une manière générale, ne soient plus reconnus comme réfugiés et ne puissent plus bénéficier de l’asile. Si, dans un cas particulier, un renvoi n’est pas admissible, est impossible ou ne saurait être raisonnablement exigé, une admission provisoire pourrait être décidée. Cette modification de la loi permettrait de réduire l’attractivité de la Suisse comme pays de destination pour les objecteurs de conscience et les déserteurs ». Lien vers le communiqué du DFJP,
  • Sa successeure à la tête du DFJP, Evelyne Widmer-Schlumpf, reprit certaines idées de Blocher dans un projet de révision mis en consultation en 2009. Elle y ajoute d’autres mesures, dont la suppression de la possibilité de déposer une demande d’asile dans une ambassade ou de punir les activités politiques des demandeurs d’asile (motifs d’asile postérieurs à la fuite.
  • A l’arrivée de Simonetta Sommaruga à la tête du Département fédéral de justice et police, le Conseil des Etats l’a chargée fin 2010 de reprendre l’ensemble du projet de révision de la loi sur l’asile et de proposer un projet cohérent. Ainsi est né le projet de restructuration, avec le premier rapport publié par le DFJP en mars 2011. Notre édito publié à la sortie du rapport:  C’est la fonction qui fait l’homme (ou la femme) (VE 133 / juin 2011) et La lenteur, nouvelle rhétorique (VE 134 / septembre 2011) [/box]

Pour un historique complet des durcissements successifs, lire:  « Du droit d’asile à la gestion de stock humain ou comment réduire à néant l’hospitalité et les droits », par Christophe Tafelmacher, avocat, publié dans Vivre Ensemble en août 2011, et actualisé en septembre 2013.