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Amnesty international | Communiqué de presse sur l’Erythrée

Érythrée. Vingt ans après l’indépendance, la répression à tout-va

Communiqué de presse d’Amnesty international du 9 mai 2013. Cliquez ici pour lire le communiqué de presse.

Vingt ans après que l’Érythrée ait obtenu son indépendance, des milliers de prisonniers politiques sont enfermés dans les centres de détention du pays sans avoir jamais été inculpés, et on est sans nouvelles d’un grand nombre d’entre eux, écrit Amnesty International dans un rapport rendu public jeudi 9 mai.

Ce document, intitulé Twenty years of independence but still no freedom, revient en détail sur la manière dont, au cours des deux dernières décennies, des opposants au gouvernement, des journalistes et des adeptes de religions non reconnues, ainsi que des personnes ayant essayé de quitter le pays ou d’éviter la conscription obligatoire, sont maintenus en détention sans inculpation dans des conditions d’une cruauté inimaginable.

« Le gouvernement recourt systématiquement aux arrestations arbitraires et aux détentions sans inculpation pour écraser toute opposition, réduire au silence tous les dissidents, et punir quiconque refuse de se plier aux restrictions répressives imposées aux citoyens », a précisé Claire Beston, spécialiste de l’Érythrée à Amnesty International.

« Vingt ans après l’euphorie de l’indépendance, l’Érythrée est l’un des pays les plus répressifs, secrets et inaccessibles au monde. »

Amnesty International estime qu’au moins 10 000 personnes ont été placées en détention pour des motifs politiques par le gouvernement du président Isaias Afewerki, qui est au pouvoir depuis l’indépendance du pays, en 1993. À la connaissance de l’organisation, pas un seul de ces prisonniers politiques n’a été inculpé ni jugé, ni pu s’entretenir avec un avocat ou été déféré devant un juge ou un représentant de l’autorité judiciaire susceptibles de se prononcer sur la légalité et la nécessité de sa détention.

Dans la grande majorité des cas, les familles de prisonniers ne sont pas informées du lieu où ceux-ci se trouvent, et restent bien souvent sans nouvelles de leurs proches après leur arrestation. Le recours à la torture – au titre de sanction, dans le cadre d’interrogatoires et pour exercer une contrainte – est monnaie courante. La torture est utilisée contre les adeptes de religions non reconnues afin de les forcer à abjurer leur foi.

Amnesty International reçoit de nombreuses informations faisant état de morts en détention à la suite d’actes de torture ou de suicides, ou encore en raison des épouvantables conditions qui y règnent. Des prisonniers meurent ainsi de maladies curables comme le paludisme et d’affections causées par une chaleur excessive.

Il existe un vaste réseau de centres de détention en Érythrée – certains sont bien connus, d’autres sont secrets. Mais compte tenu de l’opacité extrême des procédures de détention dans le pays on n’en connaît pas le nombre exact.

De nombreux centres de détention placent les prisonniers dans des cellules souterraines et des conteneurs métalliques. Beaucoup de ces établissements se trouvent dans le désert et les températures, qui peuvent y être extrêmes dans un sens comme dans l’autre, sont accrues par les conditions souterraines et les murs des conteneurs métalliques. Tous ces lieux sont surpeuplés et crasseux ; nourriture et eau potable y sont par ailleurs fournies en quantité limitée.

Un homme ayant été détenu dans une cellule souterraine du camp militaire de Wi’a a ainsi dit à Amnesty International :

« Nous ne pouvions pas nous allonger [dans la cellule souterraine]. C’est mieux d’être debout parce que si vous vous couchez, votre peau reste collée au sol. Le sol est terriblement chaud. »

Un autre, qui a été incarcéré dans un centre de détention à Barentu, a dit :

« La pièce faisait environ 2,5 mètres sur trois, et nous étions 33. Il y fait très, très chaud. La porte est fermée, le plafond est bas, environ 2 mètres de haut. Il faisait environ 50 degrés. Un garçon de 17 ans était sur le point de mourir. Nous n’avions pas le droit de parler, mais nous avons cogné à la porte. Ils [les gardiens] nous ont dit qu’ils nous tueraient tous si nous n’arrêtions pas de crier. Nous ne pouvions rien faire pour l’aider. »

Vingt ans après l’indépendance, l’Érythrée est un pays dans lequel les droits humains sont systématiquement violés. Il n’y a pas de médias indépendants, pas de partis d’opposition politique, pas de société civile. Seules quatre religions sont reconnues par le gouvernement.

Amnesty International demande au président Isaias Afewerki de libérer immédiatement tous les prisonniers d’opinion arrêtés pour avoir exercé de manière pacifique leurs droits à la liberté d’expression, d’opinion, d’association, de religion ou de conscience, ou en raison de leur identité, en tant que parents de personnes ayant fui le pays.

Les autorités érythréennes doivent par ailleurs inculper toute personne soupçonnée d’avoir commis une infraction reconnue par la loi et la juger dans les meilleurs délais au cours d’un procès conforme aux normes d’équité ou bien la remettre immédiatement en liberté. Les familles doivent être informées du sort réservé à leurs proches arrêtés.

« Ces arrestations et détentions arbitraires illustrent l’intolérance absolue des autorités érythréennes face à toute forme d’opposition, ce qui explique pourquoi des milliers de prisonniers politiques languissent dans de terribles conditions. Il faut que cela cesse », a conclu Claire Beston.