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Notre regard

ForumAsile | Tête à tête avec Mario Gattiker

SFH/B. Konrad
SFH/B. Konrad

Un interview de Mario Gattiker, directeur de l’Office fédéral des migrations (ODM), par J. Caye, paru le 16 juin 2013 sur forumasile.org.

Invitée au déjeuner de presse organisé à Berne le 11 juin dernier par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) qui lançait avec le UNHCR et l’ODM les Journées du réfugié sur le thème « Réussir Ensemble », j’ai eu la chance de pouvoir discuter avec Mr. Mario Gattiker de certains aspects de la procédure d’asile actuelle et future.

Après la conférence de presse, j’ai aussi pu participer à la simulation de parcours du réfugié avec une vingtaine de parlementaires dont Maja Graf, Présidente du parlement, Alain Ribaux (PLR), Uli Leuenberger (Vert), Matthias Aebischer (PS) et d’autres personnes que je ne connaissais pas. A mon arrivée, Madame Gaby Szöllösy, responsable de la communication à l’ODM, me demande si je souhaite un entretien particulier avec Mr. Mario Gattiker. Je réponds que oui mais je demande un entretien informel dehors au moment du déjeuner, sans prise de notes.

Nous avons donc eu 10 bonnes minutes de discussion sur la procédure d’asile en Suisse et sur son avenir.

Question 1 : Où seront situés les nouveaux centres de procédures de la confédération. Ma suggestion, près des villes, des avocats, des juristes, des médecins et des auditeurs de l’ODM qui n’habitent pas tous à Berne. Monsieur Gattiker m’approuve là-dessus. Selon lui les nouveaux centres de procédures de la Confédération (procédure rapide) devront être proches des villes près des compétences. Par contre les centres d’attente et de départ, qui n’hébergerons que des personnes pour lesquelles la procédure en Suisse est terminée (cas Dublin, personne en attente de départ) ne devront pas nécessairement être proches des compétences.

Question 2 : Afin d’éviter les tensions habituelles avec les cantons et les communes en cas de hausse importante des demandes d’asile en Suisse ne faudrait-il pas prévoir des hébergements de réserve qui pourraient être ouverts ou fermés rapidement selon les besoins ? Monsieur Gattiker considère que cela est absolument nécessaire. L’ODM est en train de négocier avec l’armée pour trouver un accord afin de prévoir un tel réservoir de logements qui serait à disposition de la Confédération en cas de besoin.

Question 3 : Lorsque la procédure accélérée sera en marche, les statistiques montreront une explosion de décisions positives d’asile et d’admission provisoire ? Monsieur Mario Gattiker le confirme. Il ajoute que cela devra être expliqué à la population suisse qui risque de mal réagir à cette hausse subite.

Question 4 : Comment se fait-il que l’ODM ne parvienne pas à donner des décisions plus rapidement sur des cas clairs comme les somaliens arrivés il y a 2 ans dont certains n’ont même pas encore eu d’audition sur les motifs. Ces cas à mon avis devraient recevoir des admissions provisoires et il n’est pas normal que ces personnes doivent attendre si longtemps une décision de l’ODM.

Monsieur Gattiker semble étonné de ma question qui repose sur des cas concrets. Je lui explique que je travaille aussi comme mandataire pour ELISA-Asile à l’aéroport et que je suis quelques cas de près, notamment celui d’une somalienne arrivée en août 2011 et qui n’a eu qu’une seule audition sommaire pour l’instant. Monsieur Gattiker me dit que l’ODM reste surchargée de travail et privilégie le traitement des demandes de cas qui ne mérite pas l’admission provisoire ou l’asile afin de pouvoir organiser les renvois dans des délais courts. Les personnes qui méritent de rester en Suisse avec un statut de protection doivent pouvoir attendre une décision de l’ODM. En étant en Suisse elles sont déjà protégées, hébergées, nourries et logées. Par contre il ajoute que les syriens seront bientôt traités comme des réfugiés fuyant la violence généralisée et qu’ils devraient recevoir l’admission provisoire dans des délais plus courts. Mon interlocuteur précise que pour traiter les demandes plus rapidement l’ODM doit encore engager et former de nouveaux auditeurs.

Il précise aussi qu’il faut battre le fer quand il est chaud et que c’est maintenant, avec la hausse récente des demandes d’asile, que l’ODM obtiendra plus de moyens pour bien faire son travail. Lorsque les demandes d’asile sont relativement basses, les politiques font pression sur le budget de l’ODM et il devient difficile d’engager du personnel et de faire des restructurations nécessaires au bon fonctionnement de l’ODM. Aussi il estime que le Projet Sommaruga de centralisation du traitement des demandes d’asile est l’occasion de mieux faire et d’obtenir plus de moyens pour traiter rapidement toutes les demandes d’asile en Suisse.

Question de Mr. Gattiker : Comment fonctionne la procédure à l’aéroport et comment se passe notre collaboration avec l’ODM à l’aéroport? Je lui explique que nous auditionnons les requérants avant l’ODM car nous devons connaître leur histoire pour les conseiller et les aider dans la recherche de preuves afin qu’ils puissent les donner à l’ODM durant les auditions. Nous n’avons que 5 jours ouvrables pour recourir auprès du Tribunal administratif fédéral. Il faut donc bien connaître les dossiers le plus rapidement possible. Je lui explique qu’ELISA assiste très souvent aux auditions qui se passent bien en général. ELISA collabore aussi avec l’Organisation internationale des migrations et la police de l’aéroport. Selon moi, l’aéroport fonctionne un peu comme un mini-centre de procédure rapide, avec l’aide juridique à proximité.

Après la grande campagne et la bataille contre les mesures urgentes menée par beaucoup d’associations proches des requérants d’asile dont ELISA, le lancement des Journées du réfugiés par l’OSAR, l’ODM et l’UNHCR sur le thème « Réussir ensemble » est un appel à l’union pour mieux réussir la procédure d’asile et pour mieux faire accepter les réfugiés au sein de la population suisse. Au lendemain des votations j’ai trouvé cet instant de « suspension » à discuter ouvertement avec le directeur de l’ODM plutôt agréable et constructif et je me dis qu’il faudrait prendre plus souvent le temps d’échanger avec des personnes qui, à priori, se trouvent de l’autre côté de la barrière. Alors quand l’occasion se présente…Sautons dessus!

J. Caye