Aller au contenu
Notre regard

Aide d’urgence | Un scénario prévisible

Alors qu’en décembre dernier, le parlement refusait l’extension de l’aide d’urgence à tous les requérants d’asile, la centralisation et le transfert de compétence en matière d’aide sociale et d’urgence du canton à la Confédération dans le cadre de la grande réorganisation en cours laissait présager une extension et un nivellement par le bas en la matière (voir Vivre Ensemble, n° 140). Un scénario qui aujourd’hui se confirme.

Le dernier volet de la révision de la loi sur l’asile (projet 2) est soumis à consultation depuis le mois de juin 2013. Parmi les changements les plus importants, la centralisation des procédures et de l’accueil des demandeurs d’asile dans les centres fédéraux, dans 60% des cas au moins. Par ce biais, l’aide sociale et l’aide d’urgence seront dorénavant de la compétence des autorités fédérales pour la majorité des demandeurs d’asile. Conséquence directe: les normes qui leur sont applicables seront uniformisées. Pour l’heure, elles sont très inégales d’un canton à l’autre.

Dans les Centres d’enregistrement et de procédure, qui relèvent déjà de la compétence fédérale, les requérants qui perçoivent l’aide sociale sont assistés en nature, dans des structures collectives sans espace privatif, et reçoivent 3 francs d’argent de poche par jour. Il est donc à présager que l’aide d’urgence qui sera dispensée par la Confédération sera inférieure à ces barèmes et ne comprendra plus qu’une aide en nature. Autrement dit, un régime d’aide d’urgence globalement plus sévère que celui appliqué dans la plupart des cantons, où des prestations en espèce sont encore versées à celles et ceux qui attendent leur expulsion de Suisse. A Genève par exemple, l’aide d’urgence comprend une aide financière de 10 francs par jour pour un adulte célibataire outre le logement, le transport et l’assurance-maladie.

Le rapport accompagnant le projet de modification de la LAsi en vue de la grande réorganisation est explicite sur ce point: les cantons devront se mettre au pas et ne pourront proposer des prestations plus attrayantes que celles offertes dans les futurs centres fédéraux et ce quand bien même le séjour de personnes déboutées dans les cantons dure parfois plusieurs années, contre 140 jours maximum prévus dans les centres fédéraux. Et il n’y a plus de limite au cynisme de nos autorités, qui justifient ce nivellement par le bas par le fait que: «il importe que les hébergements cantonaux n’offrent pas de meilleures prestations que les centres de la Confédération. Il s’agit d’éviter ainsi que des requérants faisant l’objet d’une procédure accélérée tentent d’être attribués à un canton afin d’obtenir une aide d’urgence.»

Après l’attractivité de la Suisse qu’il faut réduire à tout prix, il s’agit donc maintenant d’éviter que les cantons ne soient plus attractifs que les centres fédéraux aux yeux des requérants d’asile. Peu importe les effets collatéraux pour les familles et les enfants qui végètent à l’aide d’urgence dans les cantons depuis plusieurs années et dont les moyens sont déjà réduits au strict minimum.


Marie-Claire Kunz