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Documentation

CSDH | Protection de la vie familiale et application de la clause de souveraineté dans le cadre du règlement Dublin II

Dans un arrêt du 17 avril 2013, le Tribunal administratif fédéral juge que l’Office fédéral des migrations doit, en vertu de l’art. 8 CEDH, faire application de la clause de souveraineté et se saisir de la demande d’asile d’un requérant dont l’épouse et l’enfant ont le statut de réfugié en Suisse.

Information publiée sur le site du Centre suisse de compétence pour les droits humains (CSDH), le 18 septembre 2013. Cliquez ici pour consulter l’information sur le site du CSDH.

Pertinence pratique

  • Transfert Dublin incompatible avec l’art. 8 CEDH et application de la clause de souveraineté pour un requérant dont l’épouse et l’enfant sont des réfugiés reconnus en Suisse.
  • Rappel de la hiérarchie des critères de détermination de l’État responsable et du «principe de pétrification» qui exige la prise en compte de l’état de fait au moment du dépôt de la première demande d’asile.
  • Obligation pour l’Office fédéral des migrations de mentionner toutes les indications utiles permettant à l’État Dublin de se prononcer sur la reprise en charge du requérant.

Un ressortissant érythréen dépose une demande d’asile en Italie avant d’entrer en Suisse, où son épouse enceinte et son enfant résident comme réfugiés reconnus. L’Office fédéral des migrations (ODM) refuse de se saisir de sa nouvelle demande d’asile et décide son transfert vers l’Italie. Le requérant saisit le Tribunal administratif fédéral (TAF) invoquant le droit au respect de sa vie privée et familiale (art. 8 CEDH).

Le TAF se demande tout d’abord si l’ODM était fondé à ne pas entrer en matière sur la demande d’asile du requérant (art. 34 al. 2 let. d LAsi). L’Italie, en tant que lieu de dépôt de la première demande d’asile, est réputée avoir reconnu sa compétence pour traiter la demande d’asile du requérant, car elle n’a pas répondu à la demande de reprise en charge de la Suisse dans le délai imparti (art. 20 par. 1 points b et c du règlement Dublin II).

Toutefois, l’art. 7 du règlement Dublin II énonce que «si un membre de la famille du demandeur d’asile, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d’origine, a été admis à résider en tant que réfugié dans un État membre, cet État membre est responsable de l’examen de la demande d’asile, à condition que les intéressés le souhaitent». Le TAF rappelle que ce critère de détermination de l’État responsable prime le critère du lieu de dépôt de la première demande d’asile de l’art. 13 du règlement Dublin II; sur cette base, la Suisse pourrait être désignée comme l’État responsable. Néanmoins, en vertu du «principe de pétrification» de l’art. 5 par. 2 du règlement Dublin II qui exige de se référer à l’état de fait qui prévalait au moment du dépôt de la première demande d’asile, ce critère de l’art. 7 du règlement Dublin II n’est applicable que si, premièrement, la famille existait déjà au moment du dépôt de la première demande d’asile du requérant et, secondement, si le membre de la famille dont il est question s’était déjà vu reconnaître la qualité de réfugié. Cette seconde condition fait défaut dans le cas d’espèce car l’épouse du requérant ne se trouvait pas encore en Suisse au bénéfice de la qualité de réfugié à l’époque du dépôt de la demande d’asile du requérant en Italie.

Le TAF admet ensuite qu’il y a lieu d’appliquer la clause de souveraineté prévue à l’art. 3 par. 2 du règlement Dublin II, en lien avec l’art. 8 CEDH qui garantit le droit à l’unité de la famille. En effet, l’épouse et l’enfant du requérant bénéficient d’un droit de présence en Suisse, si bien qu’il n’est pas envisageable d’exiger de leur part qu’ils reconstituent une cellule familiale en Italie, où en outre le requérant ne bénéficie que d’une protection subsidiaire. Contrairement à l’ODM, le TAF relève que le requérant et son épouse, même séparés durant plus de six ans, poursuivent actuellement une relation qualifiée d’étroite et effective. La famille vit sous le même toit et un second enfant commun est né en 2013. Par ailleurs, rien ne met en doute la réalité de leur mariage.

Enfin, le TAF constate que l’ODM – en ne mentionnant pas dans sa requête de reprise en charge que l’épouse et l’enfant du requérant ont la qualité de réfugié en Suisse – a omis d’attirer l’attention de l’Italie sur la situation familiale du requérant (art. 20 par. 1 point a du règlement Dublin II). Correctement informée, l’Italie aurait certainement demandé à la Suisse d’examiner elle-même la demande d’asile du requérant, en vertu de la clause humanitaire (art. 15 par. 1 du règlement Dublin II).