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Documentation

24 heures | Opinion d’Etienne Piguet

Requérants d’asile à Moudon: gardons la tête froide !

MoudonOpinion d’Etienne Piguet parue le 13 décembre 2013 dans 24 Heures.

L’unanimité des autorités politiques vaudoises à rejeter l’idée d’une transformation par la Confédération de la caserne de Moudon en centre de requérants d’asile n’a rien de surprenant. Prendre le parti – supposé – de l’électeur contre la Berne fédérale est toujours une solution facile et on doit admettre que la Confédération n’a pas toujours agi avec doigté vis-à-vis des autorités locales chargées – par la loi – d’accueillir les demandeurs d’asile. On aurait cependant pu attendre d’un canton qui se targue volontiers d’ouverture en matière de politique migratoire un peu plus de hauteur de vue et un peu moins de précipitation hostile. Trois points méritent en particulier d’être soulignés. Il est en premier lieu regrettable que des Conseillers d’Etat renforcent des stéréotypes en considérant à priori les demandeurs d’asile comme des nuisances. A fortiori dans un contexte où l’armée s’en va, est-il nécessairement pire d’accueillir des réfugiés – dont de nombreuses familles – que des jeunes soldats parfois éméchés et bruyants ? Des mesures adaptées pour occuper les requérants doivent bien sûr être prises et des règles posées, mais l’expérience montre que lorsque tous collaborent, la présence d’un centre est bien acceptée et… n’est pas sans retombées économiques. Il faut en second lieu rappeler que la répartition des demandeurs d’asile en Suisse  répond à une clé intercantonale strictement proportionnelle à la population. Propager l’idée que certains cantons en feraient plus que d’autres est inexact et véhicule, là aussi, des stéréotypes qui voient Berne profiter indument des gentils vaudois. Si, dans le cadre de la réforme de l’asile, certains cantons devaient dans le futur accueillir un quota de demandeurs d’asile plus que proportionnel, des compensations financières sont déjà prévues selon un principe que tous les cantons ont acceptés lors de la conférence nationale sur l’asile de janvier dernier. Enfin, il faut rappeler que si la Confédération cherche aujourd’hui à ouvrir de nouveaux centres d’asile, c’est pour mener à bien une réforme ambitieuse qui table sur des procédures rapide et de brefs séjours dans les centres de premier accueil. Si Moudon devenait un centre fédéral, les demandeurs d’asile n’y passeraient souvent que quelques semaines avant d’être dirigés ailleurs. Une perspective qui, en soi n’a rien de dramatique. En conclusion, il reste prématuré de dire si le choix de Moudon est bon et il ne  faut pas sous-estimer les défis d’explication et d’accompagnement politique qu’il supposerait, mais espérons que les négociations se feront dans un esprit de concertation et de responsabilités assumées.

Document reproduit avec l’aimable autorisation du Prof. Piguet.

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