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IRIN | Au-delà des frontières: comment aider les réfugiés nomades

Les populations nomades ou semi-nomades ont souvent du mal à s’adapter à la vie dans les camps de réfugiés. Elles sont habituées aux grands espaces et à la possibilité de se déplacer et elles voyagent souvent avec de nombreuses bêtes, qui constituent à la fois leurs biens et leurs moyens de subsistance. Or, les camps sont restreints par des limites géographiques permettant de déterminer qui reçoit de l’aide et garantissant le respect des normes humanitaires.

Article publié sur le site d’IRIN, le 18 novembre 2013. Cliquez ici pour lire l’article sur le site de l’IRIN.

Les organisations d’aide humanitaire doivent cependant de plus en plus veiller non seulement à protéger la vie des réfugiés, mais également à leur permettre de se remettre des crises. Accueillir le bétail des éleveurs pastoraux est souvent la meilleure manière d’y parvenir.

L’exode de populations pastorales du nord du Mali au cours du conflit de 2012 a poussé les organisations d’aide humanitaire à étudier de nouvelles méthodes pour aider les éleveurs et leur bétail. IRIN a interrogé les équipes du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au Niger et en Mauritanie sur les solutions adoptées pour aider ces réfugiés nomades.

Régime alimentaire

Le camp de Mbera, en Mauritanie, accueille environ 68 000 réfugiés maliens sur 350 hectares. Bien que les familles ne soient pas du tout à l’étroit, elles se plaignent de ne pas avoir assez d’espace, car elles ne sont pas habituées à être aussi proches de leurs voisins. Certaines plantent leur tente de manière à ce que leur entrée ne soit pas face à leurs voisins, d’autres s’installent en bordure du camp, où elles se sentent un peu plus isolées.

Les habitants du camp font preuve de créativité pour s’adapter à la vie du camp. Le Programme alimentaire mondial (PAM) distribue ses rations habituelles — légumes secs, céréales et huile, plutôt que le lait et la viande auxquels les Maliens du Nord sont habitués. Mais les réfugiés ont lancé leurs propres laiteries et ont ouvert un abattoir avec l’aide de l’organisation non gouvernementale (ONG) Action Contre la Faim (ACF).

« Les abattoirs et les laiteries ne font pas partie de nos compétences », a dit d’un air pince-sans-rire Moise Ballo, directeur par intérim du PAM en Mauritanie. L’organisation étudie cependant la question de savoir si la distribution d’argent en espèces pourrait fonctionner dans le camp et si les habitants pourraient s’en servir pour acheter ce qu’ils souhaitent.

Le HCR reconnaît les complications que pourrait apporter la mise en service d’une chaîne d’approvisionnement en viande et en produits laitiers conforme aux normes d’hygiène. L’organisme dit être prêt à vacciner et vermifuger le bétail pour réduire les risques de maladies.

Environ 14 laiteries sont actuellement en fonctionnement et distribuent du lait aux familles qui n’en ont pas. « Le lait est indispensable pour nous. Si nous n’en avons pas, nous tombons malades », a dit Aitaa Ag Mahmoud, éleveur, en évoquant une maladie appelée « takagress » en tamachek, une langue locale. « Sans lait, nous attrapons la fièvre, nous n’avons pas d’énergie, nous avons la diarrhée et nous pouvons même vomir », a-t-il dit sous les hochements de tête des autres éleveurs qui l’entouraient.

Les familles qui ne possèdent pas de bétail vendent généralement une partie de leurs rations alimentaires — les légumes secs, le plus souvent — pour acheter de la viande, du lait, des condiments, du charbon ou du savon, qui sont vendus à prix fort.

Eau

Il n’y a pas beaucoup d’animaux dans le camp, mais la plupart des familles ont un proche ou, pour les plus aisés, un employé, qui fait paître leurs bêtes sur les circuits de pâturage proches du camp, en Mauritanie et au Mali. Les quelques têtes de bétail qui se trouvent dans le camp ont régulièrement besoin d’eau, mais les points d’eau sont insuffisants dans l’est de la Mauritanie et une grande partie de ceux qui existent doivent être remis en état. Les pâturages sont par ailleurs rares cette année, car les pluies ont été faibles dans cette région.

Oxfam a construit deux abreuvoirs pour le bétail à quelques centaines de mètres du camp, connectés au système d’approvisionnement en eau du camp. Lors de la visite d’IRIN, au moins 300 vaches, chèvres et moutons attendaient leur tour pour boire. L’eau coulait faiblement dans l’abreuvoir qui était conçu pour les moutons et les chèvres, ce qui provoquait la colère des éleveurs.

« Le propriétaire ne cesse de couper l’eau et nous devons donc attendre pendant des heures », a dit Mohamed Dirja Dadir Mohamed, éleveur. La plupart disaient qu’ils appréciaient cet approvisionnement en eau, mais qu’ils avaient besoin de bien plus d’abreuvoirs entre le camp et le Mali.

« Nous avons vraiment besoin d’aide. Nos bêtes ne sont pas en bonne santé ici. Elles ont besoin de plus d’eau. Nous avons besoin de vaccins […] C’est difficile pour nous de survivre dans ces conditions. »

La mise en place de seulement un ou deux points d’eau autour du camp pousse les animaux à rester au même endroit et favorise ainsi le surpâturage, a alerté l’ONG allemande SPANA, qui a conseillé au HCR de financer la création de points d’eau le long des circuits de pâturage traditionnels.

Hovig Etyemezian, directeur du HCR à Bassikounou, siège local des organisations travaillant à Mbera, s’est montré réceptif à ces conseils. Il a remarqué que le HCR était sorti de la phase d’urgence, durant laquelle il veillait en priorité à répondre aux besoins essentiels des réfugiés. Le HCR cherche maintenant à leur apporter une meilleure qualité de vie en essayant de trouver des solutions pour les aider à générer des revenus, pour améliorer les écoles et pour répondre aux besoins de leur bétail. M. Etyemezian collecte d’ailleurs des informations sur les lieux les plus adaptés pour construire ou restaurer des points d’eau pour le bétail.

« Nous devons répondre aux besoins des réfugiés et si ce sont des éleveurs de bétail, nous devons en tenir compte », a dit M. Etyemezian à IRIN.

L’ONG locale SOS Desert a tenté d’aider les éleveurs en distribuant du fourrage aux animaux producteurs de lait, en les vaccinant et les vermifugeant, en remettant en état une douzaine de puits autour du camp pour les éleveurs et en essayant de mettre sur pied des jardins maraîchers, entre autres activités, « juste pour que les gens ne perdent pas espoir », a dit Ahmed Ibrahim, directeur de l’organisation à Mbera. Selon lui, aider les populations d’accueil favorisera également la bonne entente avec les réfugiés. Mais seulement deux à cinq pour cent des animaux du camp ont bénéficié de ces activités, a-t-il estimé.

Sécurité

Pour adapter le camp aux besoins des éleveurs pastoraux, le HCR doit comprendre leur nécessité de se déplacer à la recherche de pâturages et les informer des conditions de sécurité.

L’organisme travaille en collaboration avec la Mission des Nations Unies pour la stabilisation au Mali et d’autres organisations pour identifier des zones de sécurité vertes, oranges et rouges au Mali.

Jusqu’à présent, environ 1 000 habitants du camp de Mbera sont officiellement rentrés au Mali de leur plein gré. La plupart des éleveurs interrogés par IRIN ont cependant dit que l’insécurité était encore trop grande. Ils craignaient d’être considérés comme des terroristes à cause de leur appartenance ethnique et avaient peur de se faire voler leur bétail.