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Documentation

France | La liste des pays d’origine sûrs: un outil inadapté

En France, le 16 décembre 2013, le Conseil d’administration de l’OFPRA a ajouté l’Albanie, la Géorgie et le Kosovo à la liste des pays d’origine sûrs (POS), portant leur nombre à 181. La France dispose ainsi, parmi les onze pays européens qui en affichent une, de la liste de pays sûrs la plus longue après le Royaume Uni.

Billet publié sur le site Forum réfugiés, le 16 décembre 2013. Cliquez ici pour lire le billet sur le site Forum réfugiés.

Alors que la France s’apprête à intégrer dans le droit national les dispositions de la nouvelle directive européenne Procédures, et après que les parlementaires Valérie Létard et Jean-Louis Touraine ont recommandé au ministre de l’Intérieur des pistes d’améliorations substantielles du système de l’asile, Forum réfugiés-Cosi s’interroge sur la poursuite du recours au placement sur la liste de pays sûrs aux seules fins de réduire le nombre de demandeurs d’asile originaires de pays qui présentent la double caractéristique d’un nombre important de demandes et d’un taux d’accord faible.

Pour Forum réfugiés-Cosi, ce placement devrait reposer sur le seul examen de la conformité de la situation politique d’un pays à la définition du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) et à la jurisprudence du Conseil d’Etat, et bientôt à la directive Procédures5, plus exigeante quant à la prise en compte de l’effectivité du respect des droits fondamentaux.

On rappellera qu’en l’absence de liste européenne commune des POS, de grandes disparités existent d’un pays européen à l’autre: le Nigéria est un pays sûr pour le Royaume-Uni, mais pas pour la France; le Ghana est sûr pour l’Allemagne, mais pas  pour l’Autriche; l’Arménie n’est sûre que pour la France; l’Ukraine est sûre pour le Luxembourg, mais pas pour la Belgique, qui juge l’Inde sûre, contrairement à la Norvège. 26 pays sont sûrs pour le Royaume-Uni ; un seul pour l’Irlande.

Dans ce contexte cacophonique, l’appréciation portée sur l’évolution de l’Albanie, du Kosovo et de la Géorgie, porte pour le moins à discussion. En mars 2012, suite à un recours introduit notamment par Forum réfugiés-Cosi, le Conseil d’État avait annulé la décision de placement sur la liste des POS de l’Albanie et du Kosovo. Aujourd’hui ces deux Etats sont souvent dans l’incapacité de protéger les cibles de la vendetta et de poursuivre leurs auteurs. Le Kosovo reste de surcroît sous le mandat de la force internationale d’interposition de la KFOR, à laquelle participent des unités françaises, tandis que la mission européenne EULEX reste déployée pour aider le pays à rendre effectives les dispositions prises en matière d’Etat de droit.

En Géorgie – qu’aucun autre Etat membre de l’Union européenne ne qualifie de pays d’origine sûr – l’insécurité demeure dans les régions séparatistes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud qui échappent au contrôle du pouvoir central, sans parler des violations des droits de l’Homme dénoncées par de nombreux rapports9.

Forum réfugiés-Cosi attire l’attention sur le fait que le placement en pays d’origine sûr génère la non-admission quasi systématique au séjour, le placement en procédure prioritaire de l’examen de la demande d’asile par l’OFPRA, l’exclusion du Dispositif national d’accueil et l’absence du caractère suspensif de l’exécution d’une mesure d’éloignement, d’un recours devant la Cour nationale du droit d’asile.

Dans les faits cependant et de manière générale, les personnes peuvent accéder aux dispositifs d’hébergement d’urgence des demandeurs d’asile pendant la phase OFPRA. Celles qui sont soumises à une obligation de quitter le territoire français suite à un rejet de l’OFPRA ne sont pas éloignées pendant la durée du recours. Enfin, la mise en place par l’OPFRA de procédures adaptées et de missions déconcentrées dans certaines préfectures répond de fait à l’objectif d’une réponse dans un bref délai. Le placement en POS a donc vu, à l’usage, ses effets largement réduits.

Pour toutes ces raisons, Forum réfugiés-Cosi souhaite que les recommandations du rapport des parlementaires sur les POS soient rapidement mises en œuvre, sans attendre le projet de loi sur l’asile annoncé pour le printemps prochain. Rien n’empêche en particulier le Conseil d’administration de l’OFPRA de recourir sans attendre à une interprétation du CESEDA qui se conforme à la définition de la directive Procédures. En procédant ainsi, et en fournissant suffisamment à l’avance à ses membres la documentation nécessaire, le conseil se donnera les moyens d’échapper au risque « d’un recours excessif à cet outil, sans considération suffisante de la situation réelle en matière de droits de l’Homme dans les pays d’origine.»

Dans l’attente, Forum réfugiés-Cosi attire l’attention sur la nécessité pour l’Office de veiller à ce que la procédure d’examen des demandes de protection fournisse aux requérants originaires des pays de la liste des POS toutes les garanties procédurales, avec une vigilance renforcée pour les personnes vulnérables.