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Notre regard

Récits chiliens | «Les Murs du silence»

Récit de trois femmes chiliennes, dont la jeunesse a été volée par le coup d’Etat militaire et la dictature, qui ont connu l’horreur de la répression, de la torture et le drame de l’exil. L’une d’elles fut réfugiée quatorze ans en Suisse, soutenue par les réseaux de solidarité des années 70-80 (p.16). Aujourd’hui ces femmes revivent au Chili, se découvrent, unissent leurs expériences, écrivent… afin de faire circuler la mémoire, la parole, la réflexion. Leur livre s’inscrit dans un long mouvement de résistance, individuel et collectif, au Chili et en Europe.

Eldeplacegratuitemira Carrillo Paz, Ester Hernandez Cid, Teresa Veloso Bermedo, nées en 1943, 1950 et 1951, ne se connaissaient pas avant le coup d’Etat du 11 septembre 1973. Aujourd’hui, elles vivent toutes trois dans la ville de Concepcion. Elles s’y sont rencontrées après leur exil, sont devenues amies en partageant vécus, expériences et convictions. Elles ont décidé de créer un «Collectif de femmes pour la mémoire». C’est dans ce cadre que le livre Les murs du silence fut écrit. Un acte de courage impliquant de se risquer dans un long et douloureux travail de mémoire et de deuil, un préalable au travail de reconstruction et de transmission.

Dès le départ se créent des liens entre ce Collectif et des luttes solidaires en Suisse. Teresa, au temps de son exil, avait trouvé refuge dans notre pays grâce au mouvement «Action places gratuites» (p. 16).

Elle a gardé de grandes amitiés, en particulier avec Marie-Claire Caloz-Tschopp. Cette dernière, directrice du Programme du Collège International de Philosophie Exil, création philosophique et politique, a fortement encouragé ces femmes à témoigner par l’écriture, et elle a pris la responsabilité de la publication de leur livre à la fois en espagnol et en français. Le but commun est de construire par delà les frontières une connaissance, une solidarité, une citoyenneté politique.

L’ouvrage s’articule autour de trois périodes dans l’histoire de vie de ces femmes: enfance / adolescence / entrée dans l’âge adulte. Chacune, dans son style propre, y raconte son parcours: tout d’abord ses origines, ses liens avec ses proches, ses premières découvertes des inégalités sociales, de la violence (en particulier violence de genre). Durant l’adolescence, l’affi

De cette sinistre période, elles racontent leurs luttes, comment elles sont arrivées à ne pas se briser dans la douleur, leurs liens d’amitiés, leur apprentissage de la résistance. Des récits poignants, bouleversants, partant toujours du vécu le plus intime, le plus concret, avec la préoccupation constante d’analyser et de comprendre ce qui fut à l’origine de leur prise de conscience, ce qui permit leur engagement et leur capacité de résistance.

Un travail de «mémoire collective»

« Choisir d’écrire un livre à plusieurs, c’était d’emblée se situer dans une réflexion partagée, avec la volonté de contribuer à la construction d’une mémoire historique au Chili. Dans leur introduction, les auteures dénoncent les «mesures de réparation confuses et insu

Violence de genre

Au cœur du livre, les rapports sociaux de sexe. En parlant de leur enfance et adolescence, les trois auteures ont eu le courage de témoigner d’événements familiaux et autres très douloureux, à travers lesquels elles prenaient peu à peu conscience de la violence de genre, du tabou autour de cette violence, de leur révolte et de leur désir de faire changer leur société. Les années de prison les ont condamnées à subir dans leur corps et leur vie psychique toutes les formes que peut prendre la répression à l’encontre de l’être féminin afin de l’anéantir dans sa capacité de résistance et d’émancipation. Le chapitre «Dictature – violence de genre», volet essentiel du livre, retrace ces épisodes tragiques, mais aussi la manière dont ces femmes ont pu réagir et la profondeur de leurs réflexions.

Les murs du silence traduit leur volonté de lever la «chape de plomb», d’interpeller les consciences, d’exiger une visibilité de l’oppression spécifique exercée sur les femmes, à l’instar d’autres mouvements de lutte en Amérique du sud et ailleurs dans le monde, tels «Les mères de la Place de Mai» en Argentine, le réseau international des «Femmes en Noir» à Genève, né durant la guerre en ex-Yougoslavie, le mouvement des «Femmes de la Palud» à Lausanne, l’association intercantonale des «Femmes seules de Bosnie avec enfants».

Danielle Othenin-Girard

L’ouvrage, Les murs du silence, est paru en version française, en 2013, chez l’Harmattan. Un deuxième livre est en préparation sur L’exil, le retour au Chili, la solidarité et l’action de citoyenneté dans le Chili et le monde d’aujourd’hui.

Egalement aux Editions l’Harmattan est récemment paru l’ouvrage Penser les métamorphoses de la politique, de la violence, de la guerre, avec C.Guillaumin, N.-Cl. Mathieu, P. Tabet, féministes matérialistes, sous la direction de M.Cl. Caloz-Tschopp et Teresa Veloso Bermedo.

Activités 2014, Programme Exil-DESEXIL

Le Collège International de Philosophie organise 3 événements entre Istanbul, Genève, Lausanne pour enrichir la résistance au quotidien, la solidarité:

(1) Istanbul: colloque international, Istanbul (7-10 mai, 30 chercheurs);

(2) Istanbul: débat post-colloque avec la Société civile en présence du philosophe Etienne Balibar;

(3) Genève (15 mai, 18h30 Maison des associations) et Lausanne (17 mai 13h-17h, Fraternité), rencontre post-colloque en présence de Pinar Selek, sociologue, féministe, exilée:

« Que nous apprend la Turquie? Quels liens entre des récentes votations en Suisse et la situation en Turquie (violence sécuritaire, militarisation, patriarcat, nouveaux mouvements sociaux, etc.)? Quelle solidarité? »

Deux livres pour alimenter la réflexion :

  • Pinar Selek, Service militaire en Turquie… Devenir homme en rampant, 2014.
  • Marie-Claire Caloz-Tschopp (dir.), Violence politique, exil/ des-exil dans le monde d’aujourd’hui, 2014. Le livre existe en français et en turc.

Entrée libre et gratuite aux 3 événements. Programme détaillé: www.exil-ciph.com