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IRIN | Comment aider les déplacés irakiens?

Les organisations humanitaires tentent désespérément d’aider les déplacés irakiens

À court d’argent, les organisations humanitaires tentent désespérément de répondre à la crise humanitaire grandissante après la prise de contrôle de Mossoul, la deuxième ville d’Irak, par des extrémistes islamistes. En quelques jours, l’avancée des djihadistes a forcé environ un demi-million de personnes à fuir vers la région semi-autonome du Kurdistan.

Article publié sur le site de l’IRIN, le 15 juin 2014. Cliquez ici pour lire l’article sur le site de l’IRIN.

Cette offensive de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL) – un mouvement djihadiste également connu sous le nom d’État islamique en Irak et en Syrie en raison de son activisme du côté syrien de la frontière – survient après six mois de violences sanglantes en Irak. Des attentats à la voiture piégée, des opérations-suicide et des fusillades ont fait plus de 5 000 morts et font craindre une nouvelle guerre civile.

Les affrontements entre l’EIIL, les forces de sécurité du gouvernement et d’autres groupes armés dans la province agitée d’Anbar ont fait plus de 440 000 déplacés.

Les acteurs humanitaires, qui apportent déjà de l’aide à quelque 220 000 réfugiés syriens au Kurdistan, ont averti depuis des mois que les violences risquaient de s’étendre au-delà d’Anbar et que leurs fonds épuisaient dangereusement.

La Mission d’assistance des Nations Unies pour l’Irak (UNAMI) a dit avoir reçu des estimations variées du nombre de personnes déplacées de Mossoul et d’autres régions touchées par les violences au cours de la semaine dernière. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) chiffre cependant à 500 000 le nombre de déplacés en l’espace de quelques jours.

Des fonds insuffisants

« La plupart des agences des Nations Unies ne disposent pas de suffisamment de fonds pour continuer à fournir une aide humanitaire pourtant vitale », a dit l’UNAMI dans un rapport.

« Nos ressources financières sont déjà très minces à cause de la situation à Anbar et de notre soutien aux réfugiés syriens », a dit à IRIN Michael Bates, directeur du Conseil danois pour les réfugiés en Irak.

« Nous incitons depuis un certain temps les bailleurs de fonds à s’investir, car l’aide que nous avons pu apporter à Anbar était minime comparée aux besoins, mais c’est maintenant peut-être près d’un million de personnes déplacées que nous allons devoir aider. Je me demande comment cela va finir », a-t-il ajouté.

Aram Shakaram, directeur adjoint de Save the Children en Irak, a déclaré que l’exode de masse de Mossoul était « l’un des mouvements de populations les plus grands et les plus rapides de l’histoire mondiale récente ». Il a également appelé la communauté internationale à donner davantage de fonds.

Le représentant du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) en Irak, Marzio Babille, a remarqué que l’appel de son agence pour l’Irak n’a jusqu’à présent été financé qu’à hauteur de 16 pour cent. Selon lui, la crise à Mossoul « augmente fortement le besoin d’aide humanitaire et de financement ». Il a décrit la situation comme « une urgence qui s’ajoute à une urgence en Irak, après d’autres déplacements internes d’enfants et de familles à Anbar et l’afflux de réfugiés syriens dans le nord ».

La plupart des habitants de Mossoul, à 400 km au nord de Bagdad, sont des sunnites, alors que la ville se situe dans la province de Nineveh, territoire disputé, contrôlé en partie par les peshmergas kurdes.

Le Kurdistan s’inquiète

L’avancée de la milice de l’EIIL du côté irakien de Mossoul constitue une source de préoccupation majeure pour le Gouvernement régional du Kurdistan, qui a réussi jusqu’à présent à éviter l’effusion de sang et de violence dont le reste de l’Irak est en proie depuis l’invasion américaine de 2003 en appliquant des mesures strictes de surveillance et de sécurité.

Le Gouvernement régional du Kurdistan semble peu disposé à autoriser l’entrée de nombreux Irakiens arabes de Mossoul sur son territoire. Le terrain est en train d’être préparé pour l’installation d’un camp qui devrait accueillir 2 000 familles dans le district de Shekhan, à 5 km au sud de Baadre à Dohuk, mais des voix s’élèvent pour que le plus de personnes possible soient hébergées dans la partie du Nineveh contrôlée par les Kurdes.

Les agences des Nations Unies ont mis en place des centres de transit temporaire dotés de latrines près de la frontière pour apporter de l’aide médicale et de l’eau potable aux dizaines de milliers de personnes qui attendent aux postes frontaliers. Nombre de ces personnes sont en effet arrivées à pied, sans nourriture ni bagages. L’UNICEF a constitué des équipes pour mener des examens de santé et administrer des vaccins, notamment contre la polio.

D’après le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 2 500 familles ont été déplacées et campent dans des écoles et des mosquées à Mossoul, où les djihadistes de l’EIIL ont pris le contrôle de l’aéroport, d’édifices gouvernementaux et de bases militaires. Les extrémistes ont aussi dévalisé des banques et libéré des milliers de prisonniers.

Selon Mandie Alexander, chargée du suivi et de l’évaluation à l’OIM, l’ouest de Mossoul est à court d’eau potable depuis que la principale station d’approvisionnement a été bombardée et la population commence à manquer de nourriture et de carburant.

Les équipes d’évaluation rapide et d’intervention rapide de l’OIM ont été alertées du fait que de nombreuses personnes avaient été blessées et que l’accès aux quatre principaux hôpitaux de la ville était impossible en raison des combats. Des mosquées ont dû être transformées en dispensaires temporaires.

L’insécurité limite fortement l’accès à Mossoul et, selon les organisations humanitaires, il est très difficile d’avoir une image claire de la situation et de connaître le nombre exact de personnes déplacées.

L’avancée de l’EIIL à Mossoul et au-delà a attisé les craintes que Bagdad, la capitale, soit maintenant prise pour cible pas les djihadistes. Le premier ministre irakien, Nouri Al-Malaiki, a appelé le Parlement à déclarer l’état d’urgence.

Des groupes de défense des droits de l’homme ont condamné l’avancée de la milice à Mossoul. « Les groupes armés de l’EIIL et les forces de sécurité irakiennes doivent éviter de reproduire les violences commises contre les civils à Falloujah, et ils ne devraient pas bloquer le passage des civils qui cherchent à fuir la région », a dit Saïd Boumedouha, directeur de programme adjoint d’Amnesty International pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord.

Cette vague de violence et de déplacements a de nouveau catapulté l’Irak au centre de l’attention des médias et des hommes politiques internationaux, alors que la guerre civile en Syrie accaparait tous les regards depuis des mois.

Le 10 juin, le département d’État américain a déclaré : « Il est clair que l’EIIL menace non seulement la stabilité de l’Irak, mais aussi de toute la région. Cette menace croissante illustre la nécessité pour les Irakiens de toutes les communautés de travailler ensemble pour lutter contre cet ennemi commun et isoler ces groupes terroristes de l’ensemble de la population ».

Le secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, a exhorté la communauté internationale à faire front commun avec l’Irak face à ce « péril majeur pour la sécurité ». Le Conseil de sécurité des Nations Unies s’est réuni jeudi 12 juin pour discuter de la situation.