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Notre regard

Cause toujours | Genève, capitale des Droits de l’Homme, des prisons et des expulsions

Aujourd’hui, très fières d’elles, les autorités cantonales de la Capitale Mondiale des Droits de l’Homme organisent une cérémonie de pose de la première pierre de l’extension de la prison de la Brenaz, où sont prévues, dès 2017, 168 cellules destinées à la détention administrative, dont des « cellules familiales » où pourraient être emprisonnés également des enfants. La Genève des Droits de l’Homme se veut aussi être la capitale suisse de l’enfermement (sa prison détenant déjà le record national de l’entassement des détenus) et ajouter à ce titre de gloire celui d’être le « hub » des expulsions pour la Suisse romande. Pour dire le refus de ce destin calamiteux, STOP EXCLUSION organise aujourd’hui, à 18 heures, devant la statue d’Henri Dunand, place Neuve, un rassemblement. En même temps que nos glorieuses autorités organisent avec le CICR un pince-fesse pour célébrer les 150 ans de la signature de la première Convention de Genève, fondatrice du droit international humanitaire. Deux Genève ne se rencontreront pas cet après-midi : celle qui emprisonne pour expulser, et la nôtre…

Billet de blog publié par Cause toujours, sur le blog de la Tribune de Genève, le 26 aout 2014. Cliquez ici pour lire le billet sur les Blogs de la Tribune de Genève.

« Genève peut être fière »… Mais de quoi, et de qui ?

Le même jour les autorités cantonales passeront d’une cérémonie pour la première pierre du hub d’expulsion avec cellules familiales à la célébration d’un des textes fondateurs du droit humanitaire », écrit « Stop Exclusion ». Le même jour, les mêmes autorités. Mais au nom de quelle Genève ? Genève, siège du Haut Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés va ainsi devenir le « hub » romand de l’expulsion des étrangers -expulsions dont les conditions peuvent être d’une insupportable brutalité- et de leur stockage en détention administrative, précisément pour pouvoir ensuite les expulser, en exigeant d’eux qu’ils « collaborent » avec le police et les autorités… contre leurs propres intérêts, et leurs propres droits. Parle-t-on ici de dangereux criminels? On parle essentiellement d’hommes, de femmes, d’enfants qui n’ont souvent commis aucun délit, seulement une contravention à la loi sur le séjour des étrangers. Et pour ceux qui auraient commis un délit, leur emprisonnement (jusqu’à un et demi pour les adultes, un an pour les enfants) s’ajoute à la condamnation qu’ils sont déja subie -cette logique de la « double peine », qui n’est appliquée qu’à des étrangers, est une violation du principe d’égalité devant la loi, mais en est-on à une violation près d’un principe légal, dans ce pays, à l’égard des étrangers ?

Aujourd’hui à Genève, deux voix se feront entendre : celle qui se félicite de transformer Genève en catapulte d’immigrants, et qui sans y voir la moindre contradiction honorera ensuite la signature de la première Convention de Genève, fondatrice du droit international humanitaire, et celle qui dénonce cette duplicité et ne renonce pas à ce que cette République reste une Cité du Refuge. STOP EXCLUSION (et nous, ici…) vous invitons à faire entendre Place neuve, ce mardi 26 août à 18h devant la statue d’Henry Dunant, cette seconde voix, et à exiger la fin des détentions administratives avant expulsion et la fin des expulsions forcées et des « vols spéciaux ».

« Genève peut être fière, car c’est sur son sol, sous l’impulsion de ses citoyens, qu’à la fois le CICR ainsi que ce premier traité fondateur du droit international humanitaire ont vu le jour », écrit le président du Conseil d’État François Longchamp sur le site Internet du canton. De cela, en effet, on peut être fiers (sans pour autant cesser d’être critiques, sans quoi la fierté ne serait que de la vanité). De ce que le gouvernement dont le président ainsi se rengorge, et de la majorité parlementaire qui les soutient, font de ce souvenir de la naissance du droit international humanitaire et du droit d’asile, il n’y a guère de raison, en revanche, de tirer une quelconque fierté.

Et si nous refusons également d’en tirer la moindre honte, c’est que cette Genève là, celle de l’amnésie et de l’hypocrisie, n’est pas la nôtre. Et que nous entendons bien le dire.