Asilo in Europa | Analyse-critique de la politique européenne des renvois
Communication de la Commission européenne
La directive 2008/115/CE, c’est-à-dire la « Directive retours », très critiquée et refusée par différents secteurs de la société civile et académique lors de son adoption, vient de fêter ses 5 ans. La Commission européenne nous fournit la possibilité d’analyser l’impact que cette directive a eu à l’intérieur des Etats membres. Elle vient en effet de publier une communication concernant la politique de l’Union européenne en matière de renvois, dans laquelle la directive de 2008 est la « pièce maîtresse ».
L’association Asilo in Europa a analysé cette communication de la Commission sur la politique de l’UE en matière de renvois. Nous vous proposons ci-dessous une traduction française du texte publié sur le site internet d’Asilo in Europa. Cliquez ici pour lire l’analyse en italien.
Cliquez ici pour télécharger la Communication de la Commission européenne.
Après une brève introduction (partie I), la communication de la Commission se divise en 3 chapitres (parties II, III et IV) et une conclusion (partie V). La communication donne en ouverture quelques données intéressantes: La communication analyse ensuite le cadre juridique en matière de renvois: outre la Directive retours, la commission cite: Entre 2008 et 2013, 674 mio. d’euro ont été assignés par l’UE aux Etats membres à travers le Fonds pour le retour (qui, à partir de 2014, fait partie du Fonds «Asile, migration et intégration»). La Commission a en outre, à l’intérieur de la politique de coopération au développement, financé, à partir de 2005 et sur le territoire de pays tiers, plus de 40 projets de capacity building en matière d’assistance à l’intégration des personnes renvoyées. Dans cette partie, la Commission analyse, sans trop entrer dans les détails, les actions prioritaires de la politique européenne en matière de renvois. Après avoir rappelé que la politique des renvois toute seule ne peut pas garantir une gestion efficace de l’immigration irrégulière, elle insiste sur l’importance d’inclure une Approche globale en matière de migration et mobilité (GAMM). La communication liste les priorités des prochaines années: A l’exclusion du Royaume-Uni et de l’Irlande, la directive s’applique à toute l’Union européenne et aux pays associés à Schengen (Norvège, Islande, Suisse et Liechtenstein). Parmi tous les pays liés à la directive, seulement l’Islande n’a pas encore notifié la transposition dans sa propre législation (le délai était prévu pour le 24 décembre 2014). La Commission entre par la suite dans le détail de l’application de la directive en examinant différents points, présentés ci-dessous: La détention d’étrangers à des fins d’expulsion: La Commission rappelle que la Directive retours prévoit que la détention administrative doit être la plus brève possible et ne doit être utilisée que si une procédure de renvoi est en cours. De plus, la détention est possible uniquement si il y a un risque de fuite ou si la personne intéressée évite ou entrave la préparation au renvoi. La détention doit être réévaluée à intervalles réguliers, elle doit cesser quand il n’existe plus de perspectives raisonnable pour le renvoi (cas Kadzoev, C-357/09) et doit durer au maximum 6 mois, prolongeables à 18 mois en cas exceptionnels. Le fait qu’un étranger détenu en vue d’une expulsion présente au même temps une demande de protection internationale ne comporte pas automatiquement l’obligation de le relâcher, bien que la Directive retours ne s’applique pas aux requérants d’asile (cas Arslan, C-534/11). La Directive prévoit que les étrangers ne peuvent être, par principe, retenus dans des prisons ordinaires et que les autorités ne peuvent recourir à la rétention de mineurs et des familles avec mineurs que si il n’y a pas pas d’autres solutions. Concernant les conditions de rétention, même si la directive n’entre pas dans les détails, dans le préambule on peut lire que les personnes détenues doivent être traitées de manière humaine et digne. Les conditions de la détention ne peuvent pas violer l’art. 4 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, qui interdit des traitements inhumains et dégradants. La Directive prévoit une série d’autres droits et garanties pour les personnes détenues, comme le droit de contacter des représentants légaux, la famille et les autorités consulaires et la possibilité pour les organisations internationales et non gouvernementales d’accéder aux centres après avoir demandé et reçu une autorisation. Quelques points intéressants qui émergent de l’évaluation de la Commission: Retours volontaires et surveillance des renvois forcés Concernant les retours volontaires, la Commission souligne que, suite à l’entrée en vigueur de la Directive retours, tous les Etats prévoient maintenant une période (de 7 à 30 jours) dans laquelle on laisse la possibilité au migrant de rentrer volontairement. Presque tous les Etats prévoient cette concession de façon automatique, dans certains il faut la demander. Un nombre considérable d’Etats membres ont instauré des mécanismes de surveillance des renvois forcés, en les confiant à des associations non gouvernementales, parfois à des entités para-gouvernementales. La Commission n’examine pas l’impact de ces surveillances, en se limitant à affirmer qu’elles joueront un rôle important dans le contrôle des opérations de renvoi. Garanties Concernant les droits de caractère « procédurales », on remarque une adaptation des législations internes à la Directive, mais des différences dans la pratique. Par rapport à l’obligation de fournir un remède effectif contre les décisions de renvoi, la Commission conclut que, alors que tous les Etats prévoient une possibilité de recours, dans la pratique certains facteurs peuvent compromettre sérieusement l’accès à un tel recours (par exemple le manque d’informations ou la difficulté à obtenir une aide légale). La majorité des Etats ne prévoit pas qu’un recours contre la détention puisse suspendre de manière automatique le renvoi. Criminalisation de l’immigration irrégulière La Commission met en avant le fait que la réglementation de l’UE n’empêche pas les Etats de considérer que l’accès ou le séjour irrégulier dans un Etat constitue un crime. Toutefois, différents jugements de la Cour de justice de l’Union européenne ont conclu au fait que la détention de migrants comme sanction pénale n’est pas compatible avec la Directive retours car elle retarderait l’exécution de l’ordre d’expulsion. Concernant les dispositions relatives à l’interdiction d’une deuxième entrée sur le territoire, la Commission relève qu’il y a une convergence de tous les pays européens qui posent la limite maximale à 5 ans, avec 6 pays qui ont augmenté le nombre d’interdictions et 8 qui ont réduit la limite maximale de l’interdiction. La Commission se montre très positive. La constitution d’une politique européenne en matière de retours et, en particulier, l’adoption de la Directive retours a positivement influencé la législation et les pratiques des Etats membres, notamment pour ce qui concerne les retours volontaires. On a assisté à une harmonisation (et, la Commission ajoute, une réduction générale) des temps maximaux de détention et il y a eu un plus grand recours à des formes alternatives à la détention (même si la Commission ajoute que les alternatives sont très peu utilisées). D’un point de vue de l’efficacité, oui, mieux, de l’inefficacité, des retours, la Commission blâme les obstacles de nature pratique, comme la difficulté dans l’obtention de documents de la part de pays tiers. Comme dans d’autres occasions, la Commission ne mentionne pas des aspects critiques ou délicats, comme par exemple les conditions de détention, les modalités d’exécution des renvois forcés de la part de chaque Etat, ou la problématique de la détention des mineurs, en promettant uniquement de surveiller de près toutes les questions qui pourraient être problématiques, en vue de possibles procédures d’infraction contre des Etats défaillants.Partie II: La politique de renvoi de l’UE
Les fonds
Autres données fournies par la Commission:
Partie III – Développements futurs
Partie IV – L’impact de la Directive retours
Conclusion (partie V)