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Voix d’Exils | Je suis clandestin, mais je suis toujours là

Comment devient-on clandestin après être requérant d’asile? Tout d’abord, une personne peut faire une demande d’asile en Suisse et reçoit une première réponse négative de la part de l’Office fédéral des migrations (l’ODM). Elle fait alors recours, mais sa demande est rejetée une seconde fois suivie d’une réponse négative du Tribunal administratif fédéral (TAF). Le séjour devient alors illégal et l’on passe dans la clandestinité. Mais pourquoi ne quitte-t-on pas la Suisse lorsque qu’on est clandestin? C’est une bonne question!

Article de Roma, publié sur le site Voix d’Exils, le 27 octobre 2014. Cliquez ici pour lire l’article sur le site de Voix d’Exils.

La plupart des personnes migrent généralement en Suisse pour avoir une vie meilleure. La grande majorité des familles, et même une personne seule qui a laissé sa famille derrière elle, sacrifient presque tout pour venir dans ce pays. Ils vendent tout: leur maison, leur voiture, etc. et ils n’ont plus rien.

Je vais commencer par le début de l’histoire. Une fois que l’on a réussi à se rendre en Suisse, qu’est-ce qui nous attire dans ce pays? Qu’est-ce qui nous fait tomber amoureux de ce pays? Pourquoi les Suisses sont si intéressants pour nous? À mes yeux, les raisons principales sont qu’on traite ici tout le monde de la même manière, qu’il y a du respect mutuel, qu’il n’y a pas de corruption et que le niveau de vie est bon. Pourquoi ne voudrions-nous pas rester définitivement alors? Ça, c’est la grande question! Pour cela, il faut faire différentes choses. Mais débuter par quoi? Tout d’abord, il faut apprendre une langue nationale. Cela commence bien. On va à l’école. Ma femme, mon fils, ma fille et moi-même, on est dans la même classe! La vie est complètement gratuite, on a pas besoin de travailler sept jours sur sept, 15 heures par jour pour avoir un petit bout de pain.

Après avoir acquis les connaissances suffisantes d’une langue nationale, j’ai commencé à me sentir petit à petit intégré. Vous pouvez me féliciter parce que j’ai alors trouvé un travail! J’ai travaillé pendant trois ans, tout le monde était content de moi. Alors tant mieux! Franchement, je veux vous dire une chose: c’est très dur pour moi de travailler en Suisse car c’est très exigeant, mais j’ai réussi.

Puis, après quatre années de vie en Suisse, j’ai reçu une mauvaise nouvelle. Vous savez ce qui s’est passé? J’ai dû quitter mon travail sur le champ. Pourquoi? Alors c’est la politique Suisse. Avant de me faire arrêter mon travail, personne n’a demandé l’avis de mon patron. C’est vrai que c’était très dur de trouver un travail avec un permis N. Je ne suis pas sûr que mon patron engagera à nouveau des personnes avec ce permis après cette histoire.

Alors, grâce à cette politique Suisse, je suis là, ça fait 8 ans et sans emploi. Vous pensez que j’accuse les politiciens suisses? Mais non! Ça fait quatre ans que je ne travaille pas et je touche la même somme que lorsque je travaillais. Mais je suis confronté à un problème: depuis que l’ODM  m’a fait arrêter de travailler, je pense beaucoup, j’ai mal à la tête, j’ai presque mal partout. Alors, pour cette raison, je dois me rendre deux à trois fois par semaine chez le médecin. Franchement, je ne sais pas combien ça coûte les médicaments chaque mois, mais je n’ai pas le choix. Quand je travaillais, j’étais vraiment en bonne santé, qu’est-ce qui m’arrive depuis? Je ne sais pas.

Aujourd’hui, ça fait huit ans que je suis en Suisse, j’ai tout ce qu’il me faut, mais je suis clandestin. Pourquoi? Parce que je n’ai pas de permis. Vous savez, la Suisse veut que je quitte le pays, mais je ne veux pas, surtout après avoir vécu huit ans ici. En toute honnêteté, je n’ai jamais croisé une personne qui voulait volontairement quitter la Suisse, sauf ceux qui franchissent les frontières pour commettre des braquages.

Je pense qu’on peut facilement faire le calcul: garder des personnes des années sans emploi ou leur donner l’autorisation de travailler. Quelle est la bonne politique? Je ne peux pas vous le dire. Mais, pour ma part, j’ai perdu l’habitude de travailler et, aujourd’hui, je ne sais pas si je pourrai réintégrer le marché de l’emploi.

⃰ Roma est un pseudo