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IRIN | Boko Haram alimente l’afflux de déplacés dans la région nigérienne de Diffa

Cette année, les milices islamistes nigérianes de Boko Haram ont poussé près de 90’000 personnes à fuir vers la région pauvre de Diffa, au Niger voisin, suscitant des problèmes d’insécurité alimentaire et de protection.

Article publié sur le site de l’IRIN, le 15 décembre 2014. Cliquez ici pour lire l’article sur le site de l’IRIN.

La saison des récoltes des mois de septembre/octobre a été bonne dans tout le Niger à l’exception de Diffa, où l’insécurité alimentaire est source de préoccupation, notamment chez les personnes déplacées et les familles pauvres. «Sur le long terme, le vrai problème est l’insécurité alimentaire», a dit Karl Steinacker, représentant du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) au Niger.

«[Diffa] est une région souffrant d’insuffisance alimentaire, même en temps normal. Cet afflux de population va exacerber le problème», a-t-il dit à IRIN.

Le 10 décembre, le gouvernement nigérien a lancé un appel à la «solidarité nationale et internationale» pour endiguer ce qu’il a qualifié de «véritable crise humanitaire».

[caption id="attachment_19700" align="alignright" width="300"]Réfugiés nigérians dans le camp de Gagamari, Diffa (Niger) Réfugiés nigérians dans le camp de Gagamari, Diffa (Niger). Photo: European Commission DG ECHO[/caption]

L’afflux de personnes s’est intensifié au fil des mois à mesure que progressait la sanglante expédition de Boko Haram. Le Niger a accueilli 7000 nouveaux arrivants par mois en moyenne depuis janvier, mais entre 10’000 et 30’000 personnes ont fui chaque mois entre août et aujourd’hui. Environ 15’000 personnes ont rejoint le Niger suite à l’attaque de Damask, au nord-est du Nigéria, le 24 novembre.

Au lendemain de l’attaque, la population de personnes déplacées de Gagamari – un site de réfugiés improvisé de la région de Diffa – est passée de 3000 à 17’000 individus en moins d’une semaine, selon les chiffres avancés par le gouvernement dans son appel.

Environ 53 pour cent des 590’000 habitants de Diffa sont en situation d’insécurité alimentaire; un cinquième des enfants sont atteints de malnutrition; 35 écoles ont été fermées, et d’autres sont occupées par les nouveaux arrivants; et les pâturages reculent.

L’arrivée massive de personnes et les conditions locales difficiles ont «mis les réfugiés, les retournés et la population locale dans une situation extrêmement vulnérable qui réunit toutes les conditions d’une vraie crise humanitaire», indiquait l’appel du gouvernement.

Gérer l’afflux croissant

Au départ, les déplacés avaient tendance à intégrer les communautés de Diffa, mais avec l’intensification des arrivées, les communautés d’accueil ont été dépassées. Le gouvernement nigérien a désormais fait appel au HCR pour mettre sur pied des camps à pas moins de 50 km de la frontière.

«À l’heure actuelle, on a essentiellement affaire à des réfugiés, alors qu’au départ c’était surtout des retournés. Nous en sommes arrivés à un point où des camps de réfugiés sont nécessaires. Cela démontre qu’en raison de l’accroissement de la population il n’y a plus d’autre option», a dit Matias Meier, directeur du Comité international de secours (International Rescue Committee, IRC) au Niger, à IRIN.

Si les récoltes ont été bonnes dans tout le Niger à l’exception de la région de Diffa, elles n’ont pas été abondantes pour autant. Le reste du pays continue d’afficher un niveau d’insécurité alimentaire «phase 1» selon la classification IPC, correspondant à un accès adéquat à une nourriture de qualité variée.

À Diffa, la pénurie alimentaire (classification IPC phase II – stress alimentaire) pourrait engendrer des tensions entre les communautés locales et les réfugiés, a dit le représentant de l’IRC. «Ça n’a pas été une bonne année pour la population d’accueil et l’accroissement de population l’a rendue encore plus difficile.»

«L’une des principales craintes a été que la situation se solde par des problèmes de cohésion. C’est pourquoi les camps et un soutien continu sont essentiels, sans quoi des problèmes de cohésion sociale sont à craindre», a-t-il dit.

M. Meier a expliqué qu’en raison de l’afflux de personnes, certaines familles partaient s’installer sur les îles du lac Tchad, que ce soit directement depuis le Nigéria ou depuis leur zone d’accueil initiale à Diffa. Mais l’insécurité limite la fourniture d’aide aux personnes installées sur ces îles, où 20’000 personnes déplacées auraient posé leurs valises, selon les estimations.

«L’insécurité est forte, et l’enlèvement d’expatriés est la préoccupation numéro un, surtout pour les expatriés non africains. Il est très difficile de rester [à Diffa] plus de trois nuits, alors on essaie de se limiter», a-t-il dit, en expliquant que l’IRC collabore avec des partenaires locaux pour la fourniture d’aide.

Fin novembre, l’armée nigérienne a lancé des opérations militaires à Diffa, où un couvre-feu a été instauré depuis l’attaque de Damask, située à 35 km à peine de la frontière entre le Niger et le Nigéria.

Problème d’identification

L’essentiel des personnes déplacées arrivant au Niger n’ont pas de papiers d’identité, si bien qu’il est difficile de déterminer s’il s’agit de réfugiés ou de ressortissants de retour au pays. D’après le HCR, jusqu’à 82 pour cent des personnes déplacées n’ont pas de papiers d’identité.

L’absence de papiers ne complique pas seulement les modalités des opérations de secours. À plus long terme, les personnes dépourvues de papiers risquent d’être harcelées ou détenues, surtout compte tenu des manœuvres militaires en cours à Diffa.

«Une population dans l’incapacité de fournir des papiers alors qu’elle demande l’asile risque, plus tard, de ne plus pouvoir retourner dans son pays d’origine pour les mêmes raisons. Cette population court le risque de devenir apatride», indique un document d’orientation du HCR.

Le 4 décembre, le gouvernement nigérien à décidé d’accorder temporairement le statut de réfugiés à tous les Nigérians fuyant la violence des trois États les plus gravement touchés: Adamawa, Borno et Yobe.

Dans le même temps, M. Meier de l’IRC a fait état d’une hausse du nombre d’arrivants mineurs non accompagnés, particulièrement jeunes, ces dernières semaines. On ignore la raison exacte de ce phénomène, mais peut-être leur est-il plus facile de fuir que les personnes âgées, ou peut-être ont-ils simplement perdu leurs parents dans les affrontements.