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Fini de rire | Faites passer

Ils et elles sont Afghans, Ethiopiens, plus récemment Soudanais ou Syriens. Autour de Calais, bloqués-en route vers l’Angleterre. À Chypre, en Grèce, en Italie, entravés dans leur migration par les États de l’Union Européenne. Ils vivent, ils s’organisent, ils protestent, et avec eux nombre de citoyens européens.

Nous reprenons l’essentiel de la quinzaine des passeurs d’hospitalités, du 17 novembre au 27 décembre 2014, avec des multitudes de retours sur les blocages, les drames, mais aussi les actions collectives témoignant d’une extraordinaire vitalité de ces hommes et femmes en marche, en complet décalage avec la vision sclérosante des États. Pourtant, « quelques jours après la visite du ministre de l’Intérieur venu montrer que c’est sûr il assure, les nouvelles grilles du port, au premier grand vent, sont tombées par terre. »

Billet publié sur le blog Fini de rire, le 29 décembre 2014. Cliquez ici pour lire le billet sur le blog Fini de rire, hébergé sur le site de Médiapart.

Une fin d’année marquée par une multitude d’initiatives visibles et invisibles, qui prouvent la vitalité des engagements des exilés et avec les exilés. Mais qui témoignent aussi de la multitude de situations d’impasse, à l’exemple des exilés syriens, à Chypre, en Grèce, à Calais, ou pris à nouveau au piège de Dublin III lorsque l’Italie prend à nouveau les empreintes digitales. Et des politiques qui semblent incapables de faire autre chose que se durcir, avec la multiplication des décisions d’expulsion vers le Soudan ou l’Érythrée, même si elles sont rarement exécutées, ou le dialogue avec les dictateurs de ces deux pays sur les moyens d’éviter le départ de leurs ressortissants.

La voix des Syriens passe la Manche. A la suite du week-end dernier et de la venue des gens de SOAS, une vidéo de soutien se propage au Royaume-Uni.

Faites de la fraternité – premier bilan. Il y a un an, le festival À l’Uni Son avait été interdit par la maire de Calais, en cohérence avec la politique de ségrégation que celle-ci applique à la ville. Cette année, le festival Faites de la fraternité a bien eu lieu, s’appuyant sur les solidarités diffuses qui existent dans le tissu calaisien. De la solidarité avec les réfugiés du Kurdistan irakien au football, de la musique à la protestation contre l’enfermement des étrangers, en passant par des films, des expositions, des temps de rencontre.

Les Syriens font les trois huit. La situation devient éprouvante pour les Syriens à Calais. Refus de dialogue des autorités britanniques, absence de réaction des autorités françaises, situation invivable à Calais, et une famille à aider au pays, ce qui veut dire trouver une solution rapidement en Europe.

Syriens, entre port et tunnel. Le mercredi et le jeudi, il y a plus de camions qui empruntent les ferries et le tunnel. Les bouchons sont donc fréquents, et les exilés essayent de se glisser dans ou sous les camions pour tenter leur chance vers l’Angleterre.

Rapport annuel sur les centres et locaux de rétention administrative. Chaque année, les cinq associations intervenant dans les centres de rétention administrative publient ensemble un état des lieux de la situation. Le rapport 2013 vient de sortir.

Syriens à Calais, deux semaines de manifestation. Depuis deux semaines, les Syriens à Calais manifestent pour obtenir le droit d’accéder légalement au territoire britannique pour y déposer une demande d’asile. Ce faisant, ils mettent les États européens face à leurs contradictions.

À l’initiative des Soudanais de Calais, manifestation aujourd’hui pour les droits de l’homme au Soudan. Les Soudanais de Calais appellent à une manifestation aujourd’hui vendredi 21 novembre de 12h à 14h quai de la Moselle (à l’endroit où sont distribués les repas) suite aux récents événements survenus aux Darfour.

Face à la violence, les exilés réinventent la démocratie. Parmi les atrocités de cette guerre interminable du Darfour, l’armée soudanaise utilise le viol comme arme de guerre dans le village de Tabib. Les Soudanais présents à Calais se saisissent de la question, en débattent. Quelque soit leur région d’origine, la guerre au Soudan peut frapper n’importe où.

À quoi servent les renforts de police. Comme on a pu le constater, un déploiement différent des policiers déjà présents aux approches du port et de la rocade qui y conduit a suffi pour tenir les exilés à distance. Les derniers renforts de policiers et de gendarmes mobiles mis en place par le ministre de l’Intérieur allaient donc servir à autre chose. Mais à quoi?

Nouveau week-end en mouvement. L’automne s’annonçait sombre, avec les manifestations anti-migrants, les nouveaux accords franco-britanniques, la sécurisation du port et le projet d’une répression aggravée, l’hiver qui approche sans que rien ne soit prévu pour quelques deux ou trois mille personnes à la rue. Et puis, en face, des choses se créent malgré tout, qu’elles viennent des exilés ou des personnes qui les soutiennent.

La patience des Syriens. Ils sont là pour le dix-neuvième jour, près du port, avec leurs banderoles, pour demander de pouvoir entrer légalement au Royaume-Uni et y déposer leur demande d’asile. Ils sont plus ou moins nombreux selon les jours. Le groupe change aussi avec le temps : des nouveaux arrivent à Calais et se joignent à la manifestation, une partie des manifestants du début sont déjà au Royaume-Uni – par la voie classique, dans ou sous les camions.

Rafles à Calais. Treize exilés soudanais ont été arrêtés durant la nuit d’hier mercredi à aujourd’hui et transférés en milieu de journée au centre de rétention du Mesnil Amelot, près de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. L’un d’entre eux est demandeur d’asile.

Alerte: Soudanais en instance d’expulsion vers le Soudan. Suite aux arrestations d’avant-hier, onze Soudanais sont effectivement arrivés au centre de rétention du Mesnil-Amelot, près de l’aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, avec une décision d’expulsion vers le Soudan.

La question lancinante des renvois vers le Soudan. C’est l’un des objectifs donnés aux préfets par la circulaire du 11 mars 2014: renvoyer plus efficacement, notamment vers les pays d’origine. C’est aussi l’un des objectifs affichés de la réforme de l’asile en préparation: renvoyer plus efficacement les demandeurs d’asile déboutés de leur demande (c’est-à-dire ayant reçu une réponse négative).

Notre ami Omar El-Béchir. Le Soudan connaît depuis plus de trente ans une imbrication de guerres civiles, entre le Nord et le Sud, que la partition du pays n’a pas réussi à terminer, au Darfour, mais aussi dans d’autres régions comme celle du Nil bleu ou des Monts de Nuba.

Un mort inconnu. On l’apprend par un entrefilet dans la presse : le corps d’une personne qui pourrait être un exilé a été retrouvé ce matin sur l’autoroute A16 entre Calais et Boulogne, près de Saint Inglevert.

Les Soudanais libérés… mais comment? Les onze Soudanais envoyés au centre de rétention du Mesnil Amelot, près de l’aéroport de Roissy, pour être expulsés au Soudan, ont tous été libérés aujourd’hui. Le préfet du Pas-de-Calais a utilisé le même subterfuge qu’en juillet dernier: il n’a pas demandé la prolongation de la rétention au-delà des cinq jours. Conséquence: le Juge des libertés et de la détention n’a pas eu à se prononcer sur la légalité de l’arrestation et du placement en rétention.

Syriens: les portes fermées de l’Union Européenne. Les manifestations des exilés syriens à Calais, où ils se sont rassemblés quotidiennement pendant vingt jours – ils se sont arrêtés jeudi dernier (voir la chronique de leur mouvement sur ce blog et sur l’audioblog Passeurs d’hospitalités, sur lequel des traductions en français des entretiens seront bientôt disponibles) et à Athènes où ils sont rassemblés devant le parlement depuis deux semaines (voir sur le blog Exilés dans les Balkans et sur Okeanews) témoigne de la situation qui leur est faite en Europe.

Bricolage préfectoral à l’approche de l’hiver. La préfecture du Pas-de-Calais nous avait habitués à l’incohérence, à l’improvisation et au bricolage, qu’il s’agisse du relogement des femmes du squat Victor Hugo, des expulsions de campement du 28 mai 2014, des rafles du 2 juillet, ou des récentes tentatives d’expulsion vers le Soudan.

18 décembre: non au « mur de la honte » à Calais! Appel du Mouvement Emmaüs et de l’Organisation pour une Citoyenneté Universelle: Douze ans après la fermeture du hangar de Sangatte, la France va-t-elle avoir son Ceuta et Melilla à Calais? Le nombre croissant de migrants présents depuis plusieurs mois dans le Calaisis, conduit nos gouvernants à franchir une étape dangereuse pour les libertés et le respect des droits des migrants.

13 décembre à Lille: sur les frontières européennes. Une projection – débat samedi prochain à Lille: «Samedi 13 décembre 2014 à 14h30 au Centre Culturel Libertaire (4 rue de Colmar, Lille) sur les luttes contre les frontières à travers l’Europe *En présence d’une des réalisatrices du collectif Tracing Movements et des activistes de Noborder Maroc.

10 décembre à Paris: Calais, ou la vie réinventée. Une exposition photo du 4 au 14 décembre, et un débat le 10: «Expo photo: Calais, ou la vie réinventée de Julie Rebouillat, au Saint Sauveur (Paris 20e) du 4 au 14 décembre!! Le bar étant ouvert de 17 à 2h du matin, ouvert tous les jours! Rendez-vous mercredi 10 décembre à 19h pour une rencontre avec Yousouf, ancien migrant qui à enfin obtenu l’asile, Nathalie, réalisatrice du documentaire No Comment, Julie la photographe, et quelques autres!!!…

13 au 20 décembre à Calais: semaine d’échanges de savoir. En lien avec la manifestation du 18 décembre, Calais Migrant Solidarity invite à une « Semaine d’échanges de savoirs et de préparation de la manifestation du 18 décembre 2014 ». Ici sur le littoral du nord de la france et dans ses terres, la bidonvillisation, la violence font partie des modes opératoires de l’État en réponse aux personnes voyageant avec ou sans documents officiellement reconnus par l’État français. A Calais elles sont entre 2000 et 2500.

13 décembre à Lille (suite): sur les exilés à la frontière britannique. Pour continuer l’après-midi du samedi 13 décembre à l’Insoumise, Julien le photographe nous invite à une exposition de ses photos, une projection et une discussion.

18 décembre à Calais: rassemblement 10h30 devant le théâtre. La manifestation «Non au « mur de la honte” à Calais» le 18 décembre à l’initiative du Mouvement Emmaüs et de l’Organisation pour une Citoyenneté Universelle partira à 10h30 devant le théâtre, place Albert 1er.

Sauvons Calais des Calaisiens. Une anecdote, hier en fin de journée: «J’allais faire mes courses au centre commercial. Dans la galerie, je croise deux vigiles qui raccompagnent vers la sortie quatre personnes, deux hommes et deux femmes, à la peau blanche et à l’accent calaisien, qui échangent encore des propos peu amènes, laissant deviner que le ton devait devait être plus haut quelques minutes avant.

Alerte: Soudanais en instance d’expulsion vers le Soudan (encore). Plusieurs exilés soudanais ont à nouveau été arrêtés dans la nuit de mercredi à hier jeudi. Si une partie d’entre eux ont été libérés dans les heures qui ont suivi, un nombre inconnu a été emmené dans des centres de rétention loin de Calais. Nous avons retrouvé trois d’entre eux au centre de rétention de Metz, nous cherchons toujours les autres.

Que s’est-il passé dans la nuit de mercredi à jeudi? Il a fallu faire le tour des campements pour savoir qui avait pu être placé en rétention, et comprendre ce qui s’était passé cette nuit-là. Merci aux militants qui l’ont fait.

Mort lors du passage, côté britannique. Deux exilés soudanais ont réussi à passer au Royaume-uni sous un camion. Ils ont voulu descendre quand le camion s’est arrêté. Le camion a redémarré. L’un des deux a été tué. L’autre était déjà descendu quand le camion a démarré, et n’a pas été blessé, selon les médias britanniques. Selon des exilés soudanais à Calais il aurait été gravement blessé.

Immigration et délinquance. Alors que monte à Calais un discours associant « migrants » et délinquance, comme pour justifier l’aggravation de la répression à laquelle nous assistons en ce moment, nous signalons le documentaire diffusé par France 2 dans l’émission Infrarouge.

Le générateur voyageur. Une musique sort du bois Dubrûles. En entrant dans le sous-bois, des cabanes et des gens. Deux groupes vers l’intérieur. L’un entoure une multitude de rallonges et de prises électriques, près d’un groupe électrogène, pour recharger les téléphones portables. L’autre, un peu à l’écart du bruit du moteur, autour d’une sono qui alterne avec un grand respect réciproque musique afghane et musique éthiopienne, les deux principaux groupes qui habitent là. La musique provient des téléphones portables des uns et des autres. Quelques pas de danse s’esquissent parfois.

« Les eaux sombres » au Musée de l’histoire de l’immigration.Du 18 décembre 2014 au 1er février 2015 au Musée de l’histoire de l’immigration, une exposition de photographies de Marc Bellini, sur les migrants, la migration et la mort.

Valeur ajoutée. « Problème de l’immigration », « fardeau des immigrés », « flux massifs », « misère du monde (on ne peut accueillir toute la) » : Le discours sur la venue de personnes originaires d’ailleurs est saturé de terme négatifs et dramatisants. Sachant qu’il ne s’agit pas de n’importe quelle immigration. Il y a probablement en France plus d’immigrés japonais ou canadiens que d’Afghans, plus de Suisses que de Maliens. L’Autre vient du Sud.

Autour du feu. Squat Galou, fin d’après-midi ensoleillée. Certains s’appuient au mur, face au soleil. On plaisante sur le soleil d’ici et le soleil d’Afrique – on plaisante, ou on échange en riant sur ce que c’est de vivre à la rue l’hiver en France quand on vient du Soudan.

18 décembre: manifestation à Calais et soutiens dans d’autres villes. À la veille de la manifestation à Calais «Non au « mur de la honte » à Calais», des rassemblements de soutien sont organisés ailleurs en France: à Bressuire, rassemblement à 18h place Notre-Dame; à Mulhouse, rassemblement de 12h30 à 13h30 devant la sous-préfecture; à Rennes, rassemblement à 18h place de la République; à Paris, la manifestation se fait sous ses propres mots d’ordre, mais l’appel mentionne le soutien à Calais: départ à 18h de Belleville.

20 décembre au FRAC Dunkerque. «Objets disparates, œuvres d’art, témoignages, documents d’archive… c’est à travers divers médias que l’exposition “Chassés croisés” explore l’un des paradoxes les plus sensibles à l’ère de la mondialisation: les tensions entre libre circulation des biens et des personnes et immigration irrégulière. Revenant sur les spécificités du détroit du Pas de Calais, l’exposition cherche à porter un nouveau regard sur les migrations en questionnant les représentations de l’étranger, du nomade, du voyageur.»

Alerte: exilés en instance d’expulsion. La préfecture du Pas-de-Calais continue à prendre des décisions d’expulsion vers le pays d’origine et d’éparpiller les personnes dans des centres de rétention aux quatre coins de la France.

Syriens en rétention: renvois vers l’Italie. Les démarches pour retrouver les exilés arrêtés à Calais et placés en rétention un peu partout amènent d’autres informations. Ainsi treize Syriens sont en rétention à Metz pour être renvoyés en Italie, deux autres, arrêtés à Calais, seraient en rétention au Mesnil-Amelot, en région parisienne.

Emmaüs à Calais: le poids du sens. «Quand les compagnons reviennent de Calais, ils disent tous qu’ils ont connu la rue, mais qu’ils n’avaient jamais vu quelque chose comme ça», témoignait cet été une responsable d’Emmaüs. Depuis, l’hiver est venu.

La direction de Tioxide interdit le Noël des enfants exilés. Cet après-midi, un spectacle de marionnette était prévu pour les enfants du campement qui s’est installé, suite aux expulsions des campements proches du centre-ville le 28 mai et le 2 juillet, sur les terrains de l’usine Tioxide. Sept à neuf cents personnes vivent là, dont des femmes, et souvent des enfants.

Un décès d’exilé, encore. Ce qu’on pouvait savoir de l’accident avait été relaté en trois lignes dans la presse locale : une personne, probablement un exilé, retrouvée inanimée au bord de l’autoroute A16, et emmenée au centre hospitalier de Lille, dimanche 14 décembre, entre Dunkerque et Calais.

Symbole? En ces veilles de fête, les Pères Noël se multiplient dans les rues, les commerces, les centres commerciaux. À l’entrée et dans le grand hall du centre commercial au centre de Calais, il y a des CRS.

Noël. Le chemin du Pont Trouille, qui longe le bois Dubrûle, a des allures de rue de village. À un bout, des exilés cherchent une connexion pour leur portable. À l’autre se trouve le point d’eau, on y vient remplir bouteilles et jerrycans, y laver son linge ou s’y raser. Entre les deux, on marche, on se croise, où on se tient comme sur le pas d’une porte à profiter du soleil de décembre. De l’autre côté de la rue, qui se souvient que ce grand terrain vague correspond à l’ancienne jungle des Afghans, dont la destruction le 22 septembre 2009 par le gouvernement de l’époque a été mise en scène pour les télévisions du monde entier.

24 décembre, Cazeneuve à Calais. La visite du ministre la veille ou le jour de Noël est une figure d’ordinaire réservée aux armées en opération extérieure, en Afghanistan ou au Mali, par exemple. Le ministre de l’Intérieur a choisi de reprendre cette figure guerrière ce 24 décembre à Calais.

Libre comme le vent. Quelques jours après la visite du ministre de l’intérieur venu montrer que c’est sûr il assure, les nouvelles grilles du port, au premier grand vent, sont tombées par terre.

Le résumé des contributions (avec les liens à cliquer pour plus de détail) occupe 20 pages bien pleines. C’est ici.

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